Burkina : la rentrée de tous les dangers ?

| 02.09.2014
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Burkina : la rentrée de tous les dangers ?
© DR / Autre Presse
Burkina : la rentrée de tous les dangers ?
A la veille de la rentrée politique, scolaire et universitaire, le Burkina, qui aborde sans nul doute une des périodes les plus charnières de son histoire, est comme du lait sur le feu qu'il faut surveiller de près.

Convoquera ? Ne convoquera-t-il pas ? La question taraude bien des esprits et l'avenir du Burkina dépendra de ce que le Président du Faso va décider si oui ou non il va consulter le peuple par référendum pour sauter le verrou de la clause limitative des mandats présidentiels afin de pouvoir se représenter en 2015 après 28 ans de règne. Tout le monde est suspendu aux lèvres de Blaise Compaoré. Le temps n'est pas l'allié du chef de l'Etat et il faudra bien se décider d'ici là sinon il serait trop tard pour lui et son camp. Une situation qui fait l'affaire de l'opposition politique qui ne veut pas entendre parler de référendum sur l'article 37 de la Constitution. Autour du chef de file, elle a su maintenir la pression et réussit à faire revoir les plans du clan présidentiel. Nul doute que la rentrée politique s'annonce décisive et les conséquences fâcheuses de la convocation d'un référendum sur la paix et la stabilité sociales sont bien réelles. Dialoguera ? Ne dialoguera-t-il pas ? Voilà une autre question qui reste posée et à laquelle la classe politique doit trouver une réponse d'ici là. Une offre de dialogue est bien sur la table de la part du Front républicain. Mais une offre que l'opposition trouve curieuse avec l'absence de négociations émise comme condition. Peut-on vraiment dialoguer, discuter dans ces conditions sur des sujets importants comme par exemple le référendum ? Mais chut, il paraît qu'en politique il ne jamais dire jamais !

La menace Ebola

En un mot, c'est par la politique que la braise au Burkina pourrait s'allumer. A côté de cette météo politique qui peut être orageuse, il y a le cas de la maladie à virus Ebola qui, sans être déclarée pour le moment au Burkina, a déjà frappé les esprits des Burkinabè. Pour cause, la fièvre hémorragique à virus Ebola, du fait de sa menace dans la sous-région à partir des trois pays foyers de la maladie à savoir le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, a été à l'origine du report sine die du Sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine sur l'emploi et la pauvreté qui devait se tenir à Ouagadougou au début de ce mois de septembre. L'alerte est maximale et le Burkina, comme d'autres pays de la sous-région, sont sur le qui-vive. Ebola, même sans avoir franchi nos frontières, a vraisemblablement des perturbations socio-économiques au Burkina. Après le report sine die du Sommet de l'Union africaine, d'autres manifestations culturelles et sportives risquent de connaître le même sort. Il s'agit du Salon international de l'artisanat de Ouagadougou (SIAO) qui doit se tenir fin octobre début novembre prochain et le Salon international du tourisme et de l'hôtellerie de Ouagadougou (SITHO) qui pourraient ne pas tenir à bonne date. Il y a aussi la 28e édition du Tour cycliste du Faso prévu pour s'élancer en octobre prochain. D'autres salons comme par exemple celui sur les télécommunications risquent aussi d'être « virussés ». Idem pour bon nombre d'activités à caractère national, sous-régional, continental ou international qui sont généralement organisées en fin d'année.

Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il faut au moins un semestre pour maitriser la propagation de la fièvre hémorragique Ebola. Du même coup, on pense au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) prévu en fin février-début mars 2015.

Le casse-tête de l'université

Pour ajouter à une rentrée sous tension, il y a le front social avec le monde de l 'éducation comme fer de lance. Au primaire, la décision d'octroyer l'entrée en 6e à tous les admis du Certificat d'étude primaire (CEP) fera des gorges chaudes. Les enseignants, qui dénoncent déjà la reforme du système éducatif, ne manqueront pas de donner de la voix en dénonçant les effectifs pléthoriques dans les classes. A l'université de Ouagadougou où rien ne va plus et où le blanchiment technique n'a pas produit les effets escomptés, les années se suivent et se ressemblent. Les chevauchements d'années académiques se poursuivent, le problème d'infrastructure reste posé et le discours des associations et des syndicats d'étudiants se fait de plus en plus violent sur le campus de Zogona. Dernier exemple en date : l'affrontement entre étudiants qui s'est soldé par des blessés.
Sur le plan académique, les autorités devront se préparer à faire face à un bouillonnement estudiantin à la rentrée à propos du système Licence Master Doctorat (LMD). Au terme de son congrès de 2014, l'Union générale des étudiants burkinabè (UGEB), le principal syndicat étudiant, a réclamé la suspension de l'application du système, cause selon l'organisation, de l'aggravation de la crise structurelle que vit l'enseignement supérieur public burkinabè. Avant la tenue de ce congrès en fin août, l'Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB) de l'Université polytechnique de Bobo a annoncé les couleurs par une grève avec, en toile de fond, la suspension du LMD. De tout ce cocktail politico-sanitaire et éducatif, il faut y ajouter le fait que le dernier trimestre de chaque année au Burkina, depuis l'assassinat du journaliste Norbert Zongo le 13 décembre 1998, est secoué par des manifestations. Comment Blaise Compaoré, dans ce calendrier qui ne lui est pas favorable, pourra convoquer, sans créer de tensions dans le pays, un référendum qui doit se tenir au moins six mois avant la présidentielle de 2015 ? Et ce, pour changer les règles du jeu pour rester ad vitam aeternam au pouvoir après un bail de 28 ans. Cette question taraude certainement l'esprit du n°1 burkinabè qui joue son avenir et celui du pays. Sans risque de se tromper, on peut dire qu'une rentrée ne s'est jamais annoncée avec autant de risques depuis le début du processus démocratique en 1990.

Henry BOLI

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