Dans son message de nouvel an au peuple burkinabè, le Président du Faso disait ceci: «Nous n'avons pas oublié nos engagements en faveur des jeunes. En plus de l'inscription au budget national d'une ligne de crédit, nous comptons mobiliser des ressources additionnelles pour jeter les bases de notre programme pour l'emploi des jeunes. J'ai bien précisé qu'en raison de la durée de vie de la transition, nous tracerons au moins les sillons, à charge pour ceux qui viendront après nous de les parfaire».
C'est justement de cette jeunesse dont il sera question dans la présente lettre. Je vais m'intéresser particulièrement aux recrutements (1) et à l'externalisation des emplois (2). Mais avant tout propos, je dois souligner qu'en plus de ces deux sujets, j'avais déjà abordé d'autres dans des lettres que j'ai adressées aux organes de contrôle, au Conseil d'administration et aux actionnaires majoritaires d'une banque de la place. J'avais également alerté le Ministre de l'économie et des finances du régime déchu sur la gestion mafieuse et patrimoniale de cette banque. Je m'étais fixé une ligne de conduite qui était celle de ne pas rendre publique certaines informations. Malheureusement, il arrive des situations où il est mieux de parler que de se taire ; surtout lorsqu'on est face à l'injustice. Voilà pourquoi, j'ai décidé en mon âme et conscience, de dire ce que je pense être juste en espérant trouver la solution auprès de vous !
1. Qu'en-est-il des recrutements ?
Monsieur le Premier Ministre,
Dans certaines entreprises de la place, les recrutements se font à travers des méthodes totalement immorales et contraires aux lois et règlements en vigueur au Burkina Faso. Parfois même, au mépris des accords internes conclus entre la direction générale et les représentants du personnel. En effet, pour être recruté dans ces sociétés, il faut être une connaissance du DG ou de son DAF ou d'une personne influente dans la «boîte». Cette affirmation est plausible pour une très grande majorité des cas. Pour dissimuler le manque de sérieux et d'impartialité dans les recrutements, certains DG font recours à des cabinets de recrutement étrangers comme si au Burkina Faso il n'y avait pas de recruteurs. Il s'agit simplement de tests de recrutement de façade, d'un simulacre d'objectivité !
Monsieur le Premier Ministre,
Connaissez-vous les critères de recrutement chez certains dirigeants d'entreprises de la place ? C'est l'aspect physique de la candidate (pas du candidat !) qui est le critère déterminant. C'est le cas de cette banque de la place où il faut avoir la silhouette d'une Miss pour espérer y travailler. Si la candidate n'appose pas de photo sur son CV elle court la malchance de ne pas être présélectionnée. Concernant la banque dont il est question, c'est le DG lui-même et lui seul qui présélectionne les candidats. Ensuite, il envoie la liste au service des ressources humaines pour la convocation des candidats. Au début, il présidait un comité spécifique taillé sur mesure pour les recrutements. Quand il s'est rendu compte que l'on connaissait son mode opératoire, il a confié la tâche à son DAF à qui il donne des instructions fermes pour prendre telle et telle fille. Sa fille-type s'appelle Belinda. C'est ainsi qu'il a instruit les membres de son comité taillé sur mesure de «recruter des Belinda ». Belinda est une de ses employées, taille fine, bien élancée, bien ravissante à tel point que le DG ne puisse en résister. Il ordonne donc aux membres du comité notamment son DAF, de recruter les filles qui ont la forme de Belinda. La banque est-elle devenue une organisatrice de concours de Miss ou défilés de mode? N'est-ce pas de la discrimination ? Je pense qu'on doit donner la même chance aussi bien aux hommes qu'aux femmes, aux femmes « Belinda » que celles qui ne le sont pas ; au lieu de faire de la discrimination basée sur le sexe ou le physique. Personne n'a choisi son physique. Ce n'est donc pas normal d'en être victime. Je vous parle d'une situation que je connais et dont beaucoup de jeunes en sont victimes. Quant aux chargées d'accueil, c'est le DG lui-même qui fait les entretiens d'embauche. N'est-ce pas curieux tout ça ? Je fais l'économie des autres méthodes immorales usitées pour faire du chantage sur certaines employées dans le cadre des avancements et promotions. Il en est de même pour les stagiaires qui souhaitent voir leurs situations se régulariser après plusieurs mois de stage et qui exécutent des tâches comme de véritables employés. La compétence qui est un critère fondamental en matière de recrutement ou de promotion n'a plus droit de cité, c'est l'affairisme sexuel qui s'impose. J'ai honte de m'exprimer ainsi mais c'est aussi ça la réalité. Dans cette banque, pour ne pas perdre leurs privilèges au détriment des concurrentes «Belinda», des filles se sont obligées à suivre des régimes alimentaires pour obtenir la forme «Belinda». Ainsi, elles sont passées de 85 kg à 55 kg pour donner du plaisir au DG!
Monsieur le Premier Ministre,
Dans son message de nouvel an au peuple burkinabè, le Président du Faso a félicité notre jeunesse «pour [sa] vaillance et [son] patriotisme qui ont su dire non à l'injustice et à l'iniquité...» (les soulignements sont de moi). Voilà un cas concret d'injustice et d'iniquité qui perdure. Sous d'autres cieux, ces dirigeants devraient être sanctionnés. Il vous souviendra cette affaire de l'ancien Président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz et son amie Shaha Riza, ex-responsable de la communication de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient. Ce monsieur avait perdu son poste de président de la banque mondiale en juin 2007 à cause d'une faveur qu'il avait accordée à sa petite amie Shaha Riza!
2. Quid de l'externalisation des emplois?
Monsieur le Premier Ministre,
Dans un commentaire à la suite d'une publication parue sur la page Facebook de la Présidence du Faso, à l'occasion de la présentation des vœux du personnel de la présidence au couple présidentiel, un «Facebooker» du nom de Tony Lova (https://www.facebook.com/tonylova?fref=ufi) suppliait le Président de leur «venir au secours». Il exposait la situation précaire que vivent plus de 80 salariés, communément appelés «prestataires de services» ou «intérimaires», d'une société de téléphonie mobile de la place.
De quoi s'agit-il ? Pourriez-vous vous interroger ! Il s'agit là d'une catégorie d'employés généralement recrutés par des banques ou des sociétés de téléphonie mobile par l'intermédiaire de certaines agences de placement de la place. L'employé appartient à l'agence de placement mais il est recruté par la société utilisatrice selon les critères définis par cette dernière. C'est juste un arrangement entre les deux sociétés qui sont les seules gagnantes dans cette affaire. Le jour que la société utilisatrice (banque, téléphonie, etc.) n'en veut plus, elle renvoie purement et simplement l'employé à son agence de placement. Il s'agit là d'un véritable problème de sécurité d'emploi qui est posé. Cette catégorie d'employé est dans une situation d'insécurité d'emploi car il ne sait jamais si son contrat sera renouvelé ou pas. L'emploi qui devrait être une source alimentaire et d'épanouissement social de la personne est devenu un cauchemar permanent. Certaines sociétés d'État s'adonnent également aux pratiques d'externalisation des emplois. Ce qui constitue en réalité une privatisation déguisée.
Monsieur le Premier Ministre,
Cette catégorie d'employé vit une situation de précarité totale. Prenons l'exemple d'un agent intérimaire qui veut solliciter un prêt bancaire (surtout dans un cas où l'agent est dans une société autre qu'une banque). Dans ce cas, il ne peut pas bénéficier d'un prêt auprès des banques et même quand il en bénéficie c'est sur des courtes durées. Ce qui fait qu'il ne peut pas réaliser grand-chose car il n'a que des CDD interminables alors que les banques n'acceptent pas octroyer des prêts au-delà des durées des contrats de travail. Avec cette situation ; quel peut être le montant de prêt dont il peut bénéficier quand on sait que le capital prêté est une fonction croissante du salaire et/ou de la durée du prêt. Je passe sous silence le niveau de salaire car Dieu seul sait combien sont payés ces employés-là. Avec des faibles salaires qu'est ce qu'on peut véritablement réaliser avec un prêt de 12 mois maximum à un taux exorbitant !
Au niveau de la structure utilisatrice, ces employés ne bénéficient d'aucun avantage social alors qu'ils font le même travail que leurs collègues qui sont sous contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Prenons le cas d'un caissier qui a commencé à travailler dans une banque en 2010 avec le statut d'agent «intérimaire». Il ne peut prétendre à aucun avancement, aucune couverture médicale, aucun avantage social (prêts scolaires et autres prêts personnels aux conditions préférentielles pour le personnel, cadeaux de mariage, cadeaux pour enfant à la naissance, arbre de noël pour enfants du personnel, soutien de la banque en cas de décès d'un parent en ligne directe ou d'un collatéral, etc.), pas d'intéressements au résultat, pas de prime de bilan, pas de 13ème mois, etc. ; alors que ce caissier est soumis aux mêmes obligations professionnelles que son collègue en CDI et parfois même dans des conditions de travail plus difficiles.
Monsieur le Premier Ministre,
Les employeurs ne pensent même pas à la régularisation de la situation de cette catégorie d'employés bien que ces derniers assument correctement les tâches qui sont les leurs. Au contraire, certains continuent de recruter à travers les méthodes immorales décrites plus haut. Le statut d'intérimaire est même devenu un instrument de chantage pour certains cadres dont le harcèlement sexuel est devenu le domaine de définition. Pourquoi continuer à recruter au lieu de régulariser la situation de ces jeunes qui maitrisent déjà le travail? La preuve est que ces intérimaires sont parfois les formateurs des nouvelles recrues. Il n'est pas normal de créer deux catégories d'employés dans la même institution avec des droits inégaux mais soumis aux mêmes obligations professionnelles. La pratique d'agents intérimaires a été développée pour contourner l'article 60 du Code du Travail de 2004 qui imposait à l'employeur de conclure un CDI après un premier contrat de travail à durée déterminée (CDD) en cas de renouvellement. Cette disposition avait pour but de mettre fin aux pratiques de renouvellement de CDD ad vitam æternam.
