Motif de cette interpellation selon le capitaine Jean Bosco Sawadogo : « Un individu est passé à la SR pour porter plainte contre des jeunes qui consommeraient de la drogue du côté de Marcoussi, et sa fille serait avec ces jeunes et se livrerait aussi à la consommation de la drogue. Mieux, il a ajouté que la fille a quitté le domicile familial depuis 48 heures et a demandé que la SR fasse tout pour délivrer sa fille de ces jeunes ». Cette interpellation qui a mal tourné, crée actuellement une polémique entre les jeunes du quartier et la gendarmerie, sur les circonstances réelles de la mort d'un des interpellés, Moumouni Zongo. Si pour ces jeunes, la gendarmerie est pour quelque chose dans la mort de Moumouni Zongo, le capitaine Jean Bosco Sawadogo est formel : les quatre gendarmes partis pour arrêter la bande n'a pas porté la main sur Moumouni Zongo sur les lieux de l'arrestation encore moins dans les locaux de la gendarmerie. Au contraire, il affirme que ses éléments ont sauvé ce dernier d'une mort certaine car, dit-il, un individu armé d'un marteau voulait assommer Moumouni Zongo lors de la course- poursuite entre le gendarme et ce dernier. Le parquet, saisi de l'affaire, a ordonné une autopsie en présence d'un médecin de la famille. Dans l'attente de la levée du corps à la morgue de l'hôpital Yalgado Ouédraogo et de l'enterrement au cimetière de Kamboinsin, les jeunes du quartier sont sortis le 18 août 2013 pour réclamer vérité et justice sur la mort de leur camarade. Afin de prendre l'opinion publique à témoin, ils ont barré la Nationale n°2 (Ouagadougou – Ouahigouya) toute la matinée.
A la sortie de Kilwin, sur la Nationale n°2 (route Ouagadougou – Ouahigouya), il était très difficile de se frayer un passage en cette matinée du dimanche 18 août 2013. Et pour cause, des jeunes sont sortis manifester leur mécontentement suite à la mort d'un jeune du quartier du nom de Moumouni Zongo, dans les locaux de la Section de recherche de la gendarmerie de Ouagadougou. Cette colère, selon les manifestants, s'explique par le fait qu'ils veulent connaître les motifs de l'arrestation de leur ami et les circonstances réelles de sa mort dans les locaux de la gendarmerie.
Les faits selon la famille
Mais qu'est ce qui s'est réellement passé ce mercredi « noir » pour la famille Zongo à Kilwin ? Des éléments de réponse avec le cousin du défunt, Aristide Zongo, instituteur à la retraite à Koudougou : « J'ai été saisi le jeudi matin par le coup de fil d'un cousin m'informant que Moumouni Zongo serait mort. Une fois à Ouagadougou, la famille me dit que le corps est à la morgue. J'ai voulu savoir ce qui s'est passé. On me dit que le défunt a fait l'objet d'une arrestation et est décédé à la gendarmerie. Il est mort où ? A la gendarmerie. Il est mort avant d'arriver à la gendarmerie ? On ne sait pas. Il paraît que c'est une opération qui s'est passée entre 14 heures et 15 heures. Donc Moumouni Zongo serait mort avant 15 heures et c'est aux environs de 1 heure du matin que la gendarmerie est venue chercher le père, Kassoum Ouinouga Zongo, pour l'amener à la gendarmerie aux fins d'interrogatoire. Vous vous rendez compte que c'est à la gendarmerie que le père du défunt a appris la mort de son fils ! Nous ne savons pas quelle est la raison exacte de l'arrestation de Moumouni Zongo jusqu'à l'heure où je vous parle. C'est pour cela que les jeunes du quartier ont dit qu'ils bloquent le corps tant qu'on ne nous dira pas le pourquoi. D'abord la mission, quel était l'objet de la mission ? Et de quoi est mort notre frère ? J'ai demandé de procéder à l'enterrement, mais ils ont refusé. Nous avons effectivement entendu parler de cette histoire comme quoi il aurait séquestré une fille. Non, ce n'est pas vrai, la fille sortait plutôt avec l'ami de mon cousin. Moumouni était rentré prendre son matériel pour aller travailler (il devait aller placer un disjoncteur qui se trouverait actuellement avec ses deux acolytes à la gendarmerie). La fille en question a été arrêtée ainsi que son ami et son compagnon de service. Lui (Moumouni) a eu peur et a fui, on l'a poursuivi. D'aucuns disent que c'est la gendarmerie, d'autres que c'est la population. Il semble que, quand le gendarme l'a ramené tout fatigué, Moumouni aurait demandé de l'eau à boire. On ne lui a rien donné. On l'a embarqué et, à la descente à la gendarmerie, il a encore demandé de l'eau. Quand il est descendu du véhicule, il s'est couché à terre et a commencé à trembler. Aristide Zongo dira qu'ils veulent procéder à l'enterrement de leur frère mais les jeunes s'y opposent. Ils veulent une autopsie et se disent déterminés à poursuivre les manifestations jusqu'à ce que les résultats soient connus. »
Il faut noter que la famille a pu voir le corps du défunt à l'hôpital Yalgado et que l'autopsie a été faite le 17 août 2013 en présence d'un médecin de la famille. Aristide Zongo qui était de la délégation, dit n'avoir pas pu voir le corps entier mais seulement le thorax.
