Dans cet entretien qu'il nous a accordé, le directeur général du CIOSPB, Vincent F. Tiendrébéogo, revient sur le mécanisme d'attribution des bourses au Burkina et souligne que tout est fait dans la transparence.
Zoodomail : Présentez-nous en quelques mots le CIOSPB
Vincent Tiendrébéogo : Le CIOSPB est le Centre national de l'information, de l'orientation scolaire et professionnelle et des bourses. C'est une structure rattachée au ministère des Enseignements secondaire et supérieur (MESS) qui a principalement deux missions. La première mission c'est la gestion de l'information et de l'orientation scolaire dans notre système éducatif. La deuxième mission est la gestion des bourses et des stages.
Parlons spécifiquement de la direction des bourses et des aides financières. La rentrée académique 2014-2015 sera bientôt effective et la grande préoccupation de beaucoup d'étudiants et leurs parents est l'obtention d'une bourse d'étude. Combien de types de bourses attribuez-vous au CIOSPB ?
Je voudrais d'abord féliciter tous les bacheliers de la session 2014 et donner des conseils à ceux surtout qui veulent poursuivre des études supérieures. Tout d'abord, il faut travailler parce que seul le travail paie et au niveau du CIOSPB, nous accompagnons l'excellence. En ce qui concerne les types de bourses, nous avons des bourses du premier cycle qui concernent des nouveaux bacheliers inscrits en première année. Nous avons des bourses intermédiaires pour ceux qui sont en première année et qui ne sont pas attributaires d'une bourse et qui vont en deuxième année avec une bonne moyenne. Ces derniers peuvent postuler pour avoir une bourse en 2e ou en 3e année. Nous avons des bourses pour le second cycle pour ceux qui sont titulaires d'un bachelor ou d'une licence et peuvent postuler pour une bourse et continuer des études de master au second cycle. Il y a ce qu'on appelle également des bourses du troisième cycle. Là, il faut être titulaire du master 2 de recherche pour pouvoir continuer. Nous avons ce qu'on appelle aussi des bourses pour l'extérieur c'est-à-dire la zone d'Afrique et la zone hors d'Afrique qui concerne aussi les bourses des premier, second et troisième cycles. Il y a aussi la coopération avec certains pays du Maghreb notamment l'Algérie, la Tunisie et le Maroc. Il y a des quotas de bourses que ces pays mettent chaque année à la disposition du Burkina Faso. C'est pour les nouveaux bacheliers généralement et, en fonction des quotas, il y a une présélection qui est faite en fonction des conditions déjà fixées par ces donateurs. Nous faisons cette présélection et nous envoyons les dossiers et ensuite nous avons les résultats définitifs.
Combien de bourses nationales l'Etat burkinabè met à la disposition de ses étudiants chaque année ?
Pour la rentrée académique 2014-2015, nous avons 2 000 bourses plus 300 bourses spécifiquement pour les filles. Nous avons donc en tout 2 300 bourses qui sont répartis au niveau de deux arrêtés distinctifs signés par le ministre des Enseignements secondaire et supérieur. Chaque année, il faut ces arrêtés pour pouvoir attribuer les bourses. C'est à partir du 24 mars 2014 que le nombre de bourse est passé à 2 000 plus les 300 spéciales pour les filles avec une augmentation du taux de 20%. Il y a aussi comme innovation la prise en compte d'une répartition régionale dans l'attribution des bourses. Chaque région abritant une université ou un centre universitaire a des quotas et nous allons essayer de les respecter.
Quels sont les critères pour obtenir une bourse au Burkina Faso ?
En ce qui concerne les critères d'attribution, nous avons principalement trois critères. Le premier critère c'est l'excellence au niveau des aptitudes intellectuelles avec une moyenne minimum de 12/20 au baccalauréat pour les nouveaux bacheliers et de 12.5/20 pour ceux qui sont en formation. Le second critère au niveau des nouveaux bacheliers, c'est le revenu des parents et le nombre d'enfants en charge. Plus les parents ont des revenus élevés, plus les chances d'avoir une bourse par rapport à la moyenne sont moindres. Enfin, le troisième critère est l'âge. Pour les nouveaux bacheliers, c'est 22 ans au maximum.
Parmi les critères d'attribution, certains estiment que le revenu des parents n'est pas un bon critère parce qu'un commerçant qui a souvent plus d'argent qu'un fonctionnaire peut avoir une bourse pour son enfant s'il obtient un certificat de non-imposition de ses revenus...
