Ce jour-là, Dawooh avait très tôt le pressentiment que les choses n'iraient pas bien. Il était déjà dix heures et pas un seul client n'avait encore visité l'atelier. "Quel maudit jour!" se répétait-il.
Tampouor, le patron de Dawooh, avait installé son atelier sur le Boulevard de la Muerte, la plus grande avenue de la ville. Ce boulevard était bien connu pour son taux élevé d'accidents : 60%. Ainsi, chaque jour, autour de dix heures, Dawooh pouvait dire sans risque de se tromper si la journée serait 'bonne' ou 'mauvaise'. Mais ce samedi matin là, Dawooh était resté devant l'atelier, planté comme un poteau. Les ambulances ne s'étaient pas montrées régulières comme à l'accoutumée quand elles passaient à vive allure, hurlant sans répit en se dirigeant sur les lieux d'accidents ou à l'hôpital central. Dawooh tendit l'oreille, espérant que le salut viendrait des autres routes. Il n'entendit rien de prometteur. Ainsi, se résigna-t-il à laisser le sort jouer. Presque onze heures et pas un seul client ne se présenta.
Pour Dawooh, cela signifiait que même sur les routes environnantes, rien ne s'était produit.
"Maudit soient les jours pareils ! " murmura-t-il en rejoignant de nouveau son atelier. Il se rappela qu'il avait promis de rencontrer sa petite amie à 'Beauté Féminine', une boutique de produits cosmétiques. Il se dépêcha vers sa motocyclette parquée derrière l'atelier. Il la trouva à plat. Il alla voir Zancop, le petit mécanicien du coin, qui lui demanda la somme de 200 francs CFA pour le dépanner. Dawooh voulut négocier mais le mécanicien se montra intraitable : "C'est le prix. Depuis ce matin, c'est toi mon premier client. Je ne savais même pas où me procurer de l'argent pour mon repas de midi, mais Dieu soit loué ... "
Dawooh le fixa du regard pendant quelques minutes puis lui dit : "Tu es très mauvais. Ton souhait est que nous autres ayons des ennuis afin que tu puisses en tirer profit. Ne dit-on pas souvent que le malheur des uns fait le bonheur des autres ? Dieu te maudisse cent fois."
En réaction, Zancop répliqua, avec cynisme : "Mon souhait n'est pas si mauvais, comparé au tien. Ton souhait à toi est que chaque jour, un bon nombre de gens meurent afin que leurs parents viennent vider ton atelier de cercueils, te permettant ainsi d'amasser une fortune. Par conséquent, si Dieu est juste, et Il l'est, avant de me maudire une centaine de fois, il te maudira autant de fois que personne ne peut dénombrer. "
Mamadou SAWADOGO
Conseiller pédagogique de l'Enseignement secondaire
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