Sidwaya (S.) : Quelle est la politique de la police municipale en matière de sécurité routière dans la ville de Ouagadougou ?
Clément Ouongo (C.O.) : Dans une ville, le maire a la charge de la police de la route et si ce maire a la chance d'avoir une police municipale, il fait en sorte que cette police puisse l'accompagner dans la mise en œuvre de cette mission. Au niveau de la ville de Ouagadougou, le maire a effectivement la chance d'avoir une police municipale, la plus grande d'ailleurs, du Burkina parce que nous sommes autour de 5000 policiers municipaux. Nous sommes organisés de façon à apporter plus de sécurité aux citoyens, même si nous savons que la circulation routière dans la ville de Ouagadougou est un véritable problème. Nous sommes organisés en unités piétonnes, en unités motorisées et en unités véhiculées pour pouvoir sécuriser les endroits les plus difficiles pour les usagers. Les unités piétonnes sont celles qui, habituellement, sont au niveau des feux tricolores, des voies où il y a des bandes cyclables, pour pouvoir amener tout un chacun à respecter le code de la route. Les unités motorisées sont chargées d'appliquer la réglementation en matière de circulation des poids lourds dans la ville. Nous avons d'énormes difficultés par rapport à cette catégorie d'usagers, parce que les propriétaires des camions-remorques dans la ville ne respectent pas souvent la réglementation. Au-delà des camions, nous avons récemment en 2012, confié le contrôle de la vitesse à l'unité motorisée pour amener les gens à casser leur vitesse là où ils ont l'habitude d'appuyer sur l'accélérateur. Lorsque les gens quittent les provinces pour rentrer à Ouagadougou, ils maintiennent une certaine allure qui n'est pas du tout recommandée en ville. Il y a également certains axes à l'intérieur de la ville qui enregistrent beaucoup d'accidents, à cause de la vitesse des usagers. Je prends par exemple, la circulaire, le boulevard des Tangsoba, les boulevards Charles De Gaulle, France-Afrique, Mouhamar Khadafi, ce sont des endroits où les gens aiment faire la vitesse et nous sommes amenés à placer des éléments qui ont des radars pour pouvoir les interpeller. Récemment, en 2010, nous avons créé le service des volontaires communaux pour la sécurité routière, parce que nous nous sommes rendus compte que les policiers n'arrivent pas à apporter plus d'assistance aux citoyens. En créant l'unité des volontaires, nous avons pu mettre au moins, à la date d'aujourd'hui, plus de 700 personnes dans cette unité. Ces gens ne sont pas des policiers, mais ce sont des jeunes désœuvrés qui nous appuient dans la régulation de la circulation au niveau des carrefours les plus difficiles que nous avons identifiés, grâce au travail de l'Observatoire de sécurité de la commune de Ouagadougou.
S. : Actuellement, quels sont les grands défis en matière de sécurité routière dans la capitale burkinabè ?
C.O. : Les grands défis restent d'abord, le désencombrement des voies et leur élargissement. Les grands défis demeurent aussi la définition d'un plan cohérent de circulation pour ce qui concerne le centre ville, parce qu'aujourd'hui, à une certaine heure, circuler devient très difficile. Donc, il faut trouver un plan de circulation qui facilite les déplacements des usagers de la voie. Les grands défis restent également la sensibilisation pour que le maximum de citoyens maîtrisent les B.A.BA du code de la route. Le code de la route, c'est un langage qu'il faut connaître, afin de minimiser l'insécurité routière. Les grands défis, c'est aussi la maîtrise des importations des engins à deux roues. C'est vrai, cela n'est pas le rôle de la sécurité, mais je pense que, courageusement, il va falloir faire quelque chose par rapport à cette question. Parce qu'il y a trop de motos qui entrent et c'est extrêmement dangereux, si nous continuons comme ça.
S. : Parlant du désencombrement des voies, est-ce à dire que la mairie et la police municipale ont échoué aux alentours du grand marché Rood-Woko ?
