Ceci dit, ces derniers temps, la vie nationale est rythmée par la question du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) ; les projecteurs de l'actualité nationale sont tournés sur ce régiment, avec des récriminations diverses et des prises de positions variées, allant de la condamnation de certains faits reprochés à ce corps à son rejet en bloc. Ce qui a contraint ses animateurs à sortir de leur mutisme à travers leur service de communication, en publiant le 10 février 2015 dans lefaso.net, ce qui a été appelé « Mémoire en défense du RSP »
Cette forme de dialogue de la grande muette (même si c'est une partie) est une grande première et est à saluer à sa juste valeur. C'est ce qui a le plus souvent manqué.
J'avais la conviction que plus d'un millier d'hommes et de femmes ne pouvaient pas être impliqués dans des missions de nature sinistre, quand de surcroit ces missions relèvent du top secret (Vérité de Lapalisse ?) Ce qui m'a amenée à publier d'urgence, le 7 février 2015 dans lefaso.net et bayiri.com, un article intitulé « Mouvements d'humeur au sein du RSP : Evitons le risque de prendre la partie pour le tout »
A la lecture et à l'analyse de leur mémoire en défense, je suis confortée dans ma conviction, non seulement qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain mais aussi que le service de communication du RSP a encore d'autre sorties de ce genre à faire.
En effet presque l'ensemble des réactions et commentaires des internautes par rapport au mémoire en défense, sont suffisamment illustratifs des tortures, disparitions et autres abus de pouvoirs auxquels des noms de hauts responsables actuellement à des postes de commandement sont cités. A cela il faut ajouter les révélations faites par des victimes dans la presse locale et sur la place publique, avec ces mêmes hauts responsables du RSP cités nommément. A ce jour, nous n'avons pas encore entendu parler de plainte déposée à la justice par ces responsables pour diffamation ou fausse accusation.
Si tant est qu'il y a une volonté de laver l'image du corps ternie par toutes les accusations et soupçons portées contre lui, il faut souhaiter que la justice ouvre ou rouvre les dossiers pendants, dont ceux emblématiques auxquels le nom du RSP est mêlé, qu'elle diligente les enquêtes nécessaires pour établir les responsabilités et la vérité, et prenne les décisions conformément à la loi. Le corps sera réhabilité, la dignité et l'honorabilité des honnêtes et sincères membres de ce corps seront rétablies.
Le mémoire en défense dit qu' « Il y a déjà longtemps que ce Corps ne parle plus en termes de « COMPAORE »... La révolution des 30 et 31 octobre a touché toutes les couches socio-professionnelles » On voudrait bien y croire, mais c'est très difficile, en l'absence d'explications complémentaires. Comment le service de communication du RSP peut-il nous justifier que ce fut sous bonne escorte d'éléments aguerris du RSP que l'ancien président Blaise Compaoré a été exfiltré de Kossyam, accompagné loin de Ouagadougou puis héliporté hors de nos frontières ? Comment expliquez-vous votre exigence que ce soit un membre de l'escorte sur Abidjan et au Maroc qui prenne la tête du RSP, le Lieutenant-colonel Céleste Coulibaly en l'occurrence ? Et je reviens sur une question que j'ai posée dans mon article précité : pourquoi faut-il que d'autres personnes, de surcroit celles qui ont été au premier rang des garants de la longévité au pouvoir et de l'entêtement de l'ancien président, décident de qui doit assurer le rôle de Chef d'Etat Major particulier de la présidence de la transition et de celui de Commandant du Régiment de Sécurité Présidentielle pendant la transition ? Le Président ne peut-il pas nommer lui-même les personnes qu'il préfère pour sa sécurité ?
