Clément Ouongo, commandant de la police municipale de Ouagadougou : « Que peut une police municipale de 500 agents dans une commune de 2 millions d’habitants ? »

| 17.09.2013
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Clément Ouongo, commandant de la police municipale de Ouagadougou  : « Que peut une police municipale de 500 agents dans une commune de 2 millions d’habitants ? »
© DR / Autre Presse
Clément Ouongo, commandant de la police municipale de Ouagadougou : « Que peut une police municipale de 500 agents dans une commune de 2 millions d’habitants ? »
La route tue. C'est dire donc que la question de la sécurité routière est à prendre très au sérieux. Malgré les dispositions prises par les forces de l'ordre, il y a toujours des accidents. Pourquoi ? Parce que « nous avons un peu l'oreille dure ici au Burkina Faso ». Aussi, « que peut une police municipale de 500 agents dans une commune de 2 millions d'habitants ? ». Ces propos sont de Clément Ouongo, commandant de la Police municipale de Ouagadougou, et coordonnateur par intérim du Programme conjoint de renforcement de la sécurité urbaine (PCRSU). A travers l'interview suivante qu'il a bien voulu nous accorder le 6 septembre 2013 à Ouagadougou, le commandant s'est penché, entre autres, sur des questions allant de l'incivisme des citoyens aux difficultés rencontrées par les policiers municipaux tant dans l'exercice de leur fonction que dans leur traitement salarial comparé à celui de leurs collègues de la Police nationale. Il évoque également « de façon exceptionnelle » le récent mouvement des éléments de la Police municipale. Lisez plutôt !

Comment êtes-vous organisés à la Police municipale pour gérer la sécurité routière à Ouagadougou ?

Au niveau de la Police municipale, la question de la sécurité routière fait partie des préoccupations majeures et nous nous sommes organisés en plusieurs unités pour y faire face. Nous avons environ une vingtaine d'hommes par jour pour les unités piétonnes qui sont aux carrefours pour faire en sorte que les gens respectent le code de la route, les bandes cyclables, etc. Si vous ne respectez pas, par exemple, les bandes cyclables et que vous roulez sur la chaussée, en cas d'accident, vous aurez tort pour n'avoir pas respecté votre couloir de circulation. Nous avons aussi des unités motorisées chargées de contrôler la circulation des poids lourds dans la ville de Ouagadougou et de contrôler également la vitesse. Vous savez que maintenant il y a les radars. Nous sommes les premiers à amener les radars au Burkina Faso et sommes contents que les autres Forces aient également acheté des radars parce qu'au départ les gens disaient que c'était trop tôt. Ils arguaient du fait que les mentalités n'avaient pas assez évolué pour que l'on envoie des radars au Burkina Faso. Finalement, on s'est rendu compte qu'il le fallait. Les gens viennent de la campagne et roulent à vive allure, à 150 km/ h, pour entrer en ville ; il faut casser la vitesse. Même à l'intérieur de la ville, sur certaines artères qui sont plus larges, quand les gens les empruntent, ils mettent le pied sur le champignon. Et lorsqu'il y a des accidents, c'est souvent mortel. Voilà pourquoi nous avons amené les radars pour dire aux Ouagalais que la vitesse est limitée en agglomération. Tout le monde a appris cela à l'auto-école et il faut donc le respecter. Les gens disent que la Police devait sensibiliser. Non ! En ayant votre permis de conduire, vous êtes déjà sensibilisé. La Police n'a plus à vous sensibiliser. Sinon on va passer tout le temps à sensibiliser les gens. Nous, nous sommes chargés du contrôle et du respect de la loi. Ensuite, nous avons des unités véhiculées. Nous avons remarqué qu'il y a beaucoup de mauvais stationnements dans la ville. Nous avons mis en place une unité chargée du contrôle des stationnements. Cette unité veille à ce que les remorques qui tombent en panne ne restent pas sur la chaussée. Si une remorque reste sur la chaussée, tout de suite, nous avons une grue qui va soulever la remorque et l'amener. Si ce sont de petits véhicules, nous avons un petit plateau pour les enlever. Voilà comment nous sommes organisés pour pouvoir gérer la circulation dans la ville de Ouagadougou. Et comme on voyait que l'on était limité en nombre, nous avons mis en place le service des volontaires qui a apporté une bouffée d'oxygène au niveau de la Police municipale en régulant la circulation dans les carrefours dépourvus de feux tricolores et jugés dangereux par l'Observatoire de sécurité que nous avons également mis en place. Cet Observatoire est chargé de faire l'état des lieux de l'insécurité routière dans la ville de Ouagadougou par trimestre. Et chaque trimestre, il y a un rapport qui est produit sur l'insécurité routière. Nous travaillons avec les statistiques de la Brigade des sapeurs-pompiers et celles du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo. On a souvent cette faiblesse de ne pas poursuivre les accidentés pour savoir comment ça s'est passé alors que la loi dit que lorsqu'un accidenté meurt les 30 jours suivant son accident, les causes du décès sont imputées à l'accident. Donc, ce décès doit être comptabilisé parmi les décès par accident de la circulation. Si c'est au-delà de 30 jours, on ne le met plus sur la liste des victimes d'accident de la circulation routière. Nous travaillons avec le Centre hospitalier pour avoir l'état des accidentés de la ville de Ouagadougou pour pouvoir peaufiner les rapports de l'Observatoire.

