Un citoyen embrassant la «bouche» d’une mitrailleuse anti-aérienne au cri de «ce sont les armes du peuple». C’est l’une des images fortes de la cérémonie dudit désarmement à la Place de la révolution où un échantillon de cinq catégories d’armes retirées dans l’arsenal de l’ex-RSP. Diverses catégories d’engins de mort étaient exposées à la curiosité des officiels et du public : des armes de pointe aux roquettes anti-char, anti-aériennes en passant par «les Kalash» de tireurs d’élite et les véhicules pick-up de transport. C’est le résultat du travail de la commission technique mise en place, le 24 septembre, suite au coup d’Etat avec pour mission, de procéder au désarmement du RSP. Pour la première fois, le président de la commission technique, le colonel Salif Tingueri, a retracé les péripéties qui ont émaillé le processus de démilitarisation de l’ex-garde prétorienne de l’ancien président Blaise Compaoré. Il a d’abord, rappelé que c’est lors du sommet extraordinaire de la CEDEAO à Abudja, le 22 septembre dernier, que des chefs d’Etat de la sous-région ont pris la décision du désarmement et celle de le faire suivre par les autorités militaires du Bénin, du Niger, du Nigéria, du Togo et du Sénégal. C’est dans cette optique, a relaté le colonel, que les Forces armées nationales et l’ex-RSP se sont accordés, le 23 septembre, sur une durée de 72 heures, pour faire le point du matériel détenu par l’ex-RSP. Concrètement, le RSP devrait remettre à la commission technique la liste du matériel, ensuite, suivront une reconnaissance des lieux, l’inspection du matériel et son enlèvement, le 25 septembre, la sécurité de l’opération étant confiée au RSP. Mais, tout ne s’est pas déroulé comme prévu, a déploré le colonel Tinguéri citant des incidents, des menaces, agressions physiques sur le personnel de la commission technique jusqu’au paroxysme, à savoir l’interruption du processus, le 27 septembre.
La décision a donc été prise de prendre par la force, les positions du RSP, les armes, les munitions et de procéder à l’affectation des effectifs dans les autres unités des Forces armées nationales. Ce qui a été fait et le dernier acte du processus est la cérémonie de fin du désarmement, tenant lieu de compte-rendu aux autorités militaires de la sous-région, mandatées par la CEDEAO pour superviser le processus de désarmement et la présentation des armes qui, désormais, font partie du patrimoine des Forces armées burkinabè. Représentant le chef de l’Etat à la cérémonie, le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, n’a pas eu de mots assez durs contre ses ex-compagnons du RSP et tout particulièrement, à l’endroit «du tristement célèbre Gilbert Diendéré». «Depuis sa création, le RSP a été utilisé par le régime de Blaise Compaoré pour freiner les aspirations légitimes du peuple burkinabè à une vie démocratique réelle», admet aujourd’hui, l’ex-chef de corps de ce régiment. Selon Yacouba Isaac Zida, le coup d’Etat du 17 septembre dernier n’est que le couronnement d’un plan savamment préparé par le général Gilbert Diendéré pour mettre fin à la transition et installer un régime de terreur (14 morts et 251 blessés, en si peu de temps). Le Premier ministre a tenu à féliciter les Burkinabè qui, avec le soutien de la communauté, ont opposé «une résistance farouche qui a vite fait comprendre aux putschistes que leur entreprise était vouée à l’échec». Il a singulièrement, salué le patriotisme et la bravoure des soldats et la stratégie militaire qui ont permis de triompher, sans faire de victimes. Le chef du gouvernement a enfin, exprimé la gratitude des Burkinabè à la communauté internationale, à l’Union africaine et à la CEDEAO, qui n’ont pas transigé avec les putschistes. A l’étape actuelle du processus, «la grande majorité» des militaires du RSP ont rejoint leur unité d’affectation dans d’autres garnisons. A propos de la commission d’enquête mise en place, à la suite du coup de force, le Premier ministre a précisé que ceux qui ont planifié et exécuté ce coup d’Etat répondront de leurs actes devant la justice.
Karim TAGNAN