L'Union économique et monétaire ouest- africaine (UEMOA) et le Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (CAMES) ont instruit les pays membres à appliquer le système Licence- Master-Doctorat (LMD) dans les universités et instituts supérieurs avant 2012. Ainsi, conformément à ces directives, le Burkina Faso s'est lancé dans cette aventure en adoptant officiellement un décret d'application y relatif en 2007.
Et l'Université de Ouagadougou, a été la première à se jeter dans la réforme en 2009-2010, en application de la Directive N°03/2007/CM/UEMOA portant adoption du système LMD dans les universités et établissements d'enseignement supérieur au sein de l'UEMOA, avec comme cobaye, l'Unité de formation et de recherche/Sciences et technologies.
Il s'agit de ce fait, d'une réforme imposée aux Etats membres, avec pour objectif principal, la professionnalisation des filières de formation pour une meilleure adaptation des compétences aux besoins de la société. Cinq ans après sa mise en œuvre dans les quatre universités publiques de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et de Koudougou, son application reste timide du côté du privé.
Des acteurs s'interrogent toujours sur la nécessité d'un tel système. Sur ce sujet, les avis sont partagés. «Le Burkina n'a pas le choix, il doit appliquer le LMD», avait déclaré le président de l'Université de Ouagadougou, Pr Karifa Bayo. «Nous, en tant que système universitaire africain, nous entretenons des liens de coopération et d'échanges universitaires avec le monde à travers les enseignants, les étudiants, des recherches à travers des laboratoires», a avoué le directeur général de l'enseignement supérieur et de la recherche, professeur, Salaka Sanou, avant de poursuivre : «à la limite, nous n'avons pas d'autres choix que de nous en rimer avec le système universitaire mondial. Si nous voulons rester dans le système universitaire mondial, c'est une obligation pour nous».
Pour le Pr Bayo, «refuser le système LMD revient à s'isoler du processus de mondialisation». Pour sa part, le coordonnateur du LMD, Dr Serges Bayala, a indiqué que ce système présente de nombreux avantages. Contrairement à l'ancien modèle, le LMD n'a que trois grades. Et de son avis, «c'est un système flexible qui facilite aussi la mobilité d'une filière à une autre». Il met l'accent sur la pédagogie de l'enseignant qui doit participer à la construction de la compétence, et sur la responsabilisation de l'étudiant en l'amenant vers la spécialisation dans la pratique professionnelle.
Un point de vue que ne partagent pas les étudiants, qui demandent tout simplement le retour à l'ancien système. Dans ce sens, le Pr Laya Sawadogo, ancien ministre des Enseignements secondaire et supérieur, dans une interview accordée à Eveil Education, a souligné que les difficultés de l'UO résultent de la mise en marche «automatique» de la réforme sans réunir au préalable «les éléments fondamentaux qui conditionnent le succès».
D'où les énormes difficultés qui rendent difficile sa mise œuvre effective. Il est en effet ressorti de l'atelier de recadrage et d'harmonisation de la mise en œuvre du système LMD dans les universités et les institutions d'enseignement supérieur publiques du Burkina Faso, les 15, 16 et 17 avril 2013 à Bobo-Dioulasso, l'insuffisance et l'inadaptation des infrastructures, le manque d'enseignants en nombre, la forte dépendance des enseignants vis-à-vis de l'extérieur, la gestion difficile des évaluations et des notes.
Toute chose qui entraîne des chevauchements de semestres. Il y a aussi le scepticisme et la crainte du corps professoral au regard des réalités, des exigences et du volume de travail à sa charge, à la stigmatisation par les étudiants de l'application du système LMD comme relevant du mimétisme de l'Occident, à leurs exigences de mesures d'accompagnement.
A cela s'est ajouté le désappointement du personnel ATOS (Administratifs, techniciens, ouvriers et services) qui se sent laissé à la marge du processus. Une difficulté évoquée lors de ces rencontres, l'inadéquation entre les grades du système LMD et les diplômes professionnels tels que le DUT, les diplômes d'ingénieur et des études médicales, mais aussi celui de la dénomination nouvelle à donner à ces diplômes. La grande préoccupation des étudiants, c'est la non-prise en compte des diplômes du LMD dans les concours de la Fonction publique.
Des inquiétudes que le gouvernement dit prendre en compte. «Nous devons relever des défis avec notre capacité à redonner un avenir et une espérance à notre jeunesse», a dit l'ex- chef du gouvernement, Luc Adolphe Tiao, lors des étaux généraux de l'enseignement supérieur tenus à Ouagadougou du 13 au 15 juin 2014.
«Le gouvernement sera là pour soutenir et porter avec vous cette ambition collective. C'est pourquoi, je réaffirme avec force, que nous allons investir dans la formation supérieure et la recherche afin de donner un horizon aux jeunes, pour leur offrir un nouveau souffle pour croire en l'avenir». Il avait annoncé à l'occasion, que dans les cinq années à venir, le gouvernement s'engage à s'attaquer aux problèmes les plus urgents par des actions concrètes et des moyens à la hauteur de son ambition, naturellement en adéquation avec les ressources de l'Etat.
Dans ce sens, il a insisté que tout sera mis en œuvre pour créer, entre autres, toutes les conditions indispensables à l'application du système Licence-Master-Doctorat (LMD). Malgré ces difficultés qui entravent la bonne marche du système, certains y voient toujours la nécessité de la mise en œuvre. Ces derniers y voient dans cette réforme, l'occasion pour les universités burkinabè de se maintenir dans les débats scientifiques, internationaux mais aussi de pouvoir s'inscrire dans les systèmes d'échanges de professeurs et d'étudiants. «Ce n'est pas parce qu'on rencontre des difficultés qu'il ne faut pas y aller», a fait savoir le directeur général de l'enseignement supérieur et de la recherche, Pr Salaka Sanou.
Il a mentionné que toute réforme comporte nécessairement des réticences de la part des acteurs. Toutefois, pour lui, la réussite de la réforme dépend forcément d'un changement de mentalités de la part des acteurs, notamment, des étudiants, des enseignants, du personnel d'appui des universités. «La première solution, c'est le mental», a-t-il répété.
A l'entendre, c'est soit on y est, soit c'est la disparition. Mais c'est en cela qu'il faut comprendre le système LMD, selon M. Sanou. Pour ce faire, il faut la poursuite des activités d'information et de sensibilisation des acteurs de la réforme, pour une mise en œuvre effective du LMD. Un atelier d'évaluation de la mise de la réforme est prévu en fin janvier 2015.
Mariam OUEDRAOGO
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