Un inventaire des difficultés rencontrées par vos hommes sur le terrain ?

La question de la sécurité est une question majeure au Burkina Faso et singulièrement à Ouagadougou. Au regard des statistiques, nous sommes pratiquement au rouge. Pour ce qui concerne les difficultés, au niveau de la Police municipale, nous avons le comportement du citoyen qui est un véritable problème. Il y a beaucoup plus d'incivisme qu'avant et cela ne facilite pas le travail des policiers. A côté de l'incivisme, il y a le fait que nous avons beaucoup de difficultés à faire respecter la réglementation qui régit la circulation des véhicules poids lourd dans la ville. C'est une difficulté majeure puisque cela perturbe complètement la circulation et crée d'énormes désagréments. Enfin, bien que nous ayons la volonté de faire en sorte que les gens puissent circuler en toute sécurité, il faut savoir que nous manquons cruellement de moyens pour pouvoir mener à bien nos missions.

Quelles dispositions existent pour les véhicules sans immatriculation qui circulent ?

C'est interdit de circuler avec un véhicule sans plaque d'immatriculation. Comme c'est interdit, il faut que les services de contrôle puissent contrôler. Le problème qui se pose, c'est l'efficacité des services de contrôle. Là, nous avons avons des reproches à nous faire parce que nous ne sommes pas très efficaces. Nous ne contrôlons pas beaucoup ces aspects, or c'est très important. Ceux qui roulent avec des véhicules sans plaque d'immatriculation constituent des dangers. D'un moment à l'autre, ils peuvent provoquer un accident et disparaître. Nous devons nous organiser davantage pour que ces véhicules ne circulent pas. Les vendeurs de véhicules diront qu'ils circulent pour chercher des clients. Ils doivent plutôt s'organiser pour avoir des plaques provisoires. Lorsqu'ils veulent sortir, ils les mettent et circulent. C'est comme cela que ça doit se passer. Mais les gens aimant la facilité, ils ne vont pas chercher les plaques d'immatriculation provisoires. Or, avec ça, on sait que tel vendeur a telle plaque. C'est une plaque pour tous les véhicules du même vendeur. Là, s'il y a un accident, on sait que c'est le véhicule de tel vendeur. En somme, il y a un problème au niveau des services de contrôle et un problème d'organisation au niveau des revendeurs de véhicules. C'est ce qui explique la circulation de véhicules sans plaque d'immatriculation.

Mais est-ce qu'il n'y a pas un corps ou des personnalités qui ont le droit de circuler sans immatriculation ?

En fait, l'esprit de la plaque c'est quoi ? C'est pour qu'en cas de problème, on puisse identifier le fautif. Je vois là où vous voulez en venir. Il y a de nouveaux véhicules qui sont arrivés et les forces de sécurité sont dans l'urgence. On travaille toujours dans l'urgence, les besoins sont là et il faut circuler. Les véhicules sont arrivés pour les forces de sécurité, on prend le temps d'identifier les véhicules même s'il n'y a pas la plaque. Ces véhicules ne peuvent pas faire un accident et disparaître, puisque de loin même on les reconnaît. C'est bien écrit et les écritures sont même, plus visibles que les plaques d'immatriculation. En principe, cela ne pose même pas de problème. Mais les gens sont tellement tatillons qu'ils vont demander pourquoi ces véhicules de la Police ne portent pas de plaques ? C'est parce que l'objectif recherché avec les plaques est déjà atteint.

Et ceux avec les vitres teintées ?

C'est également interdit de circuler avec des vitres fumées. Il n'y a qu'un certain nombre d'institutions qui sont autorisées à le faire. En dehors de celles-là, si vous voulez en bénéficier, cela doit faire l'objet d'une demande spéciale au niveau du service des Transports. Les différents services se réunissent alors pour étudier votre dossier pour voir si vous réunissez les conditions. Par exemple, si vous êtes sous le coup de menaces de mort, pour vous protéger, on peut vous l'accorder. Aussi, il y a des personnalités comme le président du Faso, et des véhicules comme ceux des services des Sapeurs-pompiers, les ambulances, qui ont le droit de fumer leurs vitres.

Est-ce une impuissance face aux camions qui circulent à des heures non indiquées ? N'y a-t-il pas des normes pour cela ? Est-ce appliqué, sinon pourquoi (sont-ce les gros bonnets qui en sont propriétaires qui posent problème ? Dans certains pays comme la Côte d'Ivoire, l'application est effective.

Non, ce n'est pas une question de gros bonnets. C'est plutôt une question d'incivisme, parfois de méconnaissance des textes. Il y a une réglementation qui régit la circulation des poids lourds dans la ville de Ouagadougou. Cette réglementation prévoit que les remorques ne doivent pas circuler au centre-ville le jour. En principe donc, les remorques peuvent circuler seulement la nuit à partir de 20h jusqu'à 5h du matin au centre-ville. En dehors de ces heures, les remorques ne devraient pas circuler en ville. Mais nous constatons que les remorques circulent à tout moment au centre-ville. Si vous prenez la zone commerciale, Sankar Yaaré..., ce sont des endroits occupés en permanence par ces camions. Pourquoi ? Tout simplement, parce que les commerçants ont gardé leurs magasins au centre-ville. L'Etat a créé des zones d'activités diverses pour permettre aux commerçants de construire des magasins et d'entreposer leurs marchandises et du même coup, délocaliser tout ce qu'il y a au niveau des zones commerciales comme magasins. Mais les commerçants ont des parcelles ; il y en a beaucoup qui ont construit des magasins mais ils n'ont pas totalement délocalisé en faisant de ce qu'il y a en ville, des boutiques. Les boutiques sont des endroits où on expose ce que l'on vend. Maintenant, s'il y a des acheteurs qui veulent beaucoup, on les envoie au niveau des magasins. Ce qui n'est pas le cas présentement car nous retrouvons toujours des magasins au centre-ville. Et quand les remorques viennent, les commerçants tiennent coûte que coûte à les conduire à leurs magasins qui sont au centre-ville. Voilà le problème qui se pose par rapport au respect de cette réglementation.

C'est certainement ce qui se passe pour l'occupation anarchique, notamment vers le journal l'Observateur Paalga. Etes-vous impuissants face à ce phénomène ?

C'est exactement ce qui se passe là-bas. Les gens ont leurs magasins au niveau de la zone commerciale et les remorques étant libérées le jour au niveau des espaces douaniers ; ils font tout alors pour arriver au centre-ville. Nous avons d'énormes difficultés pour faire respecter la réglementation de la circulation des poids lourds. Nous avons tenu maintes réunions avec les propriétaires de camions et les chauffeurs pour les sensibiliser. Nous avons fait en sorte qu'ils aient des copies de la réglementation, mais vous savez, nous avons un peu l'oreille dure ici au Burkina Faso. Malgré la sensibilisation, ça ne passe pas. Lorsque vous essayez de mettre un peu de rigueur, les gens peuvent faire en sorte que ça dérape. Et si vous ne faites pas attention, vous qui étiez dans votre droit, et faites votre travail, vous pouvez payer les pots cassés. Donc, il faut agir avec beaucoup de tacts pour ne pas se faire sanctionner pour rien, puisqu'il faut travailler à faire en sorte qu'il n'y ait pas de trouble. Mais cette façon de faire non plus n'est pas très productive. Il va falloir, à un certain moment, que l'on puisse effectivement se dire la vérité et travailler à ce que chacun fasse ce qu'il a à faire.

La notion de perturbation existe-t-elle dans votre lexique (double file, triple file) ?

Oui, mais très difficile à contrôler. Vous allez me parler du cas de l'Avenue Bassawarga, mais c'est difficile à contrôler. C'est une question de civisme et de courtoisie en circulation. On a mis des bandes au milieu de la voie pour signifier que ceux qui viennent de Ouaga 2000 doivent emprunter tel couloir, et ceux qui viennent du centre- ville, l'autre couloir. Mais il y a des gens qui quittent leur couloir pour emprunter un autre et cela perturbe la circulation. Mais c'est une question de civisme et de savoir-vivre. Tout le monde est pressé à Ouagadougou. Il n'y a pas quelqu'un qui n'est pas pressé. Celui qui est en ligne est aussi pressé, mais il sait simplement bien se tenir ; voilà pourquoi.

On reproche à la Police municipale de racketter les citoyens. Qu'en pensez-vous ?

Question très importante ! Un corrompu suppose un corrupteur. Le policier ne va jamais sortir pour dire à quelqu'un de lui donner de l'argent. C'est extrêmement rare que le policier dise à quelqu'un de lui donner de l'argent. Lorsque les gens sont pris en infraction, ce sont eux qui sont prêts à sortir 1 000 ou 2 000 francs pour remettre au policier afin qu'il les laisse partir, au lieu d'aller payer la contravention. Et le policier qui est corrompu prend l'argent et empoche. Donc, que ce soit la population ou la police, tout le monde est responsable de cette situation. On dira que le policier a été formé et qu'il doit refuser ; mais le corrupteur aussi a été éduqué chez lui, donc il ne doit pas sortir de l'argent pour corrompre le policier, à moins de faire preuve de manque d'éducation.

Le dernier rapport du REN-LAC classe la Police municipale en 2e position après la Douane. Qu'en dites-vous ?

Il n'y a pas de Police municipale au Burkina Faso, il y a des polices municipales au Burkina Faso. L'effort que je fais ici par rapport à cette question n'est pas forcément le même effort qui est fourni dans d'autres polices municipales. Je n'ai pas compétence sur toutes les polices municipales ; j'ai compétence sur la Police municipale de Ouagadougou. Donc, s'il y a classement à faire, l'on ne peut pas le faire comme si la police municipale était un corps à l'image des autres. Non, il n'y a pas une police municipale, il y a des polices municipales au Burkina Faso.

Les policiers municipaux ont-ils un plan de carrière ?

Oui, ils ont un plan de carrière. Ils ont un statut particulier qui les régit ; et leur carrière, c'est à partir de ce statut. Mais il faut savoir qu'ils sont des agents communaux et il y a un statut général qui régit les agents des différentes communes. Donc, ils sont régis à la fois par le statut des agents des collectivités territoriales et par le statut particulier de la Police municipale. Ils ont un plan de carrière bien tracé et ce sont les seuls agents communaux qui ont un plan de carrière bien tracé.

Mais il y a apparemment une différence dans le traitement entre la Police municipale et leurs collègues de la Police nationale ?

Vous savez que la motivation des agents communaux n'est pas la même que celle des agents de l'Etat. Au niveau des communes, il y a une grille spéciale différente de celle de l'Etat. Cela fait que les salaires et les indemnités n'ont rien à voir avec ceux des agents de l'Etat. Le souhait c'est de voir les gens rémunérés en fonction du travail qu'ils abattent et non pas en fonction de leur appartenance à une commune ou a une autre entité. Je pense que les gens doivent être motivés en fonction de leur niveau de recrutement et de leur travail. Ça doit être la mesure pour fixer les salaires et les indemnités parce que l'on peut être agent communal et travailler plus qu'un agent de l'Etat. En ce moment, il n'est pas normal que quelqu'un qui travaille beaucoup ait plus de motivation qu'un autre qui passe tout le temps à travailler. Cela pose un problème, mais je crois qu'au niveau de l'Etat, ils ont perçu la mesure de la chose et nous avons foi qu'ils vont travailler à rééquilibrer les choses.

Donc, vous êtes conscient qu'il y a une différence dans le traitement des policiers municipaux par rapport à leurs collègues de la Police nationale ?

Il n'y a pas de commune mesure entre le salaire d'un policier municipal et celui d'un policier national. Moi, je suis premier responsable de la Police municipale de la ville de Ouagadougou ; je travaille depuis les années 2000, mais si l'on fait le point, le salaire d'un jeune commissaire qui sort de l'Ecole de police nationale dépasse le mien.

Et à quoi cela est-il dû ?

Cela est dû à la différence de la grille qui leur est appliquée et celle appliquée aux agents de la Police municipale. Les avantages ne sont pas les mêmes.

Après le sit-in des policiers municipaux, est-ce que tout est rentré dans l'ordre ?

La Police municipale n'a jamais fait un mouvement d'ampleur. C'est vrai que quand il y a un petit bruit les gens sont toujours intéressés. Les éléments ont fait un mouvement. C'était un lundi, mais dès le mardi ils étaient dans les carrefours. Ils avaient parlé de 72 heures, mais dès le mardi matin, ils étaient au niveau des carrefours. Nous avons travaillé à faire en sorte qu'ils puissent investir les carrefours. Nous avons eu l'appui des autorités qui ont compris les préoccupations des policiers et qui se sont engagées afin que nous trouvions des solutions. Cela a facilité un peu la reprise du travail mardi.

Donc, tout est rentré dans l'ordre mardi ?

Mardi matin, ils sont réinvestis les carrefours. Nous avons demandé qu'ils le fassent et il l'ont fait sans attendre le jeudi matin comme ils l'avaient annoncé. Il y a des moments où c'est dur, mais nous travaillons afin que ces moments ne soient pas longs. Nous pouvons dire merci aux autorités qui nous ont permis d'apaiser la tension au sein de la Police municipale.

