Imprimer cette page

Comment mettre fin aux coups d’Etat en Afrique ?

| 14.01.2014
Réagir
Comment mettre fin aux coups d’Etat en Afrique ?
© DR / Autre Presse
Comment mettre fin aux coups d’Etat en Afrique ?
L'Afrique est le continent qui a subi le plus de tentatives de coups d'Etat. En effet, elle détient malheureusement sans conteste le record des coups d'Etat. Depuis ses années d'indépendance, plus de 80 y ont été réussis. D'ailleurs, dans les trois dernières années, les coups de force dans le monde ont presque tous été effectués en Afrique.

Le coup d'Etat le plus absurde est celui perpétré au Mali en mars 2012 à seulement un mois des élections présidentielles. Quel besoin de destituer un président à un mois de la fin de son dernier mandat ? Comment peut-on justifier, par un manque de volonté du Président pour la protection du territoire, un coup de force qui livre plus de la moitié du pays aux rebelles ? Un mois après, la Guinée-Bissau a subi un coup de force destituant le gouvernement de Carlos Gomes Junior entre les deux tours des élections présidentielles. Six mois plus tard, une deuxième tentative est par contre déjouée.

Plus récemment, le 30 décembre, une tentative de déstabilisation a été déjouée au Congo venant ainsi fermer le défilé des coups de force de 2013. Les récentes tentatives perpétrées dans ce pays avaient également été déjouées le 24 mars 2014 et le 27 février 2011. Au Soudan du Sud, une tentative de coup de force perpétrée le 15 décembre 2013 a installé une crise au niveau de ce nouvel Etat. Des négociations pour un cessez le feu entre l'opposition et le pouvoir sont heureusement en train d'être menées à Addis Abeba.

Ces tentatives au RDC et au Soudan ont été légèrement voilées par la crise que subit la république centrafricaine. Cette crise découle du coup d'Etat du 24 mars 2013 mené par les rebelles de la Séléka contre le président Bozizé. Elle présente implicitement tous les attributs d'un futur et possible génocide. Heureusement, une lueur d'espoir vient de naître avec la démission du président Djotodia et de son gouvernement lors des actuelles négociations menées au Tchad.

Dans cette même année 2013, le Président égyptien Morsi, démocratiquement élu un an plus tôt, a été déposée par son armée. Son élection avait été le fruit d'un processus découlant du soulèvement populaire de 2011. Ce réveil brusque et violent du printemps arabe avait débuté en Tunisie et provoqué le départ forcé du président Ben Ali.

Pendant cette même période, la Côte d'Ivoire vivait sa plus grande crise politique et militaire. L'élection de 2010, prometteuse sur le plan démocratique, avait fini par retourner deux gouvernements menés respectivement par Gbagbo et Ouattara.

Ironie du sort ! Le président libyen, Kadhafi, qui avait émis l'idée d'aller trouver Gbagbo et de le faire sortir par la force du palais s'est trouvé dans une situation plus troublante que Gbagbo. Il fut sauvagement assassiné le 20 octobre 2011 après une longue chasse à l'homme cinq mois seulement après la réalisation de son vœu. Les armes sophistiquées ayant échappées à la vigilance des nouvelles autorités libyennes ont permis aux rebelles du Nord du Mali de servir des débâcles aux soldats maliens. Ces derniers ne trouveront rien à faire que de perpétrer le coup d'état le plus absurde par lequel nous avions initié ce défilé.

38552b310aa44f6796756ea2bd0f8fa1

1.2.3 .... 10....50 ....80 ...KO

Quels sont les facteurs explicatifs de ces coups d'Etats ?

