Après la remise du rapport 2015 de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) au président du Faso, Luc Marius Ibriga et ses collaborateurs étaient face aux journalistes dans la matinée du 2 juin 2017. L’exercice a consisté en la présentation d’une synthèse du rapport, le document final lui-même s’étalant sur 366 pages. Au total, 28 structures de l’Etat ont fait l’objet d’audit et d’investigations par les contrôleurs et cela a concerné la période de 2012-2014. Sur l’ensemble de ces entités, il a été constaté des malversations de 31 144 989 350 francs CFA. La présidence du Faso arrive en tête du classement avec 25 milliards. Sur ce chapitre, l’audit du domaine financier a concerné les infrastructures, les voyages présidentiels, les marchés publics, les charges locatives, à savoir ce que la présidence paye en termes d’eau et d’électricité.
Il s’est donc agi de regarder les comptes de dépôt ou comptes bancaires ouverts par l’institution au niveau du Trésor public afin de noter ce qui est entré comme argent et l’utilisation qui en a été faite. Ce constat a été fait sur la base des pièces justificatives et pour savoir si certaines dépenses étaient éligibles. Dans ce rapport également, l’ASCE-LC a recommandé à l’ex-président du Faso le remboursement de 3,8 milliards de francs. «De quel ex-président s’agit-il ?» Et le contrôleur d’Etat Urbain Millogo de rétorquer : «Quand le président Kafando est arrivé, tous ceux qui géraient les comptes n’étaient plus là, donc ce sont des comptes qui ne pouvaient même plus fonctionner. Pour que lui-même il les utilise, il aurait fallu qu’il écrive pour dire qu’il en était le gestionnaire, ce qu’il n’a pas fait. Il n’a rien à voir dans ça. Il faut savoir aussi que le président du Faso, ne gère pas directement les finances, vous ne le verrez pas signer des chèques. C’est le directeur de cabinet qui est chargé en général de gérer ces aspects et le directeur administratif naturellement. Quand on parle de rembourser, ce sont les gestionnaires de comptes en réalité.»
Aboubacar Dermé
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Encadré
2 questions à Luc Marius Ibriga
Quelle est l’importance de l’ASCE-LC et combien de fonds elle a permis de rapatrier à la suite des rapports qui ont été publiés ?
«Nous n’avons pas fait la comptabilité, mais prenons le cas du dernier rapport sur les avantages servis aux agents. Quand le rapport est arrivé au niveau du ministère de l’Economie et des Finances, les recommandations ont été presque immédiatement appliquées. Récemment, il y a eu un transfert des bâtiments administratifs du MENA aux communes, parce que l’Etat n’entretient pas ces bâtiments. Les instituteurs et le personnel de la Santé ne voient pas l’intérêt d’aller habiter dans des maisons sans clôtures ni toilettes et s’ils y sont, ils perdent leur indemnité de logement qui vaut plus de 40 000 francs. Dans ça, nous avons vu aussi qu’il y a pas mal de personnes qui sont logées dans ces bâtiments, mais qui ont obtenu des certificats de non-logement, donc qui perçoivent l’indemnité. Cela coûtait à l’Etat près de 1,2 milliard par an.»
Qu’en est-il concrètement de l’affaire du Conseil supérieur de la communication et est-ce que la contre-expertise demandée par sa présidente est légale ?
«C’est une investigation sur la base d’une dénonciation. Ça ne concerne même pas la gestion de l’ensemble du CSC, mais des fonds alloués pour les élections. Nous sommes allés voir si les allégations sont fondées. La technique est que nous investiguons autour de la personne incriminée et quand nous aurons réuni tous les éléments qui nous semblent intéressants, nous les confrontons à cette personne. C’est pourquoi, dire qu’on a été au CSC durant 6 mois sans entendre la première responsable, c’est méconnaître nos techniques. Elle a été entendue et elle a produit des éléments de réponse, des pièces justificatives qui sont apparues brusquement. Cela a été annexé au rapport et le juge dira si elles sont fondées ou pas.
La contre-expertise n’est pas légale, aucun texte ne la prévoit. La procédure est claire. Après le rapport, il y a deux voies : l’autorité hiérarchique et le juge. S’il y a une contre-expertise, mieux vaut fermer l’ASCE-LC, donc elle n’est pas une autorité supérieure, elle n’aurait plus de sens parce qu’à chaque fois la personne incriminée va demander une contre-expertise et le rapport ne sera jamais définitif».
A.D.