Qu'ont fait les autorités pour apaiser la situation ? Leur ont-elles dit d'aller travailler et que leur problème sera résolu, ou que s'est-il passé au juste ?

Il y a des textes qui n'étaient pas adoptés et les autorités ont promis de faire en sorte que le Conseil des ministres puisse se prononcer sur ces textes avant la fin de l'année. Les autorités ont fait en sorte aussi que les concours professionnels soient lancés. Présentement, ils sont en train de déposer leurs dossiers de candidature. Cela a permis de décrisper totalement l'atmosphère et il faut saluer cet engagement des autorités.

Pensez-vous qu'il y a une adéquation entre l'effectif des agents de la Police municipale et les tâches à elle confiées ?

C'est extrêmement compliqué. Nous avons près de 2 millions d'habitants pour environ 500 policiers municipaux. Que peut une police municipale de 500 agents dans une commune de 2 millions d'habitants ? Pour une commune étendue sur 30 km sur 20, pensez-vous que 500 policiers municipaux peuvent résoudre tous les problèmes ? C'est très compliqué parce que le nombre de policiers n'a rien à voir avec les problèmes qui se posent dans la ville.

C'est cela qui explique le fait que les volontaires communaux régulent la circulation ?

Nous avons pensé au niveau de la Police municipale que nous ne pouvons pas continuer ainsi et qu'il fallait travailler à associer des civils à la régulation de la circulation. Beaucoup de nos agents étaient au niveau des carrefours pour réguler la circulation, devant certains établissements pour aider les élèves à traverser les voies... Nous avons vu que cela nous prenait énormément d'effectif et nous n'arrivions pas à nous redéployer dans les quartiers pour sensibiliser par rapport aux nuisances, à l'insalubrité... C'est très important, si nous voulons que les gens aient des cadres de vie décents, il faut aller vers eux pour les sensibiliser. Nous sommes dans une ville, mais les gens ont toujours des comportements de ruraux. Il faut donc travailler à les amener à un changement de comportements. Il fallait que l'on sorte le maximum de policiers municipaux des routes afin de les redéployer dans les quartiers. Mais comment il fallait faire ? Alors, nous avons pensé qu'en prenant de jeunes chômeurs et en les motivant un peu, cela allait permettre d'enlever des policiers de la circulation. Voilà pourquoi nous avons créé le service des volontaires communaux à partir d'un programme appelé Programme conjoint de renforcement de la sécurité urbaine (PCRSU) qui nous a permis de prendre 100 jeunes et c'est ce programme qui paie ces 100 jeunes. Comme c'était intéressant, la population a commencé à apprécier. Entre- temps, l'Etat a mis en place un programme appelé Programme haute intensité de main-d'œuvre (HIMO) qui a permis aux communes de recruter des jeunes pour des tâches que les communes voudraient bien confier à ces jeunes. Et nous, nous avons dit à la commune que nous étions intéressés par ces jeunes car les 100 jeunes que nous avons recrutés étaient insuffisants ; l'idée d'en avoir plus nous intéressait. Alors, la commune nous a permis d'en prendre 590. Ceux-là ajoutés aux 100 jeunes du PCRSU, nous nous sommes retrouvés avec 690 jeunes. Mais ce nombre est encore insuffisant car l'Observatoire de la sécurité de la commune de Ouagadougou a identifié 100 carrefours ; les plus critiques au niveau de la ville. Avec les jeunes volontaires, nous n'occupons que 84 carrefours : ce qui veut dire qu'il reste encore des carrefours à occuper et donc des jeunes pour pouvoir couvrir les 100 carrefours. Au-delà des carrefours, il y a des endroits qui sont critiques de façon ponctuelle. Nous pouvons énumérer les devantures des établissements qui sont des endroits critiques en période de cours. Quant à ces endroits, il faut les recenser et faire en sorte qu'ils soient investis par les jeunes. Les 690 volontaires nous rendent d'énormes services, mais c'est toujours largement insuffisant.

Non seulement insuffisant, mais le PCRSU est presque fini. Quel est l'avenir de ces volontaires ?

Oui, le programme est à terme. Nous allons libérer en décembre les 100 volontaires communaux que nous avons pris en 2010. Mais les jeunes qui ont été pris dans le cadre du programme HIMO, payés par l'Etat, continuent jusqu'à la fin du projet HIMO. Nous, nous sommes en train de réfléchir, parce que nous avons fait l'évaluation du service des volontaires pour trouver une alternative. Même si le PCRSU et le projet HIMO s'arrêtaient, il faut que les volontaires continuent. Il faut peut-être travailler avec le Service national de développement (SND) pour pouvoir trouver une alternative. Il y a beaucoup de gens qui ont le certificat ou même le BEPC mais qui sont au chômage. On peut faire en sorte qu'ils soient pris par le SND pour accomplir leur service et que l'on nous les reverse pour réguler la circulation et au bout d'un an, ils ont leur attestation de SND et on prend d'autres personnes. Ce sont des mesures pérennes pour faire en sorte qu'à tout moment, nous ayons des jeunes. Nous sommes en train de réfléchir dans ce sens pour voir la faisabilité. Et si nous avons la chance aussi, le PCRSU pourra avoir une deuxième phase et nous allons prévoir encore 100 personnes.

Qu'est-ce qui manque à la Police municipale ?

Les problèmes sont d'abord d'ordre organisationnel et d'équipement pour être plus performant, et un problème de motivation pour engager les uns et les autres sur les champs de bataille. Vous pouvez bien organiser les gens et bien les équiper, et avoir des gens qui ne sont pas très motivés pour accomplir le travail, et qui traînent un peu les pieds. Mais je crois bien que le problème le plus crucial est lié aux équipements. Les communes ont d'énormes difficultés pour faire fonctionner convenablement les Polices municipales de façon optimale au Burkina Faso.

Les Policiers postés aux feux tricolores plient parfois bagages en cas de coupures d'électricité au lieu de réguler la circulation. Pourquoi cela ?

Faux, pour cela, je dis faux. C'est ce que la population dit, mais ce n'est pas normal. C'est vraiment méchant de la part de la population. Aucun policier ne peut être aux feux tricolores et plier bagages en cas de délestage. Ce n'est pas vrai. Personne n'a encore vu des policiers plier bagages quand il y a délestages. Ce n'est pas vrai, et je sais que mes policiers ne le font pas. C'est vraiment un faux procès, un mauvais procès et ce sont de mauvaises intentions. Ce n'est pas bien. Si l'on nous dit, par exemple, que ce n'est pas à chaque fois qu'il y a des délestages, on voit les policiers venir réguler, cela est une critique juste. Ce qui est injuste, c'est de dire que les policiers laissent les carrefours et replient en cas de délestage. Maintenant, dire que les policiers ne sortent pas vite réguler la circulation, c'est un véritable problème. Pour les délestages, nous avons essayé de travailler avec la Sonabel pour comprendre la situation. Quand vous voulez faire des délestages, il faut informer les Forces de sécurité, dire, par exemple, à tel niveau nous allons couper le courant de telle à telle heure. En ce moment, la Police s'organise pour réguler la circulation à ces heures-là. Mais nous ne pouvons pas être là pour circuler en ville pour voir si la Sonabel ne va couper le courant à tel niveau ! Nous ne pouvons pas faire cela. Des recherches de zones de délestages ? Non, il faut que les gens s'organisent pour être suffisamment professionnels. Si nous, nous avons le programme de délestages, nous allons organiser nos hommes avec les volontaires communaux et préparer les véhicules en conséquence. Nous n'allons pas sortir pour rechercher des zones de délestages. C'est du mauvais travail, et je ne le ferai pas.

Visiblement la Police municipale est plus présente le jour que la nuit.

C'est vrai. Cela est une critique objective. Nous sommes beaucoup plus présents le jour que la nuit, les hommes font beaucoup plus de patrouilles. Ils ne sont pas postés dans des zones, mais circulent en véhicules, en nombre très réduit. Cela est une organisation du travail, et je pense qu'avec le temps, il nous faudra nous organiser davantage pour être plus présents la nuit aussi. Mais, il faut faire attention, et faire attention veut dire travailler avec nos hommes dans des conditions de sécurité. Nous ne devons pas, sous prétexte d'être présents sur le terrain, exposer nos hommes. Vous savez que la Police municipale n'est pas armée. Et personnellement, je suis contre le fait que l'on donne des armes aux policiers municipaux.

Pourquoi ?

C'est une conviction personnelle, car je ne pense pas que le travail de la Police municipale requiert l'utilisation des armes. Réguler la circulation, question de sécurité routière, nous n'avons pas besoin d'une arme pour cela ; question de tranquillité, nous n'avons pas besoin d'une arme pour cela ; question de salubrité, nous n'en n'avons pas besoin pour cela. Mais il y a des questions spécifiques qui nécessitent que l'on protège davantage nos hommes comme le contrôle des abattages clandestins. Puisque là, nous avons affaire à des gens qui ont des coupe-coupe. Là c'est beaucoup plus compliqué, mais en dehors de cela, la plupart des missions de la Police municipale ne nécessitent pas l'usage d'armes à feu. Et donc, s'ils sont dans des zones jugées dangereuses ou non sécurisées la nuit, sans armes, cela veut dire que nous-mêmes nous mettons nos hommes en insécurité et cela n'est pas normal. Lorsque nous faisons des opérations nocturnes, où nous finissons souvent vers minuit, des policiers, en rentrant chez eux se font prendre par des délinquants ! Il y en a qui ont perdu leur moto de la sorte. Ils ne sont pas armés. C'est comme monsieur tout le monde. Quand on convoque des rassemblements très tôt le matin, on peut convoquer des rassemblements à 4heures ou 5h du matin, souvent des policiers tombent dans les filets des bandits. Donc, nous devons essayer de voir si nous ne pouvons pas renforcer notre présence la nuit sur le terrain. Même si nous devons renforcer cette présence, il faut que cela se fasse dans des conditions de sécurité.

