Car, une fois de plus, les Burkinabé dans leur ensemble ont besoin de justice. Et surtout de vraie justice. «Le respect des décisions de justice: une garantie pour l'indépendance de la justice». C'est le thème de discussion qu'a retenu le Syndicat autonome des magistrats du Burkina (SAMAB) pour marquer son dixième anniversaire. L'adage dit qu'il n'est jamais trop tard pour mieux faire; et le chanteur d'ajouter que seuls les imbéciles ne changent pas. En effet, en choisissant un tel thème, les magistrats ont ainsi mis le doigt sur la vraie plaie de notre système judiciaire: l'exécution des décisions de justice.
Si on doit faire un sondage, il se pourrait que sur 100 décisions de justice, seulement cinq ont été exécutées, entièrement. Il est évident que lorsqu'on vous condamne à une prison ferme devant un tribunal, on vous trimballe immédiatement au cachot. En fait, si la peine privative de liberté connaît très souvent une exécution, ce n'est pas toujours le cas de la peine de réparation, des dommages et autres. Combien ne sont-ils pas, ces justiciables qui attendent depuis des années une hypothétique réparation des préjudices subis? Sans doute le nombre est incalculable. Des habitués de la justice, tout comme certains bandits qui demandent à leur bourreau de les amener au commissariat, préfèrent aller en justice plutôt que de négocier un règlement à l'amiable. Car pour eux, un jugement vaut mieux qu'un amiable où ils seront obligés de payer. Tout le contraire de cet autre enseignement qui dit qu'un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon jugement. N'est-ce pas ce qui conduit certains justiciables à régler par eux-mêmes, et pour eux-mêmes, de quelle que manière que ce soit, leur problème? Tout simplement parce que devant la justice, qu'il ait raison ou non, c'est la même chose: jamais de réparation, en tout cas très rarement.
En choisissant un tel thème, on pourrait dire que le SAMAB a compris et a pris toutes ses responsabilités. Si ce thème a pu faire l'objet de discussions autour d'une table, il reste son application sur le terrain. Autrement, il revient aux magistrats de prendre individuellement leurs responsabilités. Car dans tous les cas, ce sont eux qui seront toujours indexés, stigmatisés, «vomis» et vilipendés. Qui ne se rappelle pas des casses dont certains tribunaux ou palais de justice ont fait l'objet parce que les justiciables n'étaient pas contents des jugements rendus?
Le juge Nébié a été tué, lâchement. Le moindre hommage que l'on peut lui rendre, c'est de lui rendre justice. Lui a rendu justice à son peuple.
Dabaoué Audrianne KANI