Un petit tour des déversoirs des produits « France au revoir » suffit pour se rendre compte de l'engouement que ces marchandises suscitent au sein des populations. Lorsqu'on aperçoit un attroupement sur la voie publique à Ouagadougou, on pense le plus souvent à un accident de circulation ou à un tradipraticien faiseur de miracle. Mais par ces temps qui courent, un phénomène relativement nouveau draine des foules sur les bas-côtés des routes. Il s'agit de ces camions chargés d'appareils électroménagers et électroniques, avec divers autres articles, les ustensiles de cuisine (des assiettes aux cuillères), souvent très usagés, les friperies de tous genres, des simples pantalons, chemises, robes et tee-shirts, aux sous-vêtements (caleçons et autres soutiens gorges). Des gens agglutinés autour du camion, curieux et habitués prêts pour bondir sur les « merveilles » venus d'Europe à prix d'or et rares, qu'on ne trouve que dans ces lieux. Mais attention, ce sont des articles tout risque, assortis d'aucune garantie. Souvent le négoce se déporte en pleine chaussée, avec tous les risques d'accident. « La poubelle de l'Europe cherchant un nouveau souffle en Afrique ». Plaisante un passant rencontré aux abords d'un de ces nombreux déversoirs que compte la ville. Pourquoi un tel engouement? Sambaré, un vendeur de ces produits, a sa petite idée. Il est persuadé que c'est la qualité de ses produits qui suscite cela, doublée de la déception vis-à-vis de la « chinoiserie » (produits en provenance de la Chine, NDLR) et le prix abordable. Effectivement, renchérit une cliente, « c'est de très bonne qualité et c'est moins cher.»
De l'engouement populaire pour les France au revoir
Ces aires de vente de marchandises « au revoir la France » poussent comme des champignons. Elles poussent partout. On les repère facilement grâce à leur site, à l'allure d'un entrepôt de travaux publics ou tout simplement entassés à l'air libre. On les repère également dans un lieu donné grâce à un attroupement fou. Là, les connaisseurs disent qu'il y a un « nouvel arrivage ». L'affluence s'explique selon cet autre vendeur, par le fait que « les prix sont à la portée des uns et des autres et la rareté des produits, que l'on trouve nulle part ailleurs que dans ces lieux. En Europe, nous récupérons ces articles dans les décharges. Nous en achetons aussi à la pesée par kilogramme que nous constituons en bal. Il n'y a aucune garantie. Donc à l'arrivée au pays, nous vendons par bal, en détail ou en gros à certains revendeurs. Chose qui défavorise les passants. En tout cas, nous emmenons ce que nous pouvons. Tout ce que l'Europe ne veut pas ».
Menace pour notre santé
Pour Modré Arouna, spécialiste des questions environnementales, diplômé du CEPAPE (Centre pour la promotion agricole et de la protection de l'environnement), le phénomène des France au revoir trouve sa source dans le monde de plus en plus globalisant. « Avec les poids lourds émergents comme la Chine, l'Inde et autres dragons d'Asie qui ont envahi le marché mondial et suscité le goût de la modernité. Et avec une classe moyenne émergente dans le pays, surtout ayant en plus des moyens d'achat, des facilités d'achat. Cette même classe moyenne est mue par le mimétisme. L'Europe est en train de prendre des mesures de façon conventionnelle pour déclasser certains produits dits nocifs comme les véhicules diesel produisant une quantité de CO2 ayant un impact négatif sur l'environnement. Les produits « France au revoir » sont constitués de produit à durée de vite très limitée, qui ne serviront qu'à remplir nos décharges. Pendant que ni les municipalités, ni même le ministère chargé de l'environnement ne sont préparés pour gérer ces produits potentiellement toxiques. En dehors des voitures, tous les autres sont relativement moins chers sur le marché international. Les produits vestimentaires et autres provenant par exemple des pays émergents comme la Chine et l'Inde sont de qualité comparable au standard européen. Ils ont même envahi le marché européen. Donc le coût ne peut plus être une raison viable ». Explique-t-il. Pour lui, « nous pouvons bel et bien prendre des mesures à l'instar d'autres pays comme le Ghana, pour limiter l'entrée de ces produits sur le territoire en fixant des limites d'âge ».
A en croire le spécialiste, les produits « France au revoir » sont à l'origine de trois types de pollution. A savoir la pollution des eaux, des sols et la pollution visuelle. Les batteries en lithium et les huiles qui fuient des voitures chaque jour tachetant de façon banale le goudron sous l'action des eaux de pluies, vont polluer les eaux souterraines et les eaux de surface. Quant à la pollution visuelle, elle consiste à voir l'entreposage de ces produits partout, à tous les carrefours, à des endroits où il ne faut pas. Aujourd'hui, ces produits sont également constitués de produits alimentaires (le riz, la pâte alimentaire, l'huile de cuisine et autres boissons gazeuses) entreposés à même le sol. Sans toutefois oublier le transport de ces produits dans un mélange indescriptible avec d'autres produits toxiques. Il y a urgence à prendre des mesures. Car ces dégâts sont très pernicieux. De l'émergence de certaines maladies dites de pays développés, au nombre desquelles les cancers dans leurs formes les plus diverses qui concernent nombre de Burkinabè dans le silence. Sans oublier la mise en danger des secteurs pourvoyeurs de richesse comme l'artisanat et l'anéantissement du commerce légal.
PAR BOUKARY BANSÉ
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