Il y a de cela quelques jours, dans une nuit du mois d’août 2015, une grosse Mercedes aux vitres teintées fait ouvrir le grand portail et lève les barrières de la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso. Avec un mandat de mise en liberté, les occupants font sortir de prison Ahmed Malick Sanou dit "Gabon". C’est la fin scandaleuse de la condamnation d’un "bandit de grands chemins" qui a traumatisé des familles, tant à Bobo-Dioulasso, à Ouagadougou, à Abidjan que dans bien d’autres localités du Burkina.
"Ahmed, pendant qu’il était en prison, a promis que dès qu’il ressortira, tous ceux qui ont travaillé à le condamner auront affaire à lui. Il a dit clairement qu’il nous aura. Aujourd’hui, nous sommes en insécurité, comme tout le monde d’ailleurs, parce que nous avons fait notre travail pour sécuriser les populations ", nous a confié l’un de ceux qui ont mené l’enquête jusqu’au bout. " Aujourd’hui, quand je rentre à la maison, je regarde ma femme et mes enfants puis je dis : vous, vous ne savez rien... ", raconte la même source, très découragée. " Ensuite, je ne sais plus comment on peut travailler dans des conditions de ce genre ! Finalement, je me dis, est-ce qu’il n’est pas mieux de s’occuper désormais des siens que de risquer sa vie pour rien ? ", s’interroge un autre, tout aussi découragé.
Les faits
Ahmed Malick Sanou dit Gabon, qui se dit grand footballeur international, est le cerveau du gang qui a attaqué et dépouillé les clients du restaurant " la Goutte d’or " en fin d’année 2013 à Bobo-Dioulasso. Beaucoup d’objets dont des téléphones portables et des numéraires avaient été emportés. C’est à bord du véhicule d’un maire d’arrondissement, qui faisait partie des victimes, qu’avec ses éléments, ils se sont enfuis avant de l’abandonner dans un secteur de Bobo.
Ahmed Malick Sanou, c’est aussi le cerveau du gang qui a attaqué et dépouillé en pleine journée la famille Traoré à Yéguéré. Ahmed Malick Sanou, c’est encore le cerveau de nombreuses autres attaques de boutiques, de domiciles à Ouagadougou. Mais, c’est à partir de la Goutte d’or que les enquêteurs ont pu remonter le réseau jusqu’à lui. Certains des éléments qui opéraient avec lui venaient de Côte d’Ivoire pour les besoins de la cause. Comme quoi, c’est un véritable réseau bien pensé qui possédait des armes à Bobo, mais sans doute également, dans les localités où ils opéraient.
A Bobo-Dioulasso, les gendarmes chargés de l’enquête ont découvert chez lui, dans un trou creusé derrière la concession une kalachnikov avec crosse escamotable dont seuls les " Citapiens " pouvaient bénéficier (appellation donnée à ceux qui intègrent le Centre d’instruction des troupes aéroportées), un pistolet de fabrication artisanale, deux grenades, une bonbonne de gaz lacrymogène, deux chargeurs de kalachnikov, 54 minutions de 7,2 mm, un pistolet automatique et un autre, de marque italienne...
"Quand Ahmed Malick Sanou a été arrêté, nous a confié une autre source, les interventions pour demander sa libération ont été telles qu’il nous a fallu beaucoup de courage pour tenir jusqu’au bout ". Il nous est effectivement revenu que même des membres du gouvernement, en son temps, ont fait le déplacement de la brigade où il était gardé à vue, pour demander son élargissement. Des hauts gradés de l’armée sont intervenus. Peut-on comprendre que c’est cette suite logique qui a permis aujourd’hui à Ahmed de recouvrer la liberté avant terme ? En tout cas, si ce n’est pas le cas, ça y ressemble. Le seul appel qu’il aurait interjecté suffissait-il à le remettre en liberté et ce d’autant plus qu’il est notoirement dangereux ?
La décision de la gendarmerie
Voici un dossier dont la justice dans son ensemble doit se saisir très rapidement et " montrer patte blanche ". Son image est encore en jeu. Car, les états-généraux sur elle, tenus il y a juste quelque temps et qui ont englouti des millions de F CFA doivent servir à quelque chose. Le serment que ses acteurs prêtent, doit servir à quelque chose. Sinon, on peut donc comprendre pourquoi, quand il y a des manifestations on s’en prend aux édifices de la justice.
En attendant et pour sa part, indique une source, la hiérarchie de la gendarmerie a donné ordre à toute force de sécurité sur le territoire national qui l’apercevrait, d’arrêter Ahmed Malick Sanou dit " Gabon " et de le reconduire directement en prison. Comme quoi, les uns ne peuvent pas risquer leurs vies en arrêtant les bandits pendant que les autres font le contraire en les remettant sur le terrain. " C’est peut-être ça qui nous soulage, sinon, franchement nous avons le moral aux talons ", a conclu un enquêteur.
Affaire à suivre...
Séri Aymard Bognini