Dans sa tribune, Alan Rusbridger, explique avoir été contacté "par un très haut responsable du gouvernement affirmant qu'il représentait l'opinion du premier ministre". Il a eu ensuite deux rencontres avec ce responsable qui "a demandé le retour ou la destruction de tout le matériel sur lequel nous étions en train de travailler". Le journal était alors en plein milieu de la publication des révélations sur les programmes de surveillance de masse menés par l'Agence nationale de la sécurité (NSA) américaine et par son homologue britannique, la GCHQ, après la livraison par l'ancien consultant américain Edward Snowden de milliers de documents secrets. M. Rusbridger affirme que les autorités lui ont dit : "Vous vous êtes bien amusés. Maintenant nous voulons que vous nous rendiez le machin".
"VOUS N'AVEZ PAS BESOIN D'ÉCRIRE DAVANTAGE SUR LE SUJET"
"Il y a eu ensuite plusieurs rencontres avec des gens moins en vue de Whitehall", le quartier qui abrite les bureaux du premier ministre, poursuit le rédacteur en chef."La demande était la même : rendez le matériel Snowden ou détruisez-le... Vous avez eu votre débat. Vous n'avez pas besoin d'écrire davantage sur le sujet".
Alan Rusbridger affirme également que le gouvernement avait menacé d'entamerune procédure judiciaire pour tenter de récupérer les documents secrets, si le journal ne les détruisait pas lui-même.
"Et alors s'est produit l'un des moments les plus bizarres dans la longue histoire du Guardian", explique-t-il. "Deux experts en sécurité de la GCHQ ont surveillé la destruction des disques durs dans les sous-sols du Guardian, pour être bien sûrs qu'il ne restait plus rien dans ces petits morceaux de métal tordus qui puisseconstituer un quelconque intérêt à être passé à des agents chinois", écrit encore M. Rusbridger.
"Whitehall était satisfait, mais cette détermination contre un élément symbolique du dossier a montré le peu de compréhension du gouvernement sur l'ère du digital", écrit le rédacteur en chef du Guardian, qui assure que le quotidien"continuera à analyser, malgré toute la patience requise et la complexité du dossier, les documents mis à disposition par Edward Snowden." "Nous ne le ferons simplement plus depuis Londres", explique Alan Rusbridger. "De la même manière, la saisie de l'ordinateur portable, des téléphones, des disques durs et de l'appareil photo de David Miranda n'auront aucun effet sur le travail de Glenn Greenwald", prévient-il encore.
DANGER POUR LES SOURCES CONFIDENTIELLES

Le Guardian révèle en effet ces pressions alors que les autorités britannique sont en butte à une vague de protestations, après la rétention pendant neuf heures dans l'aéroport d'Heathrow de David Miranda, le compagnon du journaliste du Guardian qui a travaillé avec Snowden pour révéler les programmes de surveillance. M. Rusbridger a condamné cette rétention et averti "qu'il n'est pas impossible que dans peu de temps, les journalistes ne puissent plus avoir de sources confidentielles."
"Faire une enquête, et plus largement, vivre en 2013, laisse trop de traces. Les collègues qui ont critiqué Snowden ou qui estiment que les journalistes devraientfaire confiance à l'Etat pour savoir ce qui est le mieux pour le pays auront surement un réveil difficile", écrit-il encore. "Avant que cela n'arrive, les journalistes savent au moins qu'il faut désormais éviter les salles d'attente de l'aéroport d'Heathrow", conclut Alan Rusbridger.
Dans son éditorial, le Guardian plaide également pour une révision complète par le Parlement de la loi antiterrotiste, et notamment de l'article 7, qui permet à la policed'interroger préventivement toute personne soupçonnée de préparer des actes terroristes en Grande-Bretagne pour déterminer si elle représente une menace. C'est cette loi qui a permis aux autorités britanniques de détenir David Miranda, et de le "traiter comme un terroriste sur le point de faire une attaque sur le territoire", a expliqué le compagnon de Glenn Greenwald dans une interview.