«Toute société organisée comporte un pouvoir politique qui peut être défini comme le moyen que certains (les gouvernants) utilisent pour diriger les autres (les gouvernés).bLa pertinence d'une communication sur la légitimité et la légalité du pouvoir dans un Etat de droit nécessite, la définition des concepts clés, un bref rappel historique sur les différents types de pouvoirs suivi d'une évocation des sources et des champs d'application de la légitimité et de la légalité. Il apparait tout aussi pertinent d'analyser la situation et le contexte actuel du Burkina Faso à l'aune de ce thème si actuel avant de conclure.
. Définitions des concepts clés
. La légitimité
La légitimité (du latin "lex" qui veut dire loi) du pouvoir dans un Etat de droit démocratique est tributaire de l'adhésion des populations à ce pouvoir (taux d'inscription sur les listes électorales, taux de participation et d'abstention de l'élection ayant abouti à l'installation du pouvoir), à sa gouvernance, à ses politiques et projets de développement. Un pouvoir est aussi dit légitime lorsqu'il respecte les échéances régulières de son renouvellement.
D'autres considérations telles la régularité, la transparence, la sincérité ainsi que le caractère libre, équitable et ouvert des élections sont de plus en plus pris en compte dans l'appréciation de la légitimité des pouvoirs.
. La légalité
La légalité (de la racine latine "lex" qui signifie loi) du pouvoir renvoie à sa conformité à la Constitution et aux autres normes (lois, traités et règlement) notamment leurs dispositions régissant le mode de dévolution, l'exercice et le renouvellement du pouvoir.
. L'Etat de droit
La notion d'Etat de droit est aujourd'hui considérée comme la principale caractéristique des régimes démocratiques. En faisant du droit un instrument privilégié de régulation de l'organisation politique et sociale, l'Etat de droit subordonne le principe de légitimité au respect de la légalité.
L'existence d'une hiérarchie des normes constitue l'une des plus importantes garanties de l'État de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l'État sont précisément définies et les normes qu'ils édictent ne sont valables qu'à condition de respecter l'ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements (décrets, arrêtés...). A la base de la pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre personnes de droit privé.
Cet ordonnancement juridique s'impose à l'ensemble des personnes juridiques. L'État, pas plus qu'un particulier, ni le Chef de l'Etat ne peut ainsi méconnaître le principe de légalité : toute norme, toute décision qui ne respecteraient pas un principe supérieur seraient en effet susceptible d'encourir une sanction juridique.
. Bref rappel historique sur les types de pouvoirs
Le phénomène du pouvoir politique correspond à la relation hiérarchique distinguant entre un petit nombre de personnes chargées de prendre les décisions et la grande majorité qui se contente d'exécuter ces choix. La nature de la relation des gouvernés aux gouvernants permet de déterminer le type de pouvoir et la source de sa légitimité.
Selon que l'obéissance est acceptée ou subie, dépend la nature ou le type du pouvoir et sa légitimité. Il apparait donc essentiel de déterminer les bases sur lesquelles le pouvoir établit sa suprématie ainsi que le lien de confiance qui l'attache à ceux qui acceptent sa domination.
Longtemps, la seule justification du pouvoir (sa légitimité) a été la force physique permettant à un individu de s'imposer aux autres. Par la suite, d'autres critères permettant de légitimer le pouvoir ont été établis :
- la richesse : l'on avait alors qualifié ce type de pouvoir de ploutocratique c'est-à-dire le pouvoir qui tire sa légitimité de la richesse. Un tel pouvoir était détenu par les plus riches qui exerçaient leur domination sur les moins riches et les pauvres ;
- l'âge, l'ancienneté : l'on était en présence d'un pouvoir gérontocratique détenu par les plus âgés qui gouvernaient et décidaient pour les moins âgés et les plus jeunes ;
- l'initiation religieuse ou l'émanation divine : selon ce critère, c'est la volonté de Dieu ou à travers l'initiation religieuse que les gouvernants étaient investis. Dans ce cas, qu'il s'agisse de chefs religieux, « d'anciens » ou de chefs militaires, le pouvoir s'incarnait dans un individu ou dans un clan, une famille, etc. Cette liaison entre le pouvoir et la personne des gouvernants signifie qu'il y avait union voire confusion entre la fonction et l'individu. Lorsque Louis XIV s'exclame : « L'Etat, c'est moi », il exprime tout le système monarchique français dans lequel la légitimité repose sur la théorie du droit divin : le pouvoir politique a son origine en Dieu ; en conséquence, ceux qui gouvernent sont investis d'une mission divine et exercent ainsi un pouvoir légitime. Naturellement, dans ce système, le pouvoir ne peut être détenu que par un membre de la famille appelée, par volonté divine, à diriger le pays ;
- etc.
