C'était le match qu'il fallait à tout prix gagner. Le match où toute autre performance que la victoire condamnait les poulains de Paul Put à dire bye bye à la CAN. Et ils l'ont perdu. Le Congo a été sans pitié face au favori de la poule A. Certes, on s'empressera d'avancer l'argument que la Zambie était championne d'Afrique en 2012 et elle a été éliminée au premier tour une année plus tard dans le groupe des Etalons. Que l'Espagne était sur le toit du monde et a été exterminée dès le premier round à la coupe du monde suivante. Ou bien même que les champions en titre, le Nigeria est resté à quai et n'a pu embarquer pour venir défendre son titre. C'est vrai tous ces exemples, mais le Burkina aurait pu se servir de ces vécus pour porter des gants et être prêt pour le combat. Malheureusement, non. L'équipe s'est reposée sur son vécu de 2013, oubliant que les autres formations ont également travaillé pour atteindre, sinon dépasser leur niveau.
Des signes avant-coureurs
L'épopée de la CAN 2013 est encore fraîche dans nos mémoires. En cette année grégorienne, les Etalons étaient la meilleure équipe d'Afrique. Surfant sur leur euphorie à la CAN sud africaine, ils ont presque tout balayé sur leur passage, ne concédant que seulement deux défaites (en finale face au Nigeria et aux barrages retour de la coupe du monde devant l'Algérie sur la plus petite des marges). Malgré ces brillantes performances, aucun des cadres de l'équipe n'a pu joindre un club huppé en Europe. Pire, c'est dans des formations de seconde zone que beaucoup ont choisi de déposer leurs baluchons sans avoir même le statut de titulaire. En football, l'indice de performance est la compétition et nombreux sont les Etalons qui ne l'ont pas dans leurs jambes. Insidieusement, il va sans dire que l'équipe perdra dans la puissance athlétique. Ajouté à cela au poids de l'âge de certains, l'équilibre ne peut que fortement vaciller.
L'apparition des égos
Ce qui faisait solidement la force des Etalons était la cohésion de son groupe. Sans véritable star, les Etalons compensaient ce manque par une solidarité sans faille à toute épreuve, créant ainsi un bloc compact difficile à manœuvrer par l'adversaire. En décidant de se séparer de certains ciments qui entretenaient la cohésion au sein de l'effectif, telle la mise à l'écart contre sa volonté de Moumouni Dagano, le bloc a commencé à s'effriter. Des égos ont commencé à naître entre les fissures et sont en train de grandir. La prise de bec entre Charles Kaboré, Mohamed Koffi et Aristide Bancé lors de la préparation à Nelspruit et la montée de ton entre Alain Sibiri Traoré et le même "mister Bance" dans le bus après la première rencontre n'est symptomatiquement que la partie visible de l'iceberg. Même si dans un groupe, il y a par moment des écarts de langage, les Etalons ont eu du mal à cacher la brèche qui se crée dans leur effectif. Cela a impacté négativement sur leur jeu au cours de la compétition.
Le jeu se délite
On ne peut pas comprendre que les Etalons rentrent dans le tournoi continental comme s'ils étaient en championnat. Comme s'ils n'avaient pas encore perçu la vraie dénomination de la CAN qui veut dire avant tout, coupe. Le Burkina, à travers sa prestation d'ensemble, ne disputait pas des matchs de coupe. Les Etalons ont perdu leur longueur d'avance du fait de trop s'attarder sur les calculs. Même s'ils ont été relancés dans la course à la qualification par le Congo, ils n'avaient visiblement pas d'arguments pour espérer meilleur sort que de prendre prématurément la porte. Avec des stats de losers qui ont fini de sanctionner les suffisances d'une équipe assez amorphe, les Etalons regagnent très tôt le bercail. Ils n'ont pas montré les qualités intrinsèques d'une équipe. Une équipe, c'est onze joueurs qui font des efforts ensemble. Onze bonhommes qui se battent sur le pré les uns pour les autres. Ou bien ce n'est pas une équipe. Chez les Etalons, on a observé, par moment, que certains n'étaient pas visiblement concernés par la récupération du ballon en cas de perte. Laissant aux autres ce sale boulot et l'équipe était coupée en deux. Au front de l'attaque, les joueurs ont également multiplié les mauvais choix et par moment on se demandait même si ce n'était pas expressément fait.
Le coaching de Put
En 2013, les Etalons s'appuyaient sur leur bloc solide et procédaient par contre pour surprendre l'adversaire. C'est vraie, cette façon d'entreprendre n'est pas esthétique mais avait l'avantage d'être efficace. A cette CAN 2015, le technicien belge décide de sortir de sa frilosité pour sacrifier le résultat sur l'autel de l'esthétisme. Les Etalons, qui n'ont pas les joueurs pour, décident de prendre le jeu à leur compte et de dicter le tempo de la partie. Par cette tactique, ils se créent de nombreuses occasions mais ne parviennent pas à faire la différence. C'est le Gabon qui est la première formation à mettre le doigt sur cette nouvelle plaie burkinabè. Les poulains de Paul Put sont sèchement battus à l'ouverture (2-0) par des Panthères agiles qui ont su guetter les opportunités. Plutôt que de revenir sur ses fondamentaux, Paul Put s'entête davantage dans cette tactique qui n'offre pas la promesse des fleurs. Pire, le belge se perd, sinon qu'il se fourvoie au moment de la substitution de ses hommes. Sa façon de manager son équipe pendant le match est parfois remise en cause car sa frilosité reprend le dessus au moment de prendre les résolutions fermes pour faire les changements au point que l'on se demande s'il n'est pas aujourd'hui au bout du rouleau. A chaque conférence de presse d'après-match, il vient tout le temps entonner le refrain que son équipe s'est créé beaucoup d'occasions. Mais pourquoi n'arrive-t-il pas à trouver le remède pour que sa formation retrouve la lucidité offensive tant souhaitée ? En tous les cas, il ne s'est pas mis en position de force cette fois pour exiger qu'on lui construise à nouveau un pont d'or.
Béranger ILBOUDO
Depuis Bata (Guinée Equatoriale)