Santé des chefs d’Etat Africains : ADO brise l’omerta

| 11.02.2014
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Santé des chefs d’Etat Africains  : ADO brise l’omerta
© DR / Autre Presse
Santé des chefs d’Etat Africains : ADO brise l’omerta
Il était une fois un chef d'Etat africain qui allait se faire soigner en Europe et qui en informa son peuple... Le fait est si exceptionnel, si rarissime, qu'on se croirait effectivement dans un conte africain des temps modernes. Et pourtant, il s'agit bel et bien d'un fait réel. Et c'est du côté de la lagune Ebrié que la nouvelle est venue. En effet, un communiqué de la présidence ivoirienne a indiqué ce dimanche, que Alassane Dramane Ouattara a été opéré d'une sciatique en France. « L'intervention chirurgicale s'est bien déroulée et le chef de l'Etat se porte bien ». Un chef d'Etat qui tient à informer son peuple de son état de santé, cela n'a, en principe, rien d'exceptionnel.

 

En général, sous nos tropiques, on n'évoque la santé du président que pour apporter un démenti

Si ce communiqué de la présidence ivoirienne prend un autre relief, cela est dû au fait qu'en Afrique, les chefs d'Etat font de leur état de santé un sujet tabou. Communiquer sur la santé d'un chef d'Etat africain est un acte qui peut coûter à son auteur, plusieurs mois d'emprisonnement. Cela démontre peut-être à quel point, la plupart des gouvernants africains ont un lien encore solide avec la tradition africaine qui veut qu'on ne parle jamais de la santé du roi. Et quand on est obligé d'en parler, il faut retourner sa langue sept fois et trouver la meilleure formule pour l'évoquer. Ainsi, un roi souffre de « la maladie du corps » quand ses sujets, victimes de la même maladie, sont déclarés atteints de la lèpre.

On ne devrait pas en réalité être étonné de ce comportement de la part des chefs d'Etat africains qui ne sont rien d'autres, en réalité, que des monarques qui ne disent pas leur nom.

En général, sous nos tropiques, on n'évoque la santé du président que pour apporter un démenti, alors que la rumeur s'est déjà emparée du sujet. A ce moment, on assiste à une pléiade de communiqués, les uns aussi ambigus que les autres et visant tous un seul et même objectif : persuader le peuple que le souverain se porte bien et surtout qu'il se tient toujours droit sur son trône. Le cas du président algérien, Abdel Aziz Bouteflika, illustre à souhait cette mentalité de la plupart des chefs d'Etat africains ; malade et reconnaissant à peine ses ministres, on le pousse toujours et encore vers un quatrième mandat présidentiel qu'il n'est peut-être même pas sûr d'assumer jusqu'au bout.

Un chef d'Etat est avant tout un citoyen comme tout le monde et donc susceptible de tomber malade

Cette omerta est absolument discordante avec les exigences de la démocratie qui veut la transparence totale dans la gestion de l'appareil étatique ; la santé d'un chef d'Etat ne peut pas être gérée comme une affaire privée car ce n'est pas du tout le cas. Les citoyens ont bien le droit de savoir comment se porte celui qui a la responsabilité de leur destin. Refuser donc de communiquer sur ce sujet, s'apparenterait alors à un choix délibéré d'avancer dans un flou total et pour des raisons que le peuple ignore.

Il faut dire aussi que cette loi du silence se nourrit dans la majorité des cas, de la crainte que les tenants du pouvoir développent vis-à-vis de leurs oppositions, du fait du manque de sincérité et parfois du non-respect des règles du jeu démocratique. Un chef d'Etat est avant tout un citoyen comme tout le monde et donc susceptible de tomber malade comme ses concitoyens. Reste que l'annonce de la moindre maladie d'un président est sujette à toutes les supputations et extrapolations les plus alarmantes, faites souvent à dessein, par ceux qui scrutent soigneusement le moindre indice pour le déclarer inapte à diriger le pays. Si le président annonce qu'il a mal à son oreille gauche, on dira tout de suite qu'il n'est plus capable d'assumer ses responsabilités et donc qu'il devra démissionner. C'est aussi une, sinon la principale raison de cette omerta que Alassane vient de briser. En annonçant à ses concitoyens le mal dont il souffre et surtout le type d'intervention qu'il a subi, ADO joue le jeu de la transparence et augmente de fait son capital de sympathie auprès du peuple ivoirien, qui apprécie à sa juste valeur la grandeur de ce geste. Cela dit, il ne faut pas oublier que ADO est un démocrate et donc, qu'il va toujours jusqu'au bout de sa vraie nature. Quand on n'est pas animé de l'esprit de tricherie, on s'interdit de penser que celui qu'on a en face de soi pourrait vouloir tricher.

Dieudonné MAKIENI

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