Mais depuis le 30 avril 2014, le suspense est fini. On n'exhumera pas les restes du leader de la Révolution d'août 83 jusqu'à décision ultérieure d'une juridiction d'appel.
En effet, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou s'est déclaré incompétent pour ordonner l'expertise. «Incompétent», un mot que beaucoup apprécient au sens large du terme c'est-à-dire que le tribunal est incapable ou manque de courage pour aller jusqu'au bout.
Certes, on ne saurait commenter une décision de justice. Il n'empêche, l'on se demandait si les magistrats auraient du cran pour ordonner une telle opération quand bien même les requérants seraient dans leur droit. Le dossier est plus politique que juridique.
Et en réalité, c'est une décision politique qui a été rendue le 30 avril dernier au Palais de justice de Ouagadougou qui était, comme nous l'écrivions dans notre édition du 3 avril dernier, entre le marteau et l'enclume. Si la justice accepte l'exhumation, cela pourrait ouvrir la boîte de Pandore aux conséquences imprévisibles. Si elle refuse, comme c'est le cas, elle conforte certaines rumeurs qui circulent depuis toujours, à savoir, pour les uns, que Thomas Sankara et ses compagnons d'infortune ne reposent pas à Dagnoën et, pour les autres, que leur corps ont été mutilés.
En fin de compte, l'Etat, ou si vous voulez le régime, a préféré laissé les gens dans les conjectures à moindre risque. Dans un contexte socio-politique déjà surchauffé par le débat sur la modification de l'article 37 et le référendum, ouvrir un autre front, c'est prendre le risque d'en ajouter à la crise.
Faut-il, comme le pense plus d'un, se résoudre, comme dans certains cas, à faire le deuil de cette affaire jusqu'à ce que le régime ne soit plus en place ?
Pour revenir à la décision de justice, le tribunal avait-il vraiment besoin de prendre tout ce temps avant de se déclarer incompétent ? Il a pourtant donné l'illusion de vouloir aller jusqu'au bout en demandant des pièces complémentaires à la défense. Il se serait déclaré incompétent dès le début de l'affaire qu'on trouverait moins à redire sur sa décision.
Mais on peut comprendre les magistrats, qui ont peut-être subi des pressions du pouvoir ou même de leur propre famille, surtout que les juges kamikazes ne courent pas les rues. Dans tous les cas, le dossier reste pendant, et nul n'en connaît l'issue, au regard de sa délicatesse et de son fond, éminemment politique.
Adama Ouédraogo
Damiss