Débat national sur les Koglweogo : Comment les groupes d’autodéfense vont s’auto-dissoudre ?

| 09.03.2016
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Débat national sur les Koglweogo : Comment les groupes d’autodéfense vont s’auto-dissoudre ?
© DR / Autre Presse
Débat national sur les Koglweogo : Comment les groupes d’autodéfense vont s’auto-dissoudre ?
Dans ce texte qu’il a fait parvenir à notre Rédaction, Issaka Kiendrébéogo, gendarme à la retraite, apporte sa contribution au débat national sur les Koglweogo. Selon lui, ces groupes d’autodéfense doivent s’auto-dissoudre. La recette : les officialiser et les encadrer, en attendant que gendarmes et policiers disposent d’une organisation et de moyens suffisants pour assurer la sécurité de l’ensemble du territoire.


Pour que les comités d’autodéfense cessent d’exister, il faut reprendre les meilleures méthodes et pratiques de terrain et réveiller certains réflexes.

Je les cite :

1) Créer dans chaque département et commune du Burkina Faso, une brigade de gendarmerie ou un commissariat de police.

L’Etat n’ayant pas suffisamment de moyens, il faut éviter les doublons, c’est-à-dire une brigade et un commissariat à la fois dans la même localité ; cela pour éviter la dispersion des forces, là où il y a une brigade pas de commissariat et vice-versa.

2) Recruter au maximum les personnels de sécurité ; soit 12 gendarmes ou policiers dans chaque brigade ou commissariat afin de baisser le ratio agents sécurité et population qui est actuellement de 1 pour 1 000.

3) Doter chaque brigade ou commissariat d’au moins quatre (4) motos et un (1) véhicule toujours en bon état de fonctionnement pour maximiser le service.

4) Doter mensuellement du carburant suffisant et sans interruption pour garantir un service permanent des agents de sécurité.

5) Remise à jour et usage des anciens outils de travail qui sont des documents essentiels pour assurer efficacement le service dans les brigades ou commissariats. Je précise que, de nos jours, nombreux sont les agents qui n’ont jamais vu ni utilisé ces genres de documents mis à la disposition du service, car ils n’existent même plus : ce sont :

Le registre de surveillance :

Il est la carte d’identité d’une zone donnée (la compétence territoriale d’une brigade ou d’un commissariat) ; il contient les données sur les populations et ethnies vivant dans ladite zone (les résidents et les non-résidents, les nouveaux résidents, le cheptel, la faune, les voies et communications, les points dangereux, etc.).

Dans ce document, la zone est divisée en secteur et sous-secteur de surveillance.

Chaque secteur ou sous-secteur doit recevoir des visites périodiques des agents de sécurité deux (2) ou trois (3) fois par mois, de jour comme de nuit ; à l’occasion, les agents rencontrent les autorités locales, les chefs coutumiers, les personnes-ressources et les agents de renseignements pour recueillir des informations sur la criminalité.

Le cahier mensuel de service :

L’ensemble du travail et les activités menées au cours du mois y sont consignés, que ce soient des services internes ou externes. Ce cahier est destiné et envoyé chaque mois au chef hiérarchique dont relève chaque brigade. Ce document permet à l’autorité militaire de suivre et de contrôler sur papier les activités des brigades sous son commandement. Avant de le renvoyer à la brigade, cette autorité peut porter ses observations là-dessus (exemple : si un secteur n’a pas été visité au cours du mois) ; son contrôle peut s’exercer sur le terrain par des visites inopinées ou par des inspections annoncées.

Le bulletin journalier de service :

C’est un document sur lequel le commandant de brigade donne des instructions et des ordres écrits chaque jour à ses éléments en partance pour un service externe (visites de secteurs et sous-secteurs, patrouilles, etc) ; au retour de missions les agents (binôme) renseignent le bulletin sur les trajets empruntés, les difficultés rencontrées, les informations recueillies sur la délinquance. Ce sont ces bulletins journaliers de service qui constituent l’ossature du cahier mensuel de service.

Le constat que l’on peut faire, c’est que dans les sous-unités, les services internes sont assurés (propreté des locaux, réception des plaintes et dénonciations, enquêtes sur place, etc.) et les services externes ne le sont pas ; ce ne sont que des cas ponctuels d’excursion des agents pour des constats d’usage des cas de cambriolage ou des accidents de la route.

Conséquences : les zones ne sont pas suffisamment et régulièrement explorées.

Le fichier de surveillance :

Comme son nom l’indique, c’est une boîte qui contient des fiches portant des renseignements sur des personnes recherchées (avis de recherches), les individus suspects, les insoumis, les repris de justice, les récidivistes, les avis de condamnations, etc.

Cette boîte doit toujours être renseignée et régulièrement mise à jour ; ce qui n’est pas le cas actuellement dans les sous-unités.

De nos jours, tous ces outils de travail doivent être renforcés et appuyés par les techniques d’informations et de communications (T.I.C.) (nouvelles technologies) ; les échanges d’informations entre les différents services de sécurité doivent être instinctifs et permanents.

C’est l’abandon de ces pratiques énoncées qui ont amené la création de la police de proximité pour combler ce vide. Malheureusement, les comités locaux de surveillance ne sont que de nom ; ils ne sont pas fonctionnels ni opérationnels et sont d’ailleurs budgétivores.

Conséquences : l’incapacité de l’Etat à assurer la sécurité des personnes et des biens a provoqué la naissance des comités d’autodéfense (Koglweogo) ; alors que si le territoire national était couvert par un maillage en brigades et commissariats ; si ces sous unités étaient opérationnelles avec de bonnes pratiques professionnelles citées ci-dessus, disons que l’autodissolution des koglweogo serait programmée par manque de matières premières (les délinquants de tous acabits).

Mais, en attendant que l’Etat ait les moyens de sa politique de sécurité pour la protection des personnes et des biens , au lieu de supprimer les koglweogo, il faudrait les officialiser et les encadrer (cela d’ailleurs serait moins coûteux) ; aussi, chaque brigade et commissariat doit coopérer étroitement avec les koglweogo de sa zone de compétence et par conséquent les encadrer, les recenser, les aider à obtenir des permis de port d’armes de traite, avec des taxes annuelles sur les armes (exemple : 500 ou 1 000 F par arme) ; en fait, régulariser leur situation, car ces associations viennent en appui aux services étatiques de sécurité dans la lutte contre l’insécurité ; donc c’est un mal nécessaire ; pour ce faire, il faut même étendre leurs activités dans les villes et sur les grandes voies de communications.

Ainsi, il y aura des koglsore c’est-à-dire la surveillance des axes routiers sur lesquels les usagers sont chaque jour objets d’attaques à main armée ; également des koglyaare en ville pour la surveillance des marchés et yaars ainsi que des zones criminogènes des quartiers périphériques.

Il serait nécessaire d’assigner aux koglweogo d’autres missions dans le cadre de la protection de l’environnement, à savoir les trois luttes :

- Lutte contre la coupe abusive du bois ;- lutte contre la divagation des animaux ;- lutte contre les feux de brousse.

Il faut y ajouter la surveillance des forêts classées et ranchs. Cependant, il faut leur ôter les cas de sévices corporels et autres abus de pouvoir.

En tout état de cause, il faut établir une confiance mutuelle entre les services de sécurité et les populations qui doivent travailler en tandem pour une synergie d’action et ce, en vue de faire reculer, à défaut d’éradiquer le banditisme.

Un gendarme à la retraite
Kiendrébéogo Issaka

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