Il fallait montrer patte blanche, le jeudi 26 juin 2014, pour avoir accès à la salle d'audience au cours des assises de la Chambre criminelle, à la cour d'appel de Ouagadougou, tant la fouille était minutieuse. Et pour cause, parmi les dossiers qui devraient passer en jugement, figurait celui du caporal Banhala Lompo, présumé auteur d'assassinat sur la personne de Bernadette Tiendrébéogo (son ex-copine) dans la nuit du 9 mars 2013.
C'est ce dossier qui a ouvert l'audience lorsque la présidente d'audience, Sophie Bambara appelle le sieur Banhala Lompo. Un homme svelte, vêtu d'un habit traditionnel sans manches, d'un pantalon jean et des chaussures fermées se présente au box des accusés. La présidente d'audience se rassure de l'identité de l'accusé telle mentionnée dans le dossier en lui disant de se présenter. Puis, elle procède à l'appel des témoins. Deux témoins de la partie civile sont absents, tandis qu'aucun témoin de la défense (du côté de Banhala Lompo) n'a répondu présent.
L'avocat de l'accusé, Me Rodrigue Bayala fait une observation en demandant le renvoi du dossier au motif qu'il n'a malheureusement pas pu joindre les témoins cités. «Les numéros qu'ils (le témoins, Ndlr) ont laissés dans le dossier, ne répondent plus à ces adresses. Nous entendons demander le concours du procureur général afin que nous puissions joindre ces témoins parce qu'ils ont été entendus par commission rogatoire du juge d'instruction, par la gendarmerie. Nous pensons qu'il est possible de les retrouver parce qu'ils sont résidents à Ouagadougou », justifie-t-il. La seconde raison que Me Bayala avance, est qu'il y a aussi des témoins dont les noms ne figurent pas sur la liste et qui se trouveraient actuellement en mission au Mali. «Pour être plus précis, ce sont les collègues de M. Lompo », complète-t-il. Et la présidente du tribunal de demander à l'avocat depuis quand il a entrepris de rentrer en contact avec les témoins étant donné qu'il avait le dossier sous la main il y a deux semaines. Me Bayala répond que depuis pratiquement une semaine, il tente de joindre en vain les témoins qui ont été entendus. « Même parmi les témoins cités par le parquet général, il y a certains qui n'ont pas comparu », rappelle-t-il. Si la partie civile, Me Ambroise Farama, avocat de la défunte préfère se remettre à la sagesse de la Cour pour apprécier l'observation de Me Bayala, le parquet exige la poursuite du procès. Pour lui, le conseil de l'accusé a amplement eu tout le temps de pouvoir entreprendre des démarches pour pouvoir mettre la main sur les différents témoins en mission au Mali, dans la mesure où le témoignage de ces derniers pouvait peser en faveur de son client. « Les témoins qu'il a cités ont déjà été entendus et rien ne s'oppose à ce que le dossier soit jugé », insiste-t-il. Me Bayala revient à la charge en déclarant que ce procès est le procès de l'accusé. « La douleur de la famille certes, ce n'est pas en jugeant M. Lompo aujourd'hui que nous allons ressusciter la victime. Il ne faut pas confondre la justice populaire et le populisme judiciaire ambiant dans ce dossier. Il faut que nous prenions toutes les précautions nécessaires pour que l'accusé soit jugé dans les conditions pour qu'à la fin du procès l'accusé soit satisfait et que la partie civile soit satisfaite », plaide-t-il. Mais l'avocat du caporal Lompo ne sera pas suivi dans sa plaidoirie car la présidente avant de suspendre l'audience, a décidé de retenir le dossier pour être jugé. Et que le dossier pourrait être renvoyé si l'audience trouve la nécessité d'entendre un témoin n'ayant pas comparu.
Mais contre toute attente, à la reprise, Me Rodrigue Bayala déclare son incapacité à défendre le dossier pour les raisons qu'il a invoquées plus haut. L'audience est suspendue pour une seconde fois et renvoyée à la session prochaine.
Paténéma Oumar OUEDRAOGO