Pourquoi ferait-on confiance à cette justice ?

| 15.07.2014
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Pourquoi ferait-on confiance à cette justice ?
© DR / Autre Presse
Pourquoi ferait-on confiance à cette justice ?
Les placards de la justice Burkinabè viennent d'enregistrer un nouveau dossier de mort suspecte. Salifou Nébié, Magistrat de grade exceptionnel, ancien président des tribunaux populaires de la révolution (TPR), ancien ambassadeur du Burkina à la Havane (Cuba) a été retrouvé mort à Saponé, à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou, seulement une heure après avoir quitté des amis pour rejoindre son domicile en sens opposé de là où il a été retrouvé. Comme une trainée de poudre, la nouvelle envahit la capitale puis tout le pays. Très vite la thèse de l'assassinat politique est presque sur toutes les lèvres. Même la justice avait vite fait de parler d'homicide volontaire suite aux résultats du scanner post-mortem réalisé par un médecin Burkinabè.

Cette mort plus que suspecte d'un juge constitutionnel, dans un contexte sociopolitique national marqué par de vifs débats sur le projet de révision de l'article 37 de la constitution en vue de permettre à Blaise Compaoré de pouvoir être candidat à la présidentielle de 2015, a plongé le pays dans une sorte de psychose et de colère.

Après un silence inquiétant, le gouvernement, par la voie de son porte-parole, Alain Edouard Traoré, fera savoir près de deux semaines après le drame, que le procureur Général près la cour d'Appel de Ouagadougou n'a été que la voie de son maître. Ou plus précisément, il a dit ce que le gouvernement lui a dit de dire. Le gouvernement lui dira-t-il de faire ce qu'il veut qu'il fasse ?

Bref, la thèse d'homicide volontaire avait conforté plus d'un Burkinabè dans sa son intime conviction que comme David Ouedraogo en 1997, Norbert Zongo et ses compagnons en 1998, bien d'autres citoyens anonymes, le juge Nébié a été tué par des gens qui y ont intérêts. Et ses présumé assassins seraient à rechercher dans les mêmes milieux que les auteurs des précédents crimes. C'est-à-dire, nulle part et partout en ce sens que jusque-là les assassins de Norbert Zongo courent toujours et leurs commanditaires boivent tranquillement leur petit lait.

Et ce sont les mêmes acteurs qui ont connu de l'affaire Norbert Zongo et qui l'ont pratiquement enterré sans suite qui ont aujourd'hui la charge de gérer le dossier du juge Nébié. Dramane Yaméogo, ministre de la Justice était le procureur du Faso du temps de l'affaire David Ouédraogo du nom du chauffeur de François Compaoré et au moment de l'assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons. Wenceslas Ilboudo, actuel procureur général, était le juge qui a instruit le dossier Norbert Zongo jusqu'au non-lieu de 2006.

Après donc un silence incompréhensible du gouvernement sur cette affaire Nébié, le ministre de la justice, Dramane Yaméogo s'est enfin exprimé plus de deux semaines après le drame et après l'enterrement qui a été marqué une mobilisation extraordinaire et des incidents que l'on sait. Il dit « comprendre la douleur des uns et des autres. Nous comprenons que lorsqu'une personnalité de la trempe de Salifou Nébié vient à disparaître de cette manière, il y a naturellement plusieurs points d'interrogation. La justice est saisie du dossier et elle mettra tout en œuvre pour élucider cette affaire. Je vous donne cette garantie (...) Déjà, l'autopsie a été effectuée, des auditions sont en train de se mener. Nous pensons que le dossier avance. Dès le début des faits, le portable de Salifou Nébié était porté disparu. Grâce à la diligence de nos services techniques et de la police judiciaire, nous avons pu mettre la main sur la personne, qui détenait ce portable. Et le portable est actuellement entre les mains des officiers de la police judiciaire ainsi que la personne qui le détenait. L'intéressé est en train d'être interrogé. Nous pensons que tous ces éléments viendront véritablement concourir à la manifestation de la vérité »

Dramane Yaméogo demande aux Burkinabè de faire confiance en cette justice dont les placards sont remplis de dossiers de morts suspects classées sans suite et sans espoir pour les familles des victimes de connaître la vérité. Comme si le fait que les auditions se poursuivent, que le téléphone portable du défunt ait été retrouvé et qu'enfin l'autopsie ait été effectuée, toutes les conditions sont réunies pour la manifestation de la justice. C'est trop simple. Comme si dans les précédents dossiers, il n'y a pas eu de mieux que des auditions et des autopsies. Dans l'affaire Norbert Zongo par exemple, on eu un rapport d'une commission d'enquête indépendante avec en sus, des « suspects sérieux ». Mais près de 16 ans après rien de nouveau du côté de la justice, si ce n'est un non-lieu des plus révoltants.

Pourquoi donc les Burkinabè devraient-ils faire confiance à cette justice ? D'autant plus qu'elle ne fait rien pour mériter une telle confiance. Et puis, Dramane Yaméogo est-il moralement qualifié pour demander aux Burkinabè d'avoir confiance en la justice ? Qu'a-t-il fait dans sa carrière de magistrat qui lui confère une telle légitimité ? Comment peut-on faire confiance à une justice dont les acteurs disent et font ceux que le gouvernement lui dit de faire ou de dire ?

La confiance se mérite. Elle ne se décrète ni ne se négocie. Le jour où la justice fera preuve de suffisamment d'indépendance et assurera, par son action quotidienne, à chaque citoyen la protection de ses droits, le respect s'imposera de lui-même. Ni les incantations encore moins les professions de foi ne dissiperont le déficit de confiance entre le justiciable et la justice. Il faut des actes et rien que des actes !

Source:reporterbf.net

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