A l’heure où les menaces sécuritaires préoccupent les gouvernants et les populations, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) pose le débat de la participation citoyenne à la politique de sécurité au Burkina Faso. L’organisation a réuni, le jeudi 26 janvier 2017 à Ouagadougou, plusieurs acteurs autour de cette thématique à laquelle elle est attachée, à en croire son directeur exécutif, Dr Rayédé Thomas Ouédraogo. Eléments des Forces de défense et de sécurité (FDS), responsables de la société civile et de partis politiques, cadres des administrations publiques et privées et partenaires techniques et financiers, ont suivi deux communications, avant de palabrer. Le premier exposé, bâti sur le thème « La participation citoyenne à la politique de sécurité : enjeux et défis », a été présenté par l’agrégé en droit, le Pr Augustin Loada. Le second, relatif aux « réalités actuelles et aux stratégies de mobilisation de la police de proximité », a été livré par le commissaire divisionnaire de police, Roger Ouédraogo. Pour sa part, le Pr Loada a fait observer aux participants à la conférence, qu’historiquement, la participation citoyenne à la politique sécuritaire était impensable pour deux raisons. A savoir, le monopole de l’Etat en matière de violence physique et les croyances faisant de la sécurité, une affaire de professionnels. Fort heureusement, a-t-il relevé, la tendance s’est améliorée, en atteste le fait que la participation citoyenne en matière de lutte contre l’insécurité est recherchée de nos jours, vu les défis, aussi bien au Burkina Faso que sous d’autres cieux. « C’est devenu une question- clé dans la mise en œuvre des politiques publiques en matière de sécurité. La sécurité n’est plus une prérogative de l’Etat central », a souligné le premier communicateur. Cette ouverture aux citoyens, à l’entendre, se manifeste par une délégation des compétences aux acteurs non étatiques, telles que les organisations traditionnelles (Dozo) et des groupes d’autodéfense (Kogl-wéogo). Il n’a toutefois pas passé sous silence les abus notés dans cette participation citoyenne, dont se rendent coupables certains Kogl-wéogo. Toute chose, qui a conduit l’Etat à prendre des mesures visant, entre autres, le respect de la règlementation en matière de port d’armes, la dénonciation des infractions aux autorités compétentes, les FDS surtout, et la non- perception des taxes contre le gré des éventuels fautifs.
De la question des Kogl-wéogo
Malgré ces égarements, la participation citoyenne, foi du Pr Loada, est nécessaire dans la lutte contre l’insécurité. « C’est la responsabilité de tous les citoyens de jouer un rôle en la matière », a-t-il dit. Le commissaire Roger Ouédraogo, lui, a remonté brièvement le cours de l’histoire de la police de proximité, instituée depuis 2005, et qui se veut un outil servant à assurer la participation citoyenne à la politique sécuritaire au Burkina.
Un dispositif opérationnel, reposant sur les Comités locaux de sécurité (CLS) et les Initiatives locales de sécurité (ILS), avait été mis en place pour faciliter la mise en œuvre de la police de proximité. Mais ce dispositif, a fait remarquer M. Ouédraogo, n’a pas eu le succès escompté, eu égard aux manque de moyens financiers et aux dérapages des groupes d’autodéfense, les Kogl-wéogo, qui existaient déjà, sous une forme moins belliqueuse. Cette situation, a-t-il signifié, a contraint les autorités à élaborer un nouveau dispositif opérationnel, plus encadré, basé sur les Structures communautaires locales de sécurité (SCLS) et les Coordinations communales de sécurité (CCS). Les SCLS constituent des interfaces avec les FDS et jouent un rôle de veille sécuritaire, toujours avec l’esprit de collaboration. Elles ne doivent pas détenir illégalement des armes, porter des tenues assimilables à celles des forces loyales ou se livrer à des séquestrions et à des jugements de personnes. Ce sont autant de dispositions qui n’ont pas toujours été respectées, à écouter le communicateur. « Il y a des Kogl-wéogo qui coopèrent avec l’Etat, mais il y en a aussi qui persistent dans les abus, en se substituant aux FDS », a soutenu le commissaire divisionnaire de police.
Des échanges nourris ont suivi les deux communications. Certains participants ont regretté la rupture de confiance entre les populations et les FDS, due aux abus d’autorité de certains hommes de tenue et à la corruption qui mine leur milieu. Aussi ont-ils invité l’Etat à lutter contre la corruption dans les rangs de ceux-ci. D’autres ont souhaité que le gouvernement sévisse réellement contre les Kogl-wéogo récalcitrants, ce qui serait gage de restauration de l’autorité de l’Etat. Des personnalités ont pris part à la conférence publique, organisée avec l’appui du Fonds canadien d’initiatives locales. Sont de celles-ci, le maire de Ouagadougou, Armand Béouindé et l’ambassadeur du Canada au Burkina Faso, Vincent Le Pape. Tous deux ont salué l’initiative du CGD dans le contexte de menaces sécuritaires au Sahel et partout dans le monde. « De telles initiatives aideront les populations à mieux comprendre le rôle des FDS et le leur dans la lutte contre l’insécurité », a commenté le diplomate, qui a par ailleurs réaffirmé le soutien de son pays au Burkina, dans le combat contre le terrorisme.
Kader Patrick KARANTAO