Révision de l’article 37: le Faso à l’épreuve de la paix

| 15.09.2014
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Révision de l’article 37: le Faso à l’épreuve de la paix
© DR / Autre Presse
Révision de l’article 37: le Faso à l’épreuve de la paix
«La paix n'est pas un mot mais un comportement». Si cette vérité n'avait été dite depuis belle lurette par l'ancien président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, il fallait absolument la cracher. Et ce, d'autant plus qu'elle est vraie et d'actualité en Afrique et surtout au Burkina Faso.

En effet, depuis quelques temps, on a assisté à l'apparition sur la scène socio-politique, d'une race de personnes se présentant comme des prophètes de la paix. Ces personnes pensent qu'elles sont les seules détentrices de la clé de la paix et qu'à ce titre, la paix ne sera possible sans leur action.

Inspirés par cette doctrine iconoclaste qui relève bien d'une autre époque, des mouvements et associations ont vu le jour et Dieu seul connaît leur nombre. Ces structures disent militer en faveur de la paix.

Sur le même registre, des acteurs politiques tendent à monopoliser la paix comme étant leur chasse gardée. Ainsi, le mot occupe une place privilégiée dans leur discours: la paix, la paix, la paix et encore la paix, toujours la paix. On ne peut cesser d'entendre ce mot (la paix) à longueur de journée dans les meetings, congrès, marche-meetings, audiences, visites, etc.

On a comme l'impression que certains acteurs politiques ne peuvent pas prononcer un discours, animé une conférence, un colloque, sans faire référence à la paix. Toute chose expliquant le fait que le mot paix soit entendu au quotidien dans les médias publics et privés (radio, télévision, presse écrite).

Visiblement, la paix est devenue comme un slogan, voire un credo pour les politiciens et certains acteurs de la société civile affiliés. Ceux-ci ne cessent d'en parler dans toutes leurs actions et activités, telle une religion.

Mais là ne se situe pas le problème. C'est même une bonne chose, voire une très bonne chose de parler de la paix qui constitue, faut-il le dire, le sésame précieux ''ouvre-toi, développement''. La paix est un facteur incontournable et gage du développement humain durable. En clair, sans la paix, aucun développement n'est possible, ni envisageable.

C'est pourquoi de grandes personnalités telles Desmond Tutu, Nelson Mandela, Martin Lutter King pour ne citer que quelques-unes, ont consacré et sacrifié leur vie pratiquement à défendre la paix sociale par la défense des droits humains, de la liberté, de la dignité, de la démocratie, de la justice, etc. Certaines de ces personnalités et bien d'autres ont reçu des prix Nobel de la paix pour leurs efforts menés dans ce sens. C'est dire que la paix constitue un facteur impératif, nécessaire duquel les êtres humains ne peuvent se passer dans leurs relations de tous les jours.

On constate, malheureusement, qu'au «Pays des Hommes intègres», les uns et les autres jouent à cache-cache au sujet de la paix. Ceux-ci passent le temps à se proclamer partisans de la paix dans les discours tout en menant des actes concrets qui ne sont pas de nature à favoriser l'enracinement de la paix et de son corollaire, la démocratie. De quelle paix parlent-ils?

Peut-on promouvoir la paix ou prétendre la défendre et développer en même temps des initiatives dont on est soi-même sûr qu'elles sont de nature à porter préjudice à la paix sociale?

L'exemple le plus récent est l'initiative des députés du parti au pouvoir et de leurs alliés qui ont lancé un appel au président Compaoré pour qu'il convoque le référendum. Cette initiative, présentée auparavant dans les médias comme une proposition de loi, a été démentie par le 1er vice-président du groupe parlementaire CDP, Achille Marie Joseph Tapsoba, lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale le 13 septembre dernier. Il s'agit donc, selon Achille Tapsoba, d'un appel lancé au président du Faso pour convoquer le référendum et non tout autre chose.

Quoi qu'il en soit, la démarche vise les mêmes buts et objectifs, à savoir la tenue effective du référendum. Et pourtant, les personnes âgées qui avaient constitué le Collège des Sages avaient préconisé la limitation dans leur rapport de sortie de crise en 1999. De même les autorités religieuses et coutumières n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme et de mettre en garde contre les risques liés au tripatouillage de la Constitution. A cela s'ajoutent les protestations régulières des leaders de la société civile et des partis de l'opposition.

Malgré tout, les partisans de la ligne dure du référendum veulent passer à l'offensive. Mesurent-ils les conséquences de leur entêtement sur l'avenir du pays? Peut-être, mais les risques ne semblent pas leur dire grand-chose.

Une chose est sure, si ce passage en force a lieu, la réputation du président du Faso prendra un sérieux coup. On ne peut pas vouloir donner des leçons de paix et de démocratie ailleurs alors que l'on veut s'ériger en dictateur qui ne respecte pas les clauses prises par des Burkinabè, des Sages de surcroît, qui constituent, en Afrique, des personnes ressources dont la disparition est assimilée par l'historien malien Amadou Hampâté Ba à une bibliothèque qui brûle. Somme toute, la paix au Burkina Faso est en passe d'être mise à rude épreuve par des hommes qui se réclament acteurs de paix dans leur discours.

On joue, tapis dans l'ombre, les sapeurs-pompiers de la paix, tout en attisant le feu. Dieu protège le Burkina Faso.

Saïdou Zoromé

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