1. Absence de démocratie (parti unique, verrouillage de toute alternance ...)

2. Légitimité du pouvoir (résultant d'un coup d'état, de truquage d'élection ...)

3. Pouvoir fortement personnifié

4. Vacance de pouvoir (décès, incapacité physique ou mentale)

5. Facteur d'incompétence notoire

6. Rivalités claniques, ethniques, religieuses ou personnelles

7. Dimensionnement des territoires

8. Faiblesses des performances économiques

9. Facteurs endogènes

10. Facteurs exogènes

Les déstabilisations économiques, politiques et sociales résultant de ces crises sont considérables. Elles ont des effets néfastes aussi bien internes qu'externes. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer la présente crise centrafricaine. Les étrangers qui détenaient une partie importante de l'économie se sont vus rapatriés par leurs pays. De plus, toutes les activités économiques internes sont paralysées. Certains autres pays africains dont le Sénégal, relativement éloignés, ont été obligés d'affréter des avions afin de rapatrier leurs citoyens pris au piège. Ces sinistrés ont augmenté les armées de chômeurs déjà assez considérables de leurs pays. Par contre les pays voisins ressentent dramatiquement les effets néfastes de la crise. Ils reçoivent obligatoirement la bande des refugiés avec tous les risques d'importation des aspects de cette crise.

Pour ne pas encourager la pratique des coups d'Etats, l'Union Africaine a pris la résolution de condamner toute forme de conquête du pourvoir par la force. D'ailleurs, cette démarche est unanimement adoptée par les institutions internationales. Cependant cette nécessaire résolution possède en pratique peu d'effet. Les putschistes jouent souvent la carte du fait accompli. Ensuite avec la complicité de gouvernements alliés, ils regagnent une certaine forme de reconnaissance qui finit par leur établir une pseudo-légitimité.

Une solution a été proposée au sommet de Paris. Les chefs d'Etat africains se sont promis de mettre en place une force africaine de réaction immédiate aux crises. Cette orientation, entreprise sous l'impulsion de la France, devrait être effectivement opérationnelle en 2015. Cette capacité africaine de réaction immédiate aux crises (CARIC) devrait disposer d'un même commandement et être localisée dans un ou des pays stratégiques. Certes, cette proposition est trivialement mieux que rien. Cependant, elle ne constitue pas une solution et est plutôt un band aid, Sa faiblesse apparaît déjà dans sa forme de financement. Les pays africains comptent sur les institutions internationales telles que l'Union européenne ou des pays tels que la France. Ceci transformerait complètement la positivité de cette proposition car elle devra implicitement inclure les intérêts de ces donateurs. Que se passera-t-il si l'intervention de cette force est à l'encontre des intérêts ses propres donateurs ? Quelle confiance apporter à une telle force ?

D'autre part, ces militaires localisés dans un quelconque pays seront considérés majoritairement comme des étrangers. De même, leurs interventions pourraient dans certains cas être perçues comme une intrusion. La preuve de ces assertions est actuellement expérimentée à travers la crise centraficaine au sein de la force Africaine de la MISCA entre les soldats Tchadiens et Burundais. Les soldats Tchadiens de cette force pacificatrice sont accusés, par une portion de la population de Bangui, de soutenir la Séléka. De plus, que se passerait-il si la crise est causée par un autoritarisme poussé de force supérieure ?

Il ne faut pas avoir peur d'aller jusqu'au bout. La solution est fédérative. Elle réside dans une mise en place réfléchie des Etats-Unis d'Afrique qui légitimerait cette force en tant que son armée. Elle serait entièrement financée par l'Afrique. Elle pourrait ainsi se déployer partout dans son territoire. Cette fédération devrait faire naitre l'espoir. Dans ce jeu politique et économique, l'Afrique passerait d'un statut de groupement de followers à celui d'une entité de leader.

La fédération est la seule issue.

Elle permettrait la radiation de ces coups d'Etat.

Elle permettrait à l'Afrique de recoller ses morceaux

Et ainsi de retrouver son entité, son identité et sa dignité

La seule issue est la fédération

Pr Youssou GNINGUE (UL, Directeur du Dep. Math & Info, Canada)

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité