Sommet de l’UEMOA/CEDEAO à Dakar : Les chefs d’Etat se sont caressés dans le sen du poil

| 28.10.2013
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Sommet de l’UEMOA/CEDEAO à Dakar  : Les chefs d’Etat se sont caressés dans le sen du poil
© DR / Autre Presse
Sommet de l’UEMOA/CEDEAO à Dakar : Les chefs d’Etat se sont caressés dans le sen du poil
La capitale sénégalaise Dakar a abrité les 24 et 25 octobre 2013, un sommet UEMOA-CEDEAO traitant de problématiques complémentaires.
Heureux que les chefs d'Etat membres se soient préoccupés à la fois des dossiers de la Guinée-Bissau et de la Guinée Conakry. L'on a recommencé également à parler de monnaie. Mais, l'on n'a pas voulu en battre pour s'affranchir du trésor français ?
La CEDEAO a fait de grands pas, notamment avec l'ECOMOG qui a eu ses heures de gloire. Mais, la mal gouvernance politique et économique survit au temps. L'expérience montre que ce sont les chefs d'Etat eux-mêmes qui posent les germes de l'instabilité. Ils vont de sommet en sommet, mais alimentent eux-mêmes les crises. S'attaqueront-ils jamais aux véritables problèmes qui plombent le développement de leurs pays ?

Il faut se poser les vraies questions en rapport avec la mal gouvernance politique (conflits et rébellions), la mal gouvernance économique (détournements et corruption généralisée)

On se flatte de l'embellie économique qu'on voudrait faire partager. Mais a-t-on besoin de se réunir pour une redistribution ? Chaque Etat a le devoir de s'exécuter en fonction des aspirations de ses gouvernés. Il faut se poser les vraies questions en rapport avec la mal gouvernance politique (conflits et rébellions), la mal gouvernance économique (détournements et corruption généralisée). Car, derrière l'embellie économique dont on se félicite, se cachent de vrais drames : disparités profondes, injustices sociales, dossiers jamais aboutis. On parle de prospérité, mais peut-on occulter le fait que rarement les peuples ont profité des fruits de la croissance ? Les gouvernants s'accaparent toujours des ressources nationales aux dépens de la population qui croupit dans la misère. Sur fond de disparités criardes, les crimes économiques sévissent presque partout : jamais les détournements crapuleux, la corruption et toutes sortes de vices n'avaient autant pris les pays africains en otages. Ces fléaux existent, car l'impunité a la peau dure.
Les Européens se regroupent généralement autour de critères de convergence, obligeant ainsi les candidats à se conformer à un minimum d'exigences avant d'adhérer à une organisation. C'est le cas de la Turquie qu'on enjoint de respecter les droits humains, avant d'intégrer l'UE. En Afrique, on préfère ratisser large, ce qui n'est pas sans conséquences. Dans ce cas, quel chef d'Etat africain peut-il faire des observations à un autre, étant donné la grande faiblesse des uns et des autres, est l'appartenance commune à des entités hors continent qui dictent leurs lois aux gouvernants africains ?
La mal gouvernance politique règne en maître sur le continent. On passe par les urnes pour acquérir le pouvoir. Une fois installé, on use, sans gêne, de toutes sortes de stratagèmes pour s'y maintenir : scrutin truqué, référendum gagné à l'avance, tripatouillage de la Constitution, corruption et répression. C'est que le problème de l'Afrique réside dans son rapport au pouvoir moderne. Les élites politiques africaines ont pris aux Occidentaux les contenus qui les arrangent. Elles y ont associé cette conception galvaudée du pouvoir traditionnel, qui s'apparente au pouvoir à vie.

A la différence de la plupart des dirigeants d'aujourd'hui, les pères fondateurs de l'Afrique indépendante portaient en eux l'amour du pays et du peuple, et comme autres repères : la probité, le sens de l'honneur et de la dignité, le sentiment du devoir à accomplir, la sobriété et la solidarité

En a résulté le sentiment que le pouvoir est quelque chose qui est à la disposition du chef, de sa famille, de son clan et de sa région. Cela, tant que celui-ci est au pouvoir. C'est le cas du Mali où le dossier du Nord a toujours été mal géré. Les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays ont passé le temps à ranger les dossiers, à différer la résolution des problèmes, tant qu'un semblant de paix existait. Aujourd'hui, il faut éviter les faux-fuyants et oser crever l'abcès.
A la différence de la plupart des dirigeants d'aujourd'hui, les pères fondateurs de l'Afrique indépendante portaient en eux l'amour du pays et du peuple, et comme autres repères : la probité, le sens de l'honneur et de la dignité, le sentiment du devoir à accomplir, la sobriété et la solidarité.
Les sommets des chefs d'Etat membres de l'UEMOA et de la CEDEAO devraient s'habituer à prendre les devants, et à sanctionner les pairs comme dans le cas du Commonwealth. Mais, de nos jours, quel chef d'Etat écoute-t-il les autres ? En bon francophone, on a pris l'habitude de caresser dans le sens du poil, et c'est bien dommage ! Là où existe un semblant de convergence d'intérêts, c'est lorsque les dirigeants africains s'entendent à l'Union africaine (UA) pour interpeller la CPI, ou pour condamner les coups d'Etat. Or, face à la boulimie du pouvoir et à l'absolutisme, aucune alternative n'existe en dehors des coups d'Etat et des rébellions. Il faut arrêter de jouer aux pompiers-pyromanes. On ne peut être juge et partie.

Les sommets de la CEDEAO sont bien fondés à s'ingérer dans les problèmes des crises africaines à des fins de prévention. Mais, l'esprit d'appartenance au club, sinon au syndicat de chefs d'Etat, l'emporte trop souvent sur l'intérêt des peuples. Il est donc illusoire de s'étonner que, même dans le souci de prévenir une crise multiforme et des désagréments, des voix discordantes ne se sont pas fait entendre dans l'un ou l'autre sommet à ce propos. Belle solidarité « agissante » !

Pour que ce genre de sommets servent vraiment, il faudra oser s'engager à respecter la Constitution et les droits humains élémentaires.
A Dakar, combien de chefs d'Etat ont-ils osé faire leur autocritique ? Combien ont-ils agi conséquemment à leur retour de la « terranga » sénégalaise ? Ils n'ont pas voulu se regarder dans le miroir pour trouver une solution définitive aux problèmes de leur propre gouvernance. Les nouvelles mesures prises pour consolider l'économie et la paix sont certes louables mais leur applicabilité reste une autre paire de manches. On le sait, les têtes couronnées de l'Afrique ne se hâtent jamais pour mettre en œuvre les décisions qu'elles prennent. Sauf quand celles-ci visent à leur permettre de conserver le pouvoir. C'est dommage que l'on vole de sommet en sommet sans réussir à changer véritablement le triste visage du continent noir foyer des guerres, de famine et de maladies.

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