C.O. : Est-ce qu'il faut dire que la police municipale et la mairie ont échoué ? Non ! Ce n'est pas un échec de la police municipale et de la mairie seulement. C'est l'échec de tout le monde. De toutes les façons, nous avons traduit notre volonté de faire en sorte que la zone commerciale soit suffisamment une zone fluide, mais nous nous sommes heurtés à des esprits qui sont souvent fermés et donc, on ne peut pas forcément parler d'échec de la mairie. C'est l'échec de la société de façon générale. Il faut que les gens puissent se mettre ensemble pour pouvoir amener les uns et les autres à connaître et à parler le langage de la route.
S. : Nous constatons aussi l'entrée massive des tricycles dans la ville de Ouagadougou. Comment la police municipale gère cette situation ?
C.O : L'entrée des tricycles dans la ville de Ouagadougou n'est pas un problème vécu seulement par la police municipale. C'est une situation vécue par toutes les forces de sécurité, les usagers et les autorités en charge des transports. Il faut savoir à ce sujet que l'Etat, en 2012, a pris un décret par rapport à l'exploitation à titre onéreux, de ces engins dans les villes du Burkina Faso. Pour ce qui concerne Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, nous savons qu'il est interdit d'utiliser ces types de moyens de locomotion pour transporter par exemple, des personnes. Dans ces villes, les tricycles doivent être uniquement utilisés pour le transport des marchandises. Ce qui est autorisé, c'est que le conducteur peut prendre juste une personne en plus des bagages, si les conditions de sécurité le permettent. Au-delà des autorisations pour transporter du matériel, il faut savoir aussi que l'engin doit réunir un certain nombre de conditions pour circuler. Le chauffeur doit réunir des conditions pour conduire l'engin. Au niveau de Ouagadougou, nous sommes en train de nous approprier le décret que l'État a pris en 2012 et nous pensons qu'avant la fin de l'année, il y aura un arrêté municipal portant réglementation des tricycles dans la ville de Ouagadougou.
S. : Est-ce à dire qu'en la matière, il n'y a pas présentement à votre disposition, une réglementation ?
C.O. : Actuellement, la réglementation, c'est celle que l'Etat a prise. Mais il faut que chaque commune puisse s'approprier cette réglementation. En attendant que cette disposition municipale puisse se mettre en place, nous appliquons le décret de l'Etat. Cela veut dire que si les policiers croisent un conducteur de tricycle qui a pris cinq ou six personnes, ils vont l'arrêter. Si les forces de sécurité croisent un conducteur de tricycle qui a fait de la surcharge, ils vont l'arrêter. Il y a un certain nombre d'infractions qui sont contrôlées par les policiers. Si vous faites un tour à la police municipale, vous trouverez des tricycles dans la cour. Au titre de l'année 2013, nous avons fait au moins trois opérations sur les tricycles.
S. : La police municipale collabore-t-elle avec l'Association des motos à trois roues ?
C.O : La police municipale de Ouagadougou est en contact direct avec presque tous les acteurs socioéconomiques. Prenons le secteur des tricycles, les responsables de l'Association des conducteurs des tricycles viennent prendre conseils auprès de la police municipale. Nous avons déjà eu des rencontres pour les sensibiliser au respect du décret de l'Etat. Les responsables de cette association travaillent également à faire en sorte que tous ceux qui possèdent des tricycles puissent respecter la réglementation. Cela veut dire qu'il y a une certaine complicité entre la police municipale et les responsables de cette association. Nous avons la même vision et cela fait que nous avons moins de problèmes.
S. : Avez-vous un message à lancer aux usagers de la route ?
C.O : Le message que je peux lancer à l'endroit des usagers de la route, c'est encore plus de prudence en circulation. Je pense qu'emprunter une voie, c'est faire preuve de responsabilité à l'égard de soi-même d'abord, c'est-à-dire se protéger et à l'égard des autres, en circulant de façon sécuritaire pour ne pas mettre la vie des autres en danger. Donc, cette responsabilité se situe à deux niveaux : au niveau de soi-même et au niveau des autres.
Entretien réalisé par Alban KINI et Kowoma Marc DOH