Sidwaya (S.) Avec zéro point au compteur après deux journées dans les phases de poule, vous êtes parvenu à arracher la qualification pour le tour des barrages dans les éliminatoires de la Coupe du monde. Qu'est-ce qui a pu vous motiver et vous galvaniser pour y croire ?
Charles Kaboré : C.K C'était vraiment loin d'être gagné d'avance. On se retrouvait dans une situation qui était difficile. Notre moral était entamé pour avoir perdu déjà des points face au Congo sur tapis vert. Maintenant on a su relever la tête en se disant que tout est possible dans le football. Rien n'est perdu d'avance. On a prouvé qu'on a de la valeur. Notre public a également prouvé qu'il est à fond derrière son équipe nationale et il aime les Etalons. On a profité de ce soutien et de la confiance qu'on a acquise à la CAN et aussi conjugué à l'expérience et l'envie de jouer les uns pour les autres et prendre du plaisir à jouer ensemble, et cela s'est traduit par la qualification pour les barrages de la Coupe du monde.
S. : Est-ce cette performance réalisée à la CAN qui vous a boosté à aller gagner sur des terrains hostiles comme à Niamey et à Pointe Noire ?
C.K : Oui. Avant la CAN, quand on se déplaçait, on avait des doutes. On se disait que ça allait être des matchs difficiles. On acceptait avec joie d'aller chercher un résultat nul qui était en somme une satisfaction pour nous. Après la CAN, quand on se déplace, c'est pour gagner et c'est de bon augure pour le Burkina et pour notre beau public. Moralement on est bien et on a une très bonne équipe avec des joueurs de qualité. On a des valeurs et tant qu'on ne va pas les oublier, et si on reste humble en se disant qu'on a encore beaucoup à apprendre, on va toujours aller de l'avant.
S. : Le fait que la presse étrangère vienne suivre votre match à domicile est-elle une reconnaissance de vos mérites ?
C.K : Depuis la CAN, beaucoup de monde s'intéresse à nous. Avant quand on parlait des pays de foot, c'était le Cameroun, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Ghana pour ne citer qu'eux. Maintenant les gens nous craignent car on a posé des actes qui imposent le respect et nous récoltons les fruits. Il ne faudrait donc pas s'arrêter que sur ces détails. On a des valeurs que beaucoup d'équipes n'ont pas. C'est la familiarité et l'engagement de se battre les uns pour les autres sans réfléchir. Aujourd'hui, même quand on subit, on reste "zen" dans la tête en se disant qu'on ne peut pas jouer toute la partie sans avoir un temps faible d'au moins 10 à 20 minutes. On arrive à surpasser ces temps faibles. C'est ce qui fait que notre mentalité a beaucoup changé et c'est ce qui nous permet d'avancer.
S. : Quel discours vous a tenu le coach quand on sait que vous étiez à un tournant décisif dans ces éliminatoires de la Coupe du monde 2014 ?
C.K : Paul Put est un grand monsieur. Il n'est pas euphorique, il ne panique jamais et il est toujours serein. Il est proche de son équipe et on discute beaucoup. Avec les idées jetées par-ci par-là, il arrive à prendre les bonnes décisions. Au début, c'était difficile comme il le disait, mais il soutenait que rien n'est impossible et qu'on se qualifiera pour le tour des barrages de la Coupe du monde face au Gabon. Mais avec zéro point, personne n'y croyait. Même avant d'aller à la CAN, il avait dit que si on arrivait à sortir des poules, on allait arriver en finale et c'est ce qui s'est réalisé. Pour moi, c'est un visionnaire. Il voit l'avenir.
S. : L'orage est passé, une autre tempête se prépare à savoir les tirages au sort. Y a-t-il une équipe particulière que vous voudriez éviter ou rencontrer ?
C.K : Dans le football, il n'y a jamais de préférence. Si nous figurons aujourd'hui parmi les 10 qualifiées, c'est parce que nous sommes parmi les meilleures. Maintenant, parmi les 10 meilleures d'Afrique, quel que soit l'équipe que nous allions tirer, nous allons la jouer à fond. Si nous sommes destinés à jouer les phases finales de la Coupe du monde au Brésil, on y sera quelle que soit l'équipe. Mais je reconnais que la Côte d'Ivoire est une grande équipe et elle a beaucoup d'expérience. C'est une formation qui ne panique pas. Même dans ses périodes faibles, elle arrive à être créative et à s'en sortir. C'est ce qui fait la grandeur de cette équipe. Je ne dirais plus qu'on a un complexe face à cette formation, car on a acquis aujourd'hui de l'expérience et pour mettre en exergue cette expérience, il faut qu'on joue contre des grandes équipes comme la Côte d'Ivoire, le Nigéria, le Ghana ou l'Algérie. Quelle que soit l'équipe qui se dressera sur notre chemin, on va la jouer à fond, car nous escomptons affronter les meilleures.
S. : Le Burkina se retrouvera dans le second chapeau. Doit-on craindre pour cela ?
C.K : Des craintes ? Pourquoi ? Aujourd'hui, le football ce n'est plus le nom. C'est surtout les actes que l'on pose sur le terrain. Si nous parvenons à inscrire trois ou quatre buts à domicile sans en prendre, quelle que soit l'équipe en face, à l'extérieur nous ne sombrerons pas. Il faut surtout assurer à domicile, car à l'extérieur, nous allons toujours attaquer pour imposer notre jeu. Si nous demeurons confiants et que nous sommes dans notre bon jour, on se qualifiera pour la Coupe du monde. Jouer à l'extérieur ou à domicile, ne changera pas la donne. Surtout qu'on pourra récupérer des absents comme Alain Traoré, Aristide Bancé et aussi Paul Koulibaly qui reviendra de suspension. Ils apporteront certainement le plus qui nous manque. De toutes les façons, ils ont été bien remplacés et quand ils reviendront, ce sera bien pour le groupe et on sera davantage motivé.
S. : Quand le tirage sera fait, il restera un mois avant d'affronter votre futur adversaire. Comme allez-vous meubler cette période ?
Nous serons sereins et nous allons travailler tous ensemble. Si le match aller se disputera au Burkina, nous allons assurer et marquer au moins deux ou trois buts pour commencer à assurer les arrières. Surtout ne pas paniquer, ne pas instiller le doute dans les têtes après une contre performance. J'ai vécu beaucoup d'évènements dans le football et j'ai acquis de l'expérience. Souvent on peut perdre à domicile et aller gagner à l'extérieur pour se qualifier. Qui aurait cru qu'on allait pouvoir s'en sortir et disputer les barrages aujourd'hui ? Certainement personne. Mais nous, on y croit et on est confiant.
Entretien réalisé par
Béranger ILBOUDO