Ce qui est malheureux, c'est le manque de solidarité chez les travailleurs eux-mêmes. Les permanents ne pensent même pas défendre cette catégorie d'employés de second rang oubliant qu'un jour, ce sont leurs sœurs et frères, filles et fils ou encore petits-enfants qui se trouveront dans de telles situations. Ils oublient que personne n'a un avenir dans un pays qui n'en a pas, dixit Norbert ZONGO. Au contraire, certains sont fiers de dire «moi je suis un employé permanent tandis qu'un tel est un intérimaire». Comme s'ils étaient plus compétents que les intérimaires.
Monsieur le Premier Ministre,
Si je prends la plume pour vous écrire, c'est aussi pour être le porte-parole de cette catégorie d'employés qui souffrent et subissent en silence par crainte de perdre leur pseudo-emploi. Vous savez que chez nous au Burkina Faso un emploi fait vivre une large famille d'au moins 10 personnes. Parler c'est s'exposer à des représailles et certains DG savent bien faire dans ce domaine. Ils n'aiment pas la contestation même quand elle n'est pas «injustifiée».
Monsieur le Premier Ministre,
Dans son message de nouvel an, le Président du Faso a bien voulu préciser qu'en raison de la durée de vie de la transition, vous tracerez au moins les sillons, à charge pour ceux qui viendront après vous de les parfaire. Il a également relevé que le CNT fonctionne maintenant à plein régime. C'est donc dire que la transition dispose des moyens légaux pour mettre fin à cette situation précaire que vit cette catégorie de travailleurs que le régime déchu a créé et entretenu pour faire plaisir à «Doing Business in Burkina Faso» en adoptant un code du travail néolibéral en dépit des protestations des travailleurs. Il est urgent de mettre fin à cette pratique antisociale car «plus rien ne doit être comme avant !». Il faut le faire dès maintenant sinon ceux qui vont venir en novembre 2015 ne le feront pas. Ils vont prendre l'argent des opérateurs économiques nationaux et internationaux pour battre leurs campagnes et quant ils seront aux affaires ils leur créeront un «bon climat d'affaires» au détriment de la jeunesse.
Monsieur le Premier Ministre,
Dans l'urgence, et en attendant la révision du Code du travail, par le «fait de prince», je vous prie d'ordonner toutes les entreprises où ces situations existent de les régulariser sans délai. Voilà un dossier qui a l'avantage d'être moins compliqué que les dossiers SANKARA et ZONGO que vous avez déjà entre vos mains. Si vous arrivez à bien gérer ce dossier-là, la jeunesse vous le revaudra. Ce n'est pas du tout compliqué car un salarié qui a plus de 12 mois dans une entreprise dans un emploi donné avec un tel statut, cela signifie que l'entreprise a un besoin réel. Sinon le poste allait être supprimé.
En prenant des mesures fortes dans le sens de la régularisation de ces situations, vous rendrez service à beaucoup de jeunes. La création et la sécurité d'emplois ne sont pas du seul fait de l'État mais également du fait des entreprises privées qui doivent respecter les textes en matière de recrutement et donner la même chance à tous les candidats. C'est le moment de tracer ce sillon pour sauver la jeunesse qui souffre de cette injustice.
Monsieur le Premier Ministre,
Comme autre piste à explorer pour la création d'emplois, je vous suggère de rétablir l'âge de départ à la retraite à 55 ans ou 57 ans selon les grades. Cet âge que le régime déchu a augmenté pour faire plaisir à ses amis au détriment de la jeunesse est un frein à la création d'emplois. Le rétablissement de l'âge de départ à la retraite permettra la création d'emplois par l'effet des départs à la retraite. Ce qui permettra aux jeunes d'avoir des emplois et de s'occuper de leurs propres besoins au lieu de continuer à compter sur leurs parents. Ainsi, les parents retraités pourront vivre de leur pension et profiter correctement de leur retraite au lieu d'être dans le stress de tous les jours. Les retraités qui auront toujours la force pourront s'occuper de leurs champs ou se convertir en consultants. La retraite doit commencer à se préparer dès le premier poste décroché et non à la veille de son départ à la retraite comme le font certains travailleurs.
Monsieur le Premier Ministre,
À l'aube de la nouvelle année, permettez-moi, de présenter, à vous et à toute votre équipe transitoire ainsi qu'à vos proches, mes vœux de Santé, de Prospérité, de Longévité et de Paix tout au long de l'année 2015!
Que cette nouvelle année soit parsemée de moments de bonheur et de projets couronnés de succès!
Bonne et Heureuse année 2015!
Montréal, le 12 janvier 2015
Olivier BADOLO
Cadre supérieur de banque
Consultant en financement rural et agricole
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