Etes-vous satisfait de la formation de vos hommes ?

La formation est assurée par l'Ecole nationale de police et nous travaillons à améliorer les curricula de formation de ces policiers. Je pense que jusque-là tout se passe pour le mieux, mais il faut travailler à améliorer davantage, parce que l'on peut encore mieux faire ; faire en sorte que les policiers maîtrisent complètement leurs missions. L'autre action, c'est mettre l'accent sur le comportement du policier. Le comportement et la mission du policier sont les volets les plus importants. Notre pays a énormément évolué, nous avons une population qui a beaucoup évolué. Il faut alors que la formation des policiers puisse également évoluer. Les gens ne connaissaient pas tellement leurs droits et devoirs. Maintenant, beaucoup sont informés. Donc, les tares que, des policiers traînaient ne doivent plus être tolerées. Il faut travailler à ce que les policiers soient au-dessus des tares qu'ils traînaient avant. Et c'est vraiment la préoccupation au niveau de la formation des policiers.

Vous avez tantôt parlé du comportement du policier ; nous aimerions comprendre pourquoi les policiers ne poursuivent plus les gens qui refusent de répondre aux interpellations. Est-ce que cela est dû à des antécédents, ou ce sont les textes qui le leur interdisent ?

C'est une question pratique. Nous avons dit à nos policiers de ne jamais poursuivre un usager. Pourquoi ? Parce que l'usager qui ne respecte pas le feu tricolore, c'est juste une contravention, ce n'est pas un délit. Il n'a pas causé un accident. Si vous, en tant que policier, vous estimez que ne pas respecter les feux est tellement grave et vous le poursuivez, en cas d'accident, vous avez créé un problème beaucoup plus grave que ce que l'usage a commis à l'origine. Donc, il ne faut pas poursuivre les gens lorsqu'ils n'obtempèrent pas aux injonctions des policiers. C'est simplement une question pratique sinon, en principe, quand vous commettez une infraction et un policier vous arrête, vous avez l'obligation de vous arrêter. C'est une question de civisme, de savoir- vivre, d'éducation. C'est extrêmement désagréable que dans une ville ou un dans pays que la population ne respecte pas sa police. Il faut travailler à relever le niveau de civisme de la population. Que les textes soient appliqués. On n'a pas rédigé les textes juste pour les tiroirs ! C'est pour pouvoir régir la vie en commun. Lorsque vous vivez en communauté, vous devez connaître les b.a.-ba des règles de vie en communauté et les respecter. Notre souhait est de voir le niveau de civisme relevé, mais est-ce le rôle de la police ? Non, ce n'est pas le rôle de la police d'éduquer les gens. L'éducation revient à tout le monde. La police est là pour veiller à l'application des lois et règlements pris par l'Etat.

Peut-être que vous ne communiquez pas assez sur vos missions ?

A la Police municipale, l'on peut nous reprocher autre chose que le manque de communication. Dans le cadre du PCRSU, par exemple, nous avons acheté du matériel de sonorisation et nous avons mis en place une équipe qui a fait le tour de la ville pendant un an pour une sensibilisation grand public. Je pense qu'aucun autre corps n'a fait cela auparavant au Burkina Faso. Pendant un an, l'équipe a sillonné les marchés, places publiques, les écoles primaires et les établissements secondaires pour sensibiliser les gens par rapport aux missions de la Police municipale avec un rapport qui est ressorti. Nous avons une idée approximative du nombre de personnes approchées qui avoisine le million. En plus de cela, nous animons pas mal d'émissions pour sensibiliser les gens sur le code de la route surtout, notamment l'émission « Allo police » sur la Radio municipale les mardis à 11h. Nous faisons pas mal de choses. Nous avions même une émission sur la télévision Canal3 sur la sécurité routière. Nous allons la relancer bientôt. Sinon, nous communiquons. Ce n'est peut- être pas suffisant, mais on fait l'effort de communiquer. Nous avons aussi notre site web.

Qu'est-ce qui explique, selon vous, l'incivisme en circulation ?

