Washington parle de souveraineté ukrainienne ! Une farce ?

| 11.03.2014
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Washington parle de souveraineté ukrainienne ! Une farce ?
© DR / Autre Presse
Washington parle de souveraineté ukrainienne ! Une farce ?
Washington auquel Bruxelles fait écho parle de souveraineté ukrainienne. Incroyable mais vrai ! Le mot souveraineté refait irruption dans leur sémantique. Et les dindons de cette vaste farce, c'est qui ? C'est nous autres, pauvres mortels, qui croyons peut-être encore, à l'instar de certains lecteurs du quotidien Le Monde, qu'Oncle Sam se bat encore pour un monde plus démocratique, que ses intérêts économiques et géostratégiques n'y sont pour rien, que c'est le peuple ukrainien qui, dans un élan printanier magnifique, a choisi des représentants moins corrompus et surtout respectueux des droits de l'homme.

Ce n'est pas par ressentiment particulier que je cite Le Monde, ce n'est pas parce qu'il est de gauche, loin s'en faut, que j'en fais l'objet de mon sarcasme, mais bien parce que sa chronique très sélective des événements ukrainiens dénotent une impartialité très ... bruxelloise. Je me focaliserai sur deux aspects cruciaux de leur éclairage qui, après un prompt et vigoureux coup de réinformation, ne tiennent plus du tout la route.

- Le 7.03. 10h15. « Ils ont envahi notre pays » !, a lancé Irina Plyaka, 30 ans, venue en bus de Cleveland dans l'Ohio (Nord) avec son père. « Ils propagent des mensonges et pendant ce temps, ils tuent des Ukrainiens dans la rue avec des tireurs embusqués ». Je coupe ici cette citation édifiante qui devrait apitoyer n'importe quel Français normal. Manifestement, si on soustrait à cette réplique l'étrange implication de l'armée russe dans la fusillade du Maïdan, cette jeune femme fait allusion à ces morts du 20 février qui auraient été sommairement exécutés par le régime. Faute de preuves signalant l'innocence de Ianoukovitch dans cette tuerie assez étrange car très sélective – des tirs aléatoires contre une foule de manifestants aussi importante auraient fait bien plus de morts – on ne pouvait que s'interroger sur les motifs d'un président qui, de un, n'avait pas réprimé le soulèvement dès ses débuts, de deux, faisait en somme un grand cadeau aux commanditaires de son renversement. Deux semaines plus tard, les preuves sont là : les services de renseignement ont mis sur écoute et enregistré la conversation du ministre des Affaires étrangères estonien, Urmas Paet, avec la haute représentante de l'UE, Catherine Ashton. M. Paet avoue avoir « la conviction grandissante » que le président déchu n'avait jamais ordonné à ses snipers d'ouvrir le feu, que le témoignage d'une certaine Olga, médecin ayant examiné les victimes, indiquait que les balles qui avaient été extraites des corps n'étaient pas celles des policiers d'ailleurs abattus eux aussi avec le même type d'arme. Qui plus est, il lui a semblé suspect que la nouvelle coalition ait refusé de lancer une enquête tout en continuant à prétendre que Ianoukovitch était derrière cette série d'exécutions. Ayant appris que son entretien avec Mme Ashton avait été diffusé, le ministre estonien n'a même pas cherché à contester les arguments avancés. Deux conclusions s'imposent : premièrement, la chronique du journal Le Monde n'ajuste pas ses références aux derniers faits, deuxièmement, il reprend des réactions purement subjectives sans s'interroger sur leur bien-fondé logique. Ce procédé avait été régulièrement employé dans son éclairage des évènements syriens, notamment suite à l'attaque chimique perpétrée dans la banlieue damascène. Il était alors pourtant clair qu'al-Assad n'avait aucune raison de commanditer ladite attaque et que la manière dont celle-ci avait été réalisée excluait la responsabilité du gouvernement syrien. La désinformation perd à être si peu crédible ce qui en même temps nous donne le droit de nous réjouir de ses énormités.

- En second lieu, les USA, secondés dans leur fausse indignation par Bruxelles, dénoncent la violation par la Russie de la souveraineté ukrainienne. Le Mondereprend les prises de parole de la Maison Blanche ainsi que d'un certain Ryan Zawojski, membre de l'association des jeunes américano-ukrainiens. Je ne sais s'il faut en rire ou en pleurer. Primo, si l'on se penche sur l'héritage doctrinaire de M. Zbigniew Brzezinski, il devient d'emblée acquis que l'Ukraine représente un centre stratégique de première importance pour les USA, ne serait-ce que pour parfaire sa politique d'encerclement de la Russie, le seul pays souverain antagoniste pouvant contrer l'hégémonie américaine : « Sans l'Ukraine, la Russie cesse d'être un Empire en Eurasie. Si l'Occident devait choisir entre une Ukraine démocratique et une Ukraine indépendante opposée à la Russie, ce sont les intérêts stratégiques et non démocratiques qui devraient déterminer notre position » (Brzezinski. 1998). Du reste, cette réflexion n'avait déjà rien d'original à la fin des années 90, sachant qu'elle avait été formulée presque un siècle avant par Bismarck. Secundo, le projet d'otanisation de l'Ukraine – probable en vertu de l'avancée otanienne via la Pologne et le traité de Küçuk Kaynarca toujours de vigueur signé entre la Russie et l'empire ottoman en 1774 – est parfaitement à l'image de ce qu'est la stratégie et, disons même plus, la raison d'être de l'OTAN depuis la chute de l'URSS. Voici deux citations de taille. Javier Solana, ancien secrétaire général de l'OTAN : « L'expérience acquise en Bosnie pourra servir de modèle pour nos opérations futures ». On sait quel a été le dénouement de cette opération. Trois experts du think-thank de l'armée US, lors d'une conférence qui a eu lieu en 1993 : « L'OTAN doit sortir de sa zone sinon il sera sans emploi ». Ce dernier constat est repris par le politologue Michel Collon sur son site. Sinon, faisant abstraction de ces modestes réflexions, j'avoue que la farce washingtonienne fondée sur son immense respect de la souveraineté nationale est hilarante. Nos journalistes du mainstream médiatique devraient insérer des rires en boîte dans leurs textes pour qu'on sache vraiment à quel moment ... il faut rire. T

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