Les faits selon la gendarmerie
Nous avons été reçu au groupement départemental de Ouagadougou. Le capitaine Jean Bosco Sawadogo, en compagnie du lieutenant Guy Hervé Yé de la direction de la communication et des relations publiques de la gendarmerie nationale, ont répondu à nos questions. D'entrée de jeu, le capitaine Sawadogo a salué notre démarche qui vise à équilibrer l'information. Il a présenté ses sincères condoléances à la famille et aux proches parents pour cet incident malheureux. Revenant sur les faits ayant conduit à la mort de Moumouni Zongo, le capitaine a déclaré : « un individu est passé à la SR le mardi et le mercredi pour porter plainte contre des jeunes qui consommeraient de la drogue du côté de Marcoussi et sa fille serait avec ces jeunes et se livrerait aussi à la consommation de la drogue. Mieux, il a ajouté que sa fille a quitté le domicile familial depuis 48 heures et a demandé que la SR fasse tout pour délivrer sa fille de ces jeunes. C'est ainsi qu'une opération a été planifiée et quatre gendarmes ont été désignés pour se déporter sur les lieux. A leur arrivée, ils ont trouvé le groupe de jeunes grâce à un indicateur. Malheureusement, le défunt, en les voyant, a pris la poudre d'escampette et un gendarme s'est mis à sa poursuite. Ils ont couru sur une distance de près de 880 mètres. Mais à la vue de la fuite du jeune, la population s'est mise à sa recherche et c'est elle qui a réussi à interpeller le jeune et le ramener là où le véhicule était stationné. Mais quand le jeune a été ramené vers le véhicule, il avait plus ou moins des difficultés à marcher, mais a réussi à embarquer dans le véhicule avec les autres qui ont pu être interpellés. Pendant qu'on le conduisait à la SR, il avait demandé à boire, mais il n'y avait pas d'eau dans le véhicule. Une fois arrivés à la SR, les autres sont descendus et, lui, il éprouvait des difficultés pour descendre du véhicule. Aidé de ses camarades, il est descendu et de l'eau lui a été donnée. Les gendarmes ont, par la suite, été alertés par son souffle qui était plus ou moins difficile. Et c'est là que les sapeurs-pompiers ont été appelés. Ceux-ci sont arrivés et ont essayé de prendre soin de lui en utilisant un masque à oxygène et ont même dû déchirer ses habits mais sans résultat. C'est alors qu'ils ont fait le constat que le jeune était décédé. Le compte-rendu a été fait à la hiérarchie ; l'information a été donnée au procureur et un médecin est venu faire le constat du décès. Le procureur aussi a fait le déplacement par l'intermédiaire de son substitut qui est venu constater de visu s'il n'y avait pas eu de coups ou de sévices qui ont été subis par le défunt. Le jeudi 15 août 2013, nous avons convié la famille pour lui expliquer comment les choses se sont passées. Elle a pu entendre les gendarmes qui ont été sur les lieux de l'arrestation et les personnes qui ont été interpellées. Parce qu'on n'avait rien à cacher, nous leur avons dit que les éléments que nous leur avons communiqués relèvent normalement du secret d'enquête. Mais étant donné que nous n'avons rien à cacher, nous avons voulu que tous les protagonistes de l'affaire soient entendus et de vive voix. Il ne faut pas que cela soit par personne interposée (...). Si nous avions commis une quelconque faute, nous allions le reconnaître et l'assumer. L'autopsie a été faite hier soir et la famille est venue avec son médecin. Il faut savoir que l'autopsie a été faite à la demande du parquet (...). Je voudrais profiter de votre micro pour dire qu'aucun coup, en tout cas pas de notre côté, n'a été porté sur Moumouni Zongo. Je suis affirmatif sur ce point. Les éléments que nous avons en notre possession disent qu'aucun gendarme n'a porté la main sur le regretté. Il est venu, il éprouvait des douleurs et il avait des difficultés pour se lever. On l'a aidé. Il a demandé de l'eau, on lui en a donné mais pas en grande quantité parce qu'il avait le souffle difficile. Peut-être que cela pouvait précipiter sa mort. Aucun coup, ni sévices corporels n'ont été exercés par la gendarmerie sur le défunt Moumouni Zongo. Nous allons attendre de voir ce que l'autopsie va révéler. Aucun gendarme n'a porté la main sur lui, que ce soit au cours de l'interpellation ou au niveau de la SR ». Le lieutenant Yé poursuit que, sans l'intervention de la gendarmerie, la population allait le lyncher. « Il courait dans le non–loti, les gens l'ont assimilé à un voleur et c'est ainsi que la population a aidé la gendarmerie à le retrouver. Le gendarme a même intercepté quelqu'un qui voulait le taper avec un marteau ( ...). »
Ambèternifa Crépin SOMDA