Il faut reconnaître que ce critère de revenu des parents a une histoire. Depuis le contingentement des bourses à 500, il fallait trouver un mécanisme pour que ces bourses reviennent en majorité à ceux qui sont les plus démunis. C'était l'objectif de départ. C'est vrai qu'aujourd'hui si on prend un commerçant qui est nanti mais qui fait un certificat de non-imposition comme quoi il n'a pas de revenus, on ne peut que se contenter de ce document au niveau de la commission d'attribution des bourses. Pour les fonctionnaires, on va calculer le revenu des parents à partir de leurs bulletins de salaire et on va dire que leur enfant ne peut pas avoir la bourse. Par contre, s'il y avait peut-être une enquête au départ, on allait prouver que ce commerçant ne devrait pas avoir la bourse parce qu'il a plus de revenus. Si les gens sont honnêtes, il ne devrait pas avoir de problème. Au départ, au niveau du décret portant gestion des bourses d'étude, il était dit que si les parents avaient des revenus annuels de plus de 3 millions de F CFA, leur enfant ne peut pas avoir la bourse. En 2008, le décret a été revu et un arrêté a été annexé conjointement. Maintenant, si vous avez des revenus de plus de 6 millions, votre enfant ne peut pas avoir la bourse. Si on doit faire encore une relecture des textes, il faut revoir ce montant à la hausse parce qu'il faut tenir compte de l'évolution et ne pas rester statique.
Comment se fait concrètement l'attribution de la bourse, du dépôt des dossiers à la publication de la liste des bénéficiaires ?
D'abord, nous élaborons des appels de communiqués à candidature selon le niveau d'étude des étudiants. Il y a des communiqués qui fixent les conditions qui sont publiés par la presse et dans les 13 directions régionales du ministère, dans les universités et en affichage au niveau du CIOSPB avec des dates limites du dépôt des dossiers. Après cette phase, si nous recevons les dossiers, nous devons les traiter par des fiches techniques pour que lorsqu'on prend un dossier, on y trouve toutes les informations nécessaires. C'est en fonction de cela que la saisie est faite. Une fois cette saisie terminée, nous proposons une date pour que la commission nationale d'attribution des bourses puisse se réunir pour la tenue de la session. C'est, en effet, la Commission nationale des bourses d'étude et des stages (CNBES) qui est la structure qui attribue les bourses. Le CIOSPB n'attribue pas de bourses. Il traite simplement les dossiers pour les mettre à la disposition de la commission nationale. Ce sont les dispositions issues de cette commission nationale que nous mettons à la disposition du public. Mais pour le commun des mortels, c'est le CIOSPB qui fait tout.
Quelle est alors la différence entre le CIOSPB et la commission nationale ?
Le CIOSPB c'est la structure qui gère les dossiers et qui permet de suivre la gestion même des bourses. La commission nationale s'occupe de l'attribution des bourses. Nous préparons tous les dossiers et la commission nationale se charge d'attribuer les bourses. Et nous revenons à la fin pour afficher les résultats.
Qui sont les membres qui composent la commission ?
La Commission nationale est composée d'un représentant de certains départements ministériels comme la Primature, celui de l'Economie et des Finances, le ministère des Sports et Loisirs, celui de l'Action sociale, le ministère de la Jeunesse et de l'Emploi, le ministère de la Santé, celui de la Fonction publique, les universités publiques, les représentants du FONER et du CENOU, la direction des enseignements supérieur et de la recherche, plus 2 représentants des étudiants élus. Normalement, nous avons 3 sessions ordinaires. Mais compte tenu du nombre de dossiers que nous gérons, ces trois sessions ne suffisent plus et nous avons ajouté 2 sessions extraordinaires.
Malgré la composition élargie de la commission nationale, ils sont nombreux à penser que les bourses s'attribuent par affinité...
Bien sûr que si on n'a pas la bonne information, on n'est libre de penser comme on veut. Mais, il suffit d'approcher le CIOSPB pour prendre connaissance du décret portant composition de la commission et d'approcher aussi ceux qui sont membres parce que les gens ne les approchent pas. C'est seulement ceux qui sont au CIOSPB qu'ils approchent alors que le CIOSPB n'attribue pas les bourses. Mais si vous rencontrer les étudiants élus, ils vous diront que la tâche n'est pas aussi facile. Parfois, il y a des discussions houleuses pour s'accorder et attribuer les bourses. Et lorsqu'on n'arrive pas à se mettre d'accord, on demande maintenant l'avis du président de la commission nationale qui est le ministre des Enseignements secondaire et supérieur qui se fait représenter par son conseiller technique. Il y a aussi le vice-président qui est le ministre de l'Economie et des Finances.
En ce qui concerne les bourses étrangères, d'aucuns disent que c'est seulement les « fils à papa » qui y ont droit. Qu'en est-il exactement ?