Max Weber quant à lui distingue trois sortes de fondements de la domination du pouvoir : traditionnel où l'obéissance tient à ce que l'autorité émane d'une autorité ancestrale ; charismatique (dans le charisme d'un homme providentiel) où l'on attribue au dominant un don exceptionnel ; légal-rationnel ou bureaucratique qui repose sur la croyance que l'ordre est donné en conformité à la loi positive.
A ces trois types de domination correspondent trois types de régimes : la monarchie, la dictature et le parlementarisme rationalisé. D'après ce sociologue, des trois sources (le pouvoir traditionnel, charismatique et légal-rationnel), seule la dernière permet à une organisation moderne de se développer harmonieusement. Donc, pour commander une société, il faut préalablement légitimer l'exercice de son pouvoir afin de créer une relation de confiance.
. Les sources et le champ d'application de la légitimité et de la légalité du pouvoir
. Les sources et le champ d'application de la légitimité
La légitimité est la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice et en équité. La légitimité implique donc l'acceptation et la reconnaissance du droit de commander du pouvoir en place par les membres d'une société. En d'autres termes, la légitimité est la qualité qui s'attache à un pouvoir dont l'idéologie, les sources d'inspiration et les critères de référence font l'objet d'une adhésion très majoritaire de la part des gouvernés. On parle souvent de reflexe légitimiste de l'électorat.
La légitimité c'est aussi la capacité pour le détenteur du pouvoir de faire admettre ses décisions. Cette capacité vient de la reconnaissance de son pouvoir ou de l'adhésion à son pouvoir par ceux qui ont élu celui qui est devenu une autorité, car, en l'élisant, les citoyens ont confié à cette personne l'autorisation de les commander sur la base du droit qu'ils ont préalablement édicté. Grâce à cette légitimité, il devient difficile de s'opposer aux décisions de l'Autorité élue et à son pouvoir.
Un pouvoir, sans être légal, peut être ou devenir légitime et la légitimité peut être invoquée contre la légalité : le Général de Gaulle entendait ainsi incarner la légitimité nationale face au régime de Vichy qui disposait de l'onction de la légalité.
De même, parfois, un pouvoir issu d'une situation d'exception peut, au bout d'un certain temps, devenir légitime ; cela signifie que les autorités issues du coup d'État ont fini par convaincre le peuple du bien-fondé du coup de force en se conformant aux exigences du droit en vigueur dans le pays. C'est le processus de légitimation par lequel un pouvoir (illégitime) est reconnu et accepté par l'ensemble du groupe social. Dans le cas contraire, les lois et les décisions prises par des autorités illégitimes peuvent être contestées par le peuple et elles peuvent devenir des sources réelles de conflits sociaux.
Mais une fois la légitimité acquise, elle emporte, pour les gouvernés, obligation d'obéissance aux gouvernants lorsqu'ils prennent des décisions conformes aux lois de la République.
Dans tous les cas, dans les États modernes, les gouvernants peuvent, à travers les différentes formes d'expression du suffrage universel (scrutin électif ou référendaire), consulter le peuple. Ainsi, la légalité d'une procédure peut conférer une présomption de légitimité à l'action ou à une mesure émanant du pouvoir.
La légitimité apporte aux élus une autorité ou une autorisation de commander qu'ils tiennent de leur popularité, car nul ne peut se prétendre autorité légitime s'il n'est reconnu comme tel. Ce qui fait la valeur irremplaçable de la légitimité, c'est donc qu'elle ne dépend pas de la volonté ni de la force de celui qui en jouit. Elle lui vient de l'extérieur et, par là, elle consolide le pouvoir en lui donnant une assise moins fragile que celle qu'il trouve dans les qualités personnelles de celui qui l'exerce.
. Les sources et le champ d'application de la légalité
La légalité est le caractère de ce qui est légal, l'ensemble des actions qui sont conformes à la loi. Exemple : rester dans la légalité. Donc, la légalité relève avant tout du droit et signifie « caractère de ce qui est conforme au droit (et), s'applique soit au régime ou au gouvernement légitime fonctionnant selon les règles de droit, établies à cet effet, soit aux actes des autorités qui doivent être conformes au droit.
L'ordre social ne vient pas de la nature, il est le résultat d'un travail séculaire qui a abouti à l'élaboration des conventions structurées et à des normes, afin de standardiser les comportements des citoyens. La soumission, le respect de ces normes établies de commun accord constitue la légalité. L'article 1134 du Code civil français ne nous enseigne-t-il pas que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi » !
Les sources de la légalité résident dans la volonté du constituant originel. Cette volonté est exprimée et consignée dans la Constitution (qu'elle soit écrite ou coutumière). Une autre source de la légalité est constituée par la loi qui complète et favorise une application de la Constitution. Dans une conception plus large de la légalité, les traités, les actes communautaires et même la jurisprudence sont des sources de la légalité. La légalité exige une conformité à toutes ces règles du droit positif et à cette jurisprudence
. Analyse de la légalité et de la légitimité du pouvoir de la IVème République dans le contexte actuel
Il est évident que le pouvoir actuel au Burkina Faso n'est guère en panne ni de légalité encore moins de légitimité. A preuve, à l'issue des élections présidentielles du 21 novembre 2010, Blaise COMPAORE ayant recueilli 1 357 315 voix, soit 80,15% des suffrages exprimés, a été élu dès le premier tour et a été investi Président du Faso pour un mandat de cinq ans, le lundi 10 décembre 2010, par le Conseil constitutionnel. Le taux de participation était de 54,80%. Ledit mandat arrive à échéance donc en décembre 2015.
D'ailleurs, depuis l'adoption de la Constitution du 11 juin 1991 qui, aujourd'hui peut être considérée comme l'acte par lequel le Burkina Faso a résolument rompu avec les Etats d'exception, notre pays connait, pendant une période jamais égalée, la stabilité dans l'existence et le fonctionnement des institutions démocratiques dont il s'est doté.
En effet, la IVème République est incontestablement celle qui aura permis au Burkina Faso d'engranger d'immenses et solides acquis en termes :
- de stabilité et de paix ;
- de développement économique, social et culturel ;
- de protection des droits et des libertés individuelles et collectives ;
- de renforcement de la démocratie et des institutions républicaines ;
- de rayonnement international, de résolution de conflits et de maintien de la paix.
Le terreau fertilisant, le ciment de tous ces acquis est essentiellement constitué par les valeurs cardinales du pouvoir de la IVème République : la légalité et la légitimité.
La légitimité et la légalité du pouvoir ont été conférées et consolidées à travers :
- la tenue d'élections régulières : en effet, à des échéances régulières (sauf en 2012 où, du fait justement du perfectionnement du système électoral par l'introduction de la carte biométrique, les mandats des conseillers municipaux et des députés ont été prorogés), le Burkina Faso a toujours organisé, tenu à bonne date et réussi des élections présidentielles (1991, 1998, 2005 et 2010), des élections législatives (1992, 1997, 2002, 2007 et 2012) et des élections municipales (1995, 2000, 2006 et 2012).
- la création, l'installation et le fonctionnement réguliers d'institutions républicaines telles l'Assemblée nationale, le Conseil économique et social, le Médiateur du Faso, le Conseil supérieur de la communication ;
- le respect du principe de la séparation des pouvoirs et la création de hautes juridictions telles que la Cour de cassation, la Cour des comptes, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat suite à la suppression de la Cour suprême en 2000 ;
- la création et l'adhésion à des institutions, organisations et mécanismes de contrôle de la gouvernance et des finances publiques tels l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat, le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs, l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, etc. ;
- la protection et la promotion des droits et des libertés individuelles et collectives. Ainsi, la liberté d'association, la liberté d'entreprendre et la protection du droit de propriété, la liberté de presse, la liberté d'expression et d'opinion n'ont jamais été aussi garanties à tous.
- Le dialogue, la concertation et le compromis politique ont souvent prévalu pour éviter la violence et la fracture sociale, faisant du Burkina Faso un pays de paix et de dialogue.
Toutes ces avancées mises à l'actif du pouvoir de la IVème République, consolident la démocratie et contribuent, à n'en pas douter, à renforcer la confiance du peuple en ce pouvoir en vue de conquêtes futures.
Conclusion
Dans un Etat de droit démocratique, la souveraineté appartient au peuple. Il investi ses représentants de cette souveraineté afin que ceux-ci agissent « au nom et pour le peuple », c'est-à-dire en vertu des pouvoirs qui leurs sont conférés par le peuple à travers les dispositions de la Constitution et des lois de la république.
En principe, tant que l'esprit et la lettre de la Constitution et des lois sont respectés et que la légitimité des dirigeants demeure, les gouvernés doivent en respecter les décisions. En cas de contestation d'une disposition de la Constitution, de la loi ou d'une décision des autorités par des citoyens, l'ultime recours reste le Peuple ou ses représentants (députés) à travers le referendum selon la procédure prévue par la Constitution.
En définitive légitimité et légalité se complètent mutuellement sans se confondre. Toutefois, il est important de rappeler que l'ordre démocratique a deux fondements. Il est d'abord une chaîne logique qui découle de la notion de souveraineté du peuple et des contraintes qui en découlent quant aux possibilités de dévolution. La souveraineté du peuple est première car, pour tout ordre politique que l'on conçoit dans un espace réaliste, la souveraineté est première. Rappelons que c'est elle qui organise la légitimité, quand cette dernière rend possible la légalité.»
Boureima BADINI
Député
Président de la Commission des affaires générales
Institutionnelles et des droits humains (CAGIDH)