Il y a beaucoup de problèmes en circulation. Comme causes des accidents que nous répertorions, il y a des causes liées à l'action de l'Homme, aux moyens de déplacements, à l'état des routes. Mais, la plupart des causes sont du fait de l'Homme. C'est notamment le non-respect du code de la route comme les excès de vitesse qui causent d'énormes dégâts ; il y a le téléphone au guidon ou au volant. Si vous sortez, vous allez voir de nombreuses personnes communiquer au guidon ou au volant. Parmi les causes d'accidents liées à l'Homme, il y a aussi l'alcool. Les gens boivent beaucoup. Les week-ends, il y a beaucoup d'accidents et les statistiques montrent que la plupart des décès dus à des accidents ont lieu entre le jeudi et le vendredi. Ces jours, il y a plus d'accidents que les autres jours.

A quoi cela est-il dû ?

Les jeudis, il y a des manifestations, par exemple, et à ces occasions les gens sont imprudents. Il y a aussi le fait que c'est la fin de semaine et les gens sont fatigués. Cela peut également expliquer les accidents.

Que faites-vous contre les nuisances sonores ?

La police municipale est chargée de faire en sorte que les populations vivent dans la quiétude. Nous savons que notre ville est extrêmement bruyante à cause des débits de boisson, certains lieux de culte, toutes religions confondues. Nous enregistrons des plaintes liées, entre autres, aux ateliers de soudure, vidéoclubs, garages, kiosques, vendeurs de casettes... Nous avons mis en place une unité mobile cycliste qui s'occupe de ces questions. Les policiers qui circulent à vélos sont chargés de s'occuper de ces questions. Ils font beaucoup plus de sensibilisation au niveau des débits de boisson, mais nous laissons le soin aux populations, lorsqu'elles sont dérangées d'appeler à la Police municipale pour se plaindre. Nous avons un numéro vert qui est le 80 00 11 03 mis à leur disposition à cet effet.

Vous avez évoqué, au cours de l'entretien, la question des abattages clandestins avec lesquels vous avez des difficultés, qu'en est-il au juste ?

La cellule qui lutte contre les abattages clandestins est composée d'une dizaine de policiers municipaux, une dizaine de CRS pour toute la ville de Ouagadougou. Ce n'est pas efficace ! Les bouchers pensent, à ce que je sache, que la politique au niveau de l'abattoir frigorifique de Ouagadougou ne leur facilite pas la tâche. Nous sommes en ville, mais les gens ont des comportements ruraux. Ils n'ont pas changé. L'abattoir mis en place a la capacité d'abattre tous les animaux des bouchers de Ouagadougou, d'approvisionner la ville de Ouagadougou en viande, mais ils vont dire que l'abattoir est très loin et qu'ils ne peuvent pas quitter avec une chèvre à Zagtouli jusqu'à l'abattoir pour la tuer. Le coût de l'aller-retour vaut le prix de la bête. Mais, il faut assurer une bonne organisation du transport des animaux vivants jusqu'à l'abattoir et du transport de la viande vers les points de vente. Tout le monde ne peut pas se lever avec son vélo pour amener sa chèvre à l'abattoir. Il appartient à l'abattoir et au ministère du Commerce de réfléchir sur la question et de trouver le juste milieu, sinon les bouchers iront tout le temps abattre leurs animaux dans des communes rurales et ramener la viande en ville ou bien ils le feront dans des concessions clandestinement. Vous sortez le soir dans les gargotes, vous trouverez des animaux fraîchement abattus, ce n'est pas fait à l'abattoir. Les brochettes que l'on mange au bord de la route, c'est de la viande issue d'abattages clandestins. Et tout le monde y est exposé.

Mais vous reconnaissez vous-même que l'abattoir est situé loin de la ville ?

Pourquoi a-t-on supprimé les aires d'abattages dans la ville pour construire l'abattoir frigorifique ? C'est une question de sécurité, de salubrité. En supprimant ces aires d'abattage et en ramenant tout à l'abattoir, du coup on assainit la ville. En plus, c'est sécurisé. Si vous multipliez les aires d'abattage, vous multipliez, en même temps, la présence d'oiseaux comme les charognards qui sont des dangers pour les passages d'avions. Nous ne voulons pas que le péril aviaire arrive chez nous. Il vaut mieux concentrer cela en un seul lieu. Ce sont donc des questions très techniques et elles justifient vraiment la création de l'observatoire. Mais les bouchers ayant des comportements ruraux n'ont pas pu s'adapter à l'évolution de notre ville. L'évolution de notre ville commande que nous puissions avoir une structure pour s'occuper de l'abattage des animaux et que l'on puisse donner de la viande de qualité aux populations.

Propos recueillis par Boureima DEMBELE et Seydou TRAORE et retranscrits par Boureima DEMBELE

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