En outre, les questions (du chômage, de la liberté...) faisant l'objet de leurs revendications sont partagées par tous les peuples opprimés de l'Afrique, de l'Europe, de l'Amérique, de l'Asie, bref, du monde entier. De ce fait, la légitimité de la révolution se trouve dans les problèmes décriés par les manifestants qui, par leur ténacité et leur détermination ont pu venir à bout de régimes autoritaires. A la question : que veulent les protestataires ? Jeune Afrique N°2609, page 41 du 9 au 15 Janvier 2011 répond que leur revendication ne sont pas à proprement parler politique, mais d'abord éminemment sociales. Ils réclament des emplois, mais surtout des règles de jeu claires, juste et transparentes pour en finir avec la corruption, le népotisme et les passe-droits. Enfin, ils veulent être écoutés et respectés. Ce qui était valable pour les événements de Sidi Bouzid en Tunisie l'est aussi pour l'Egypte.
Aussitôt au lendemain de la révolution, nous avons assisté à la montée en puissance des islamistes dans l'espace politique maghrébin de façon démocratique en général. Ainsi, à la sortie de suffrage universel, tous ont accédé dans leur pays respectif à la magistrature suprême. Beaucoup sont ceux qui interprètent cette réussite de premier exercice démocratique tant bien que mal comme une récupération des révolutions par lesdits islamistes, qui auraient profité de l'opportunité pour se tailler la part du lion. Mais, comment ont-ils réussi ? C'est en faisant un travail de fond clandestinement depuis des décennies. Les méthodes employées par ces derniers sont toutefois discutables.
Le cas de l'Egypte est un cas exceptionnel qui mérite une attention particulière, les enjeux sont tellement importants au point qu'on se demande, si « ce qui se passe est la suite du processus de démocratisation du pays ou bien un complot de plus ». Je pense que ce qui s'est passé en Egypte n'a pas un autre nom qu'un "coup d'Etat" pour deux raisons principales :
- L'effort entrepris par le président Morsi pour écarter l'armée de la commande politique a suscité une frustration dans le camp de celle-ci, incarnée par le conseil suprême. Depuis lors, un bras de fer ouvert s'est établi entre les deux.
- Le président est réputé être hostile à l'Israël, comme tout bon islamiste, donc cela constitue un risque permanent de la remise en cause de l'accord de paix de 1966, entre l'Egypte et Israël.
Or, les U.S.A veulent absolument d'une manière ou d'une autre avoir l'œil sur les enjeux géopolitiques du monde arabe pour diverses raisons. En revanche, l'ascension des frères musulmans constituerait un obstacle majeur au dessein hégémonique américain, du fait de la rigidité de leur vision politique caractérisée par un manque de concession dans une certaine mesure.
Le dictionnaire Larousse définit la démocratie comme étant « le régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté sans l'intermédiaire d'un organe représentatif (démocratie directe) ou par représentants interposés (démocratie représentative) ». Au regard de cette définition, nous nous rendons compte que le peuple égyptien, au lendemain de la révolution, a à l'unanimité porté son choix sur la seconde option, c'est-à-dire la démocratie représentative, sur la base de laquelle une élection avait été organisée. Il convient de souligner que l'avènement des frères musulmans au pouvoir rentrait dans le cadre de la "stratégie de dégagement" de l'entourage Moubarak de la sphère du pouvoir. Jeune Afrique N°2686 du 1er au 7 Juillet 2012, page 44-45 mentionne que le nouveau président a certes été élu avec 51,7% des suffrages exprimés, mais seule une minorité de ses électeurs l'ont choisi par conviction. La grande majorité d'entre eux craignait en effet de voir l'ancien Premier ministre de Moubarak revenir au pouvoir. Quelques Egyptiens s'estimaient heureux en ces termes « La défaite d'Ahmed Chafiq me réjouit, mais la victoire de Mohamed Morsi ne m'enthousiasme pas autant », et ils poursuivent par « J'ai de profondes divergences avec Morsi sur le plan idéologique. Mais je sais qu'avec les frères musulmans au pouvoir les libertés politiques seront garanties, ce qui permettra au courant révolutionnaire de se développer. Cela n'aurait pas été le cas avec Chafiq ».
Enfin, le courant révolutionnaire s'est finalement développé pour donner naissance au tamaro (rébellion en arabe) qui a précipité le départ de Mohamed Morsi grâce à la bénédiction de l'armée qui s'érige en soit disant sauveur du peuple, pour perpétrer un nouveau coup d'Etat militaire sous couvert de la revendication populaire. Mohamed Morsi serait-il un choix par défaut par excellence. Que reste-t-il de la démocratie si la rue remplace les urnes ? Le président Morsi ne disposait pas d'un bâton magique, pour résoudre les problèmes aigus de l'Egypte en un temps record. Pourquoi ce que Moubarak n'avait pas pu faire en quarante ans de règne au pouvoir, Morsi l'aurait réussi en un an ? Il y a apparemment anguille sous roche, cherchons là encore. Ce coup d'Etat n'est rien d'autre que l'arbre qui cache la forêt, du moins pour l'instant.
Joël SALEBO pour Bâyiri.com
Joël SALEBO
Financier / Expert en restructuration / Ecrivain Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.