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Installation d’un centre d’isolement en cas d’Ebola au CSPS de Yagma: les populations riveraines troublées dans leur quiétude
La pandémie du virus Ebola qui sévit dans de nombreux pays de la sous-région préoccupe fortement les populations. Pour prévenir cette maladie qui serait incurable, des mesures sont prises au Burkina Faso dont l'installation de centre d'isolement des éventuels malades. Le site ayant servi d'accueil aux sinistrés de septembre 2009 à Yagma abrite l'un de ces centres au sein de leur nouveau CSPS érigé pour la circonstance. Mais la décision du gouvernement fait beaucoup de bruit au niveau de cette localité située au secteur 37 dans l'arrondissement 9 de la capitale. Réactions de quelques habitants recueillies le mercredi 27 août 2014.
Lassané Tondé: «Le gouvernement sait ce qu'il fait»
Le gouvernement est conscient et sait ce qu'il fait. Il ne peut pas entreprendre une initiative qui va nous nuire. S'il amène le centre d'isolement d'éventuels cas d'Ebola ici, il prendra les dispositions nécessaires pour protéger les populations. Ce n'est a faute à personne. Il faut qu'on trouve un lieu quelque part pour abriter ce centre d'isolement qui servira de prévention contre la maladie. Et le sort a voulu que ce soit à Yagma. C'est le gouvernement qui nous a amenés ici, donc il sait ce qu'il fait. Prions Dieu seulement pour que la maladie ne vienne pas dans notre pays.
Abdoul Moumini Nikièma: «On n'est pas d'accord»
Nous avons bénéficié d'un CSPS qui était en construction. Nous étions très contents et nous attendions impatiemment son ouverture. Nous avons entendu dire qu'il ouvrira ses portes d'ici le 1er septembre prochain. A la dernière minute, nous avons appris que ce CSPS sera ouvert certes mais il servira de lieu d'isolement pour les éventuels cas de malades d'Ebola, maladie dont le monde entier a peur. Cela avait amené la colère des populations qui ont manifesté leur réprobation, mais on a dit que c'est le ministère de la Santé qui a pris la décision. Mais nous ne pouvons rien contre cette décision, sinon nous ne sommes pas d'accord. On nous appelle déjà des sinistrés; après, on nous appellera peut-être Ebola. Cette histoire d'Ebola a rendu triste tout le monde ici. Sinon, il n'y avait plus de problème. Mais ne pouvons rien, nous ne pouvons que croiser les bras pour observer.
Rachid Yaméogo: «Cela est inacceptable»
Le gouvernement devrait chercher un autre lieu dans une brousse lointaine pour accueillir ce centre d'isolement. Sinon, amener ça ici, ça ne nous plaît pas. Si tu es à Ouaga en train de rentrer ici à Yagma, les gens te diront de te dépêcher car la localité est très loin. Si l'on vient installer un centre d'isolement d'éventuels cas d'Ebola ici, peut-être que nos proches et connaissances en ville vont nous voir et ne pas nous saluer de peur d'être contaminés par la maladie même si nous nous ne sommes pas touchés. Si nous disons que la décision prise par le gouvernement nous plaît, nous avons menti. Cela est inacceptable.
Fati Malgoubri: «Il ne faut pas en rajouter à nos problèmes»
Tout le monde veut la santé mais l'affaire de Ebola est compliquée. C'est le 1er septembre qui nous a amenés ici. Si l'on est là et on amène le centre d'isolement de cette maladie ici, c'est dangereux. Nous avons peur de cette maladie. Si le gouvernent pouvait changer un autre lieu, cela nous ferait énormément plaisir. Nous sommes dans des problèmes. Si l'on vient ajouter un autre grand problème, nous ne pouvons pas être contents. En écoutant la radio, nous savons que la maladie est très grave. Nous sommes arrivés ici suite à un grand malheur qui nous a frappés. Au lieu de nous amener quelque chose de bien, on nous amène quelque chose de mauvais encore. C'est une autre affaire pire que ce qui nous est arrivé. Je pense que cela est inacceptable. Personne ne souhaite qu'il y ait une maladie. Mais si nous sommes là et que tous les problèmes tombent sur nous, ce n'est pas intéressant. Nous ne pouvons rien contre la décision du gouvernement. Nous souhaitons seulement que même s'ils vont installer le centre ici, que des dispositions efficaces soient prises pour que les populations ne soient pas contaminées. Il y a une école près du CSPS mais certains ne veulent pas y envoyer leurs enfants. Certains veulent faire sortir leurs enfants de cet établissement pour les amener loin à cause de cette situation.
Sanata Ouédraogo: «On veut nous créer des problèmes»
Nous ne sommes pas du tout contents. Le CSPS avait été construit pour des soins au profit des populations du site pas pour abriter d'éventuels cas d'Ebola. Le gouvernement avait bien fait en nous trouvant un site d'accueil, on était là et on remercie Dieu. On veut simplement nous créer des problèmes.
Aminata Nanéma: «Nous avons la peur»
Depuis 5 ans, nous sommes ici et nous étions très contents. Nous sommes en bonne santé et nous remercions Dieu. Mais depuis qu'ils ont dit qu'ils vont amener le centre d'isolement ici, nous ne sommes pas du tout contents. Nous avons souhaité que notre CSPS soit une maternité ou un centre de soins, pas un centre d'isolement de Ebola. Nous avons peur au ventre et nous sommes beaucoup inquiets.
Moumouni Ouédraogo: «Il y a des gens qui veulent fuir»
Quand la construction du CSPS que nous attendions depuis 3 ans était terminée, toute la population était contente parce qu'on parcourait une longue dispense pour avoir un centre de soins. Après, on a entendu que des gens du ministère de la Santé sont venus avec la télévision nationale avec des matériels nécessaires pour mettre des équipements. Ils ont dit qu'ils ouvriront le CSPS le 1er septembre, mais c'est pour abriter un centre d'isolement d'éventuels cas d'Ebola. En tout cas, nous ne sommes pas contents. Parce que ce que nous avons entendu d'Ebola, s'il y a un cas au niveau du CSPS, personne ne peut mettre un pied là-bas. Nous pensions que le gouvernement allait avoir un petit lieu un peu éloigné de la ville et puis recevoir les éventuels cas de malades. Comme ça, il n'y avait pas de peur. Maintenant notre CSPS que l'on attendait, c'est ça qui servira de centre d'isolement. On ne sait pas quoi faire. Même ceux qui ont leurs maisons situées non loin du CSPS disent qu'ils vont vendre leurs parcelles, qu'ils vont fuir et aller plus loin. Nous tous, nous ne savons pas quoi faire. Parce que les autorités ont dit que s'il y a des cas, qu'elles vont les amener forcément ici. Donc, on ne sait pas quoi dire.
Assèta Kaboré: «Nous allons fuir pour sauver nos vies»
Nous sommes très mécontents. Nous sommes ici et nous n'avons pas de centre de santé. Et le centre de santé qui devait être à notre disposition, l'on a transformé cela en un centre d'isolement. On a dit que Ebola est une maladie incurable. S'il y a un centre d'isolement ici, nous avons fuir et quitter les lieux pour sauver nos vies.
Sayouba Ouédraogo, élève (14 ans): «C'est une maladie incurable»
Nous sommes ici depuis 5 ans. On ne devrait pas installer ce centre d'isolement d'Ebola dans notre CSPS. Nous avons peur d'être contaminés. C'est une maladie incurable. Même les Blancs n'ont pas trouvé le sérum pour guérir les malades, ne parlons pas des Noirs.
Abdoulaye Soudré (tailleur): «Ce n'est pas normal»
Je suis ici depuis 4 ans. Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai été vraiment très effrayé. Si cela ne tenait qu'à nous, nous pensons que la décision du gouvernement n'est pas normale. C'est vrai que c'est pour abriter un centre de soins, mais est-ce que les autorités pourront faire pour qu'en cas de maladie, qu'il n'y ait pas de contamination pour nous les riverains? C'est là la vraie interrogation. En tout cas, je ne suis pas content. Je demande au gouvernement de changer pour trouver un autre lieu, sinon ici là, nous ne sommes pas contents, ni d'accord.
Amado Zagré: «Toute la population n'est pas contente»
Je suis ici depuis septembre 2009. Nous prions Dieu pour que la maladie ne vienne même pas au Burkina Faso encore moins à Yagma. Nous ne voulons pas voir cette maladie sur toute l'étendue du territoire burkinabè. C'est vrai, les autorités ont choisi notre CSPS pour servir de cas d'isolement mais si Dieu fait que la maladie ne vienne même pas au Burkina Faso, ce n'est pas fini? Pour le moment, nous avons peur. Toute la population n'est pas contente de cette décision.
Théophane Tassembédo: «Nous allons faire de la sensibilisation»
Nous avons appris la nouvelle de la décision prise pour transformer notre CSPS en centre d'isolement d'éventuels cas d'Ebola. Suite à cela, nous avons tenu des réunions et chercher à en savoir davantage auprès des autorités municipales et celles en charge de la santé. C'est ainsi qu'elles nous ont expliqué pourquoi le choix du site de Yagma pour servir de centre d'isolement en cas d'Ebola. La raison évoquée est que notre CSPS est nouveau et n'est pas encore ouvert. Il fallait dans le cas précis que ce soit ainsi. Les responsables de la santé ont expliqué également que ce ne sera pas à Yagma seulement. Il y aura aussi des centres d'isolement à l'hôpital Blaise Compaoré, à l'hôpital Yalgado Ouédraogo et même dans chaque arrondissement. Mais comme ce ne sera pas chez nous à Yagma seulement, nous avons décidé de sursoir à notre mouvement de protestation contre cette décision car nous ne sommes pas d'accord. Finalement, nous nous sommes calmés car c'est le gouvernement qui nous a amenés ici. C'est lui également qui sait les mesures qu'il prendra pour nous protéger. En attendant, les gens ont peur. Pour ce faire, nous comptons organiser des séances de sensibilisations en présence des autorités sanitaires pour rassurer les populations.
Propos recueillis et retranscrits par Saïdou Zoromé