Quand à votre souhait « que l'on exploite les compétences indéniables du Général Diendéré, comme conseiller par exemple », personnellement je la trouve bonne. Même à la retraite, on peut jouer le rôle de conseiller. C'est même le bon moment pour accompagner et guider les pas des compétences existantes et qui ne cherchent qu'a être mises à l'épreuve, pour mieux partager son expérience et s'assurer qu'après soi, le Burkina Faso ne sera pas orphelin de compétences indispensables. C'est ce qu'on avait voulu que le président Compaoré fasse, lui qui a su bien exploiter l'expérience et les compétences de ses prédécesseurs en les mettant dans tous les Collèges (de sages) et tous les Comités (d'éthique). Evitons le syndrome de l'homme indispensable. Apres plus de trois mois suite aux évènements des 30 et 31 octobre 2014 dont le couronnement a été la fuite de M. Compaoré, nous avons ensemble fait la preuve que d'homme indispensable ad vitam aeternam, il n'en existe pas.
Toute ma déférence au Président Kafando, à nos plus hautes notabilités coutumières, à nos chefs militaires, à nos hommes et femmes de Dieu, à toutes les personnes ressources et aux amis du Burkina Faso, pour avoir entrepris de gérer avec tact ce dossier à relents de cocktail explosif. Mon souhait (bien partagé par mes compatriotes je suis sûre), est que cette question de l'avenir du RSP, les craintes des ses membres par rapport à son futur rôle, trouvent des réponses dans un cadre plus global tel que décidé par le Président du Faso, sous l'égide du Chef d'Etat Major General des Armées, avec la contribution de structures habilitées de notre armée nationale.
Le mémoire en défense vient à point nommé. Mais au delà des textes et de la base théorique du RSP, c'est la pratique sur le terrain qui pose problème. Ce ne sont pas les compétences dont regorge le RSP qui sont mises en doute, encore moins l'utilité de ce corps. Il faut appréhender la question du RSP en termes de contenant et de contenu. Il y a assurément du bon dans le contenu, mais le nom du contenant est gâté, par la faute de certains éléments de contenu. Dans la pratique, le RSP a été créé par le Président Compaoré pour sécuriser et garantir la longévité de son pouvoir. Aujourd'hui les choses on changé. Le Président Michel Kafando ne cherche pas à prolonger la transition au delà des délais définis de commun accord. Les forces de gendarmerie et de police peuvent bien assurer sa sécurité et celle des autres institutions.
Du reste, le Collège de Sages, en 1999, avait dans son rapport recommandé : « 2.2.8. Organiser la protection républicaine du chef de l'Etat par la Gendarmerie et la Police ». C'est ce même rapport qui avait recommandé le retour à l'article 37, version 1991. Ce que le président Compaoré avait accepte de faire, juste pour que la tempête se calme pour revenir à la charge avec l'appui de ses inconditionnels. Nous avons vu là où la volonté de ruser de l'ancien président nous a conduits. Un proverbe en Afrique dit : « Un vieillard (un sage) assis voit plus loin qu'un jeune homme debout ». Ce que les sages nous ont conseillés et que nous n'avons pas eu le courage de mettre en œuvre, avec leur accompagnement, nous a rattrapés, 15 ans après. Sachons, ensemble, tirer les bonnes leçons aujourd'hui.
Il appartient aux premiers responsables de notre armée de repenser un contenant et des missions pour cette unité d'élite. Personne ne peut se payer le luxe de ne pas mettre à profit de telles compétences, en raison des défis géostratégiques régionaux, mais aussi en raison d'une insécurité intérieure de plus en plus inquiétante : coupeurs de routes, braquages en plein jour même dans nos villes, vols par effraction ... Et que dire de nos campagnes ? Et par qui ? Par des bandits mieux équipés que nos forces de gendarmerie et de police. Pourtant ce ne sont pas les hommes et l'arsenal nécessaires qui font défaut au Faso.
Vivement que tous et toutes s'engagent dans la dynamique de votre conclusion : «Le RSP sera donc ce que les politiques voudront qu'il soit. En toute lucidité, en toute sérénité». Les techniciens de haut calibre de la commission ad-hoc mise en place par le Chef de l'Etat sauront, par leurs réflexions et les propositions qui en résulteront, permettre au politique de faire des choix et de prendre des décisions avisées
Benao Cynthia
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