Il faut savoir d'abord qu'ils y a des parents qui envoient leurs enfants à l'extérieur et qui ne sont pas boursiers. Ils paient leurs études que ce soit dans le public ou le privé. Il y en a plein. C'est comme ceux qui paient les études de leurs enfants dans les établissements privés au Burkina. Ce n'est pas parce qu'on étudie à l'extérieur qu'on dispose d'une bourse. On peut commencer les études à l'extérieur avec le soutien des parents et être par la suite bénéficiaire d'une bourse lorsqu'on étudie bien. Le problème se trouve surtout au niveau de la série D où les étudiants se plaignent parce qu'ils peuvent avoir 15 de moyenne et ne pas bénéficier d'une bourse marocaine, par exemple, alors qu'ils peuvent postuler pour l'Algérie ou la Tunisie. Mais ils ne demandent pas pour ces pays-là parce qu'ils pensent qu'avec leur moyenne, ils ont automatiquement la bourse. Ils oublient aussi qu'y a d'autres candidats qui ont des 17 de moyenne. Si beaucoup d'étudiants de la série D ont de grosses moyennes, il est évident que tous n'iront pas à l'extérieur. A l'opposé, il y a des gens qui partent avec des 12 parce qu'ils sont d'autres séries. Mais au niveau aussi de la commission nationale, d'une année à l'autre les moyennes peuvent vaciller. Certains peuvent avoir la bourse avec 12 et d'autres ne l'auront pas même avec 13 de moyenne parce qu'on affecte les quotas et on prend les majors en descendant.
Qu'est-ce que le CIOSPB fait justement pour permettre au public d'avoir toutes les informations ?
Chaque année nous tentons de communiquer dans les médias pour donner les informations nécessaires. Mais ce travail ne suffit pas. Il faudrait aussi que le public vienne vers nous. Cela est très important parce qu'il n'est pas intéressant que ce soit nous seulement qui allons vers les gens. Il faut qu'à leur tour ils viennent vers nous ; les appels à candidatures sont, par exemple, mis à la disposition de tout le monde et ceux qui s'y intéressent le savent. En effet, lorsque vous n'avez pas un enfant qui cherche une bourse, cela ne vous intéresse pas. C'est quand votre enfant cherche la bourse que vous commencez à chercher l'information. Alors que vous pouvez chercher l'information bien avant. Nous avons une salle de documentation où ils y a des conseillers qui sont à la disposition du public. Nous avons aussi un site web (www.ciospb.bf), il y a le site web du ministère également. Tous ces canaux sont donc des lieux de recherche de l'information. Il faut, en somme, que les gens commencent à avoir une culture de l'information dans notre pays.
Les informations sur les bourses n'arrivent-elles pas souvent à la dernière minute ?
Lorsque nous recevons, par exemple, les bourses de certains pays amis qui peuvent arriver en retard, 5 jours avant la date limite, nous ne pouvons que donner l'information puisque nous venons de l'avoir. C'est là le hic parce qu'il y a tout un cheminement avant de nous transmettre l'offre. Ça passe d'abord par le ministère des Affaires étrangères, celui des Enseignements secondaire et supérieur avant de parvenir au CIOSPB. Nous recevons parfois des bourses dont la date limite est dépassée. Généralement, ces bourses sont prises en charge par des organismes ou des pays donateurs.
Comment faire la différence entre les bourses authentifiées, authentiques et les appels à candidatures frauduleux qu'on retrouve souvent sur internet ?
Il faut faire très attention à ces appels à candidatures pour les bourses. Il faut chercher l'information juste par rapport aux pays donateurs parce que cela est très important. Nous-mêmes nous avons reçu une offre de bourses pour la Suisse. Et nous l'avons affichée. En retour, des candidats sont venus nous dire qu'on leur demande de payer une certaine somme. Lorsque j'ai appris l'information, j'ai dit de donner l'information selon laquelle on ne devait rien payer parce que ce n'est pas normal. Deux personnes se sont entêtées et ont payé et c'était fini. Si nous mettons les informations sur les bourses à la disposition du public, c'est parce qu'elles nous viennent du ministère des Affaires étrangères. Il faut faire très attention parce qu'il y a de plus en plus des arnaques.
Comment un élève de terminale doit –il s'y prendre pour être bénéficiaire de la bourse ?
C'est très simple. Il faut que dès le 1er octobre de l'année en cours, il puisse s'intéresser aux différents types de bourses qui existent. Mais avant de parler de bourse, il faut d'abord bien étudier, il faut que l'élève fasse déjà un projet d'étude. Si cela est correct et qu'il a de bonnes notes, il est facile pour lui d'avoir la bourse. Il doit s'intéresser aussi aux informations concernant les bourses pour prendre connaissance des bourses qui seront attribuées. Il faut aussi qu'il s'y prenne tôt pour respecter les délais. Nous voulons inviter, pour finir les élèves, les étudiants ainsi que leurs parents et tous ceux qui s'intéressent à l'éducation à fournir des efforts pour la recherche de l'information juste et vraie. Lorsqu'on est informé, on évite de tomber dans des trous inutiles ou dans des considérations malheureuses. Le CIOSPB est à la disposition de tout le monde pour les besoins d'information.
Entretien réalisé par Fidwendé SAWADOGO