Zoodomail.com : Qu'est ce qui sous-tend le changement de tenue de la police municipale ?
Commandant Clément Ouongo : La police municipale a été créé en 1995 par l'Etat et l'urgence dans laquelle les autorités municipales se trouvaient n'a pas permis de prendre tous les textes pour régir ce corps notamment les textes sur les tenues, les galons et les équipements. Depuis donc 1995, les tenues des policiers municipaux n'étaient pas des tenues réglementaires dans la mesure où aucun texte ne donnait des indications sur comment le policier municipal devrait s'habiller. Il fallait donc prendre un texte pour régir les tenues, les galons et les équipements des policiers municipaux pour qu'on ne continue plus dans l'illégalité. En élaborant ce texte, il était bon aussi qu'on puisse permettre aux populations de reconnaitre un policier municipal à la vue de sa tenue. En ayant une tenue particulière, cela permet à la population de savoir tel acte a été posé par tel service parce que la tenue que la personne portait était ainsi. Nous avons voulu créer une image propre à la police municipale en définissant une tenue qui est propre aux policiers municipaux du Burkina Faso. L'autre aspect c'est que les petites polices municipales avaient des difficultés pour s'équiper notamment les galons, les insignes de poche et les macarons de bras. Les polices municipales qui n'ont que cinq agents ont des difficultés pour commander des macarons dans une usine. Une usine ne peut pas accepter fabriquer cinq ou dix macarons. Ce qui fait que dans le temps, chaque commune essayait de fabriquer elle-même ses macarons dans la mesure oû c'était le désordre. Nous avons voulu donc que toutes les polices municipales portent les mêmes tenues. Maintenant la seule façon d'identifier que tel policier municipal relève de telle commune ou pas, c'est l'écusson de bras revêtit des armoiries de chaque commune. C'est cela qui permet de distinguer le policier municipal de Ouagadougou à celui de Bobo. Pour les commandes, c'est beaucoup plus simple parce que nous portons les mêmes insignes. Le policier municipal de Diapaga peut avoir ses galons, ses macarons de coiffe parce que c'est identique pour tout le monde. Maintenant il appartient à chaque maire de faire son écusson de bras parce que cela peut se faire facilement car on a des ateliers au Burkina qui peuvent le faire.
Est-ce que ce changement de tenue rime avec de nouvelles méthodes de travail dans la commune de Ouagadougou ?
Avant même l'avènement de la nouvelle tenue, nous avons déjà entrepris des changements dans les méthodes de travail. Depuis 2010, nous avons entrepris de grands changements en faisant en sorte que le policier soit beaucoup plus communicatif, qu'il puisse aller vers le citoyen pour lui expliquer la réglementation plutôt que de réprimer systématiquement. De par le passé, on reprochait au policier municipal de ne pas beaucoup communiqué et d'être beaucoup plus répressif notamment en matière de circulation routière. Depuis 2010, nous avons mis en place des équipes qui organisent des sensibilisations grand public qui vont dans des espaces publics pour communiquer sur les missions de la population municipale, sur la réglementation municipale, la salubrité, les nuisances sonores, la divagation des animaux et la circulation routière avec le cas des enfants qui n'ont pas fait un seul jour le code de la route alors que leurs parents acquièrent de grosses motos pour aller à l'école. Nous faisons ces sensibilisations pour que les parents soient suffisamment responsables parce que si dans les accidents, la jeunesse est impliquée à 60% il faut situer les responsabilités. Sur ce point, nous pensons que les parents y contribuent énormément. Depuis donc 2010, nous avons changé de façon de faire et nous continuons à améliorer cette façon de faire parce qu'il faut travailler à faire de la police municipale une police citoyenne. Notre façon de faire ici à la police municipale de Ouagadougou doit être dupliquée au niveau des autres polices municipales du Burkina Faso parce que si la police municipale de Fada a des mauvaises pratiques cela déteint sur les autres polices municipales. Nous devons donc travailler à ce que chacun adopte de bonnes pratiques et de bonnes méthodes de travail d'où la création au niveau du ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation d'une direction de la coordination des polices municipales. Cette direction de la coordination des polices municipales du Burkina a pouvoir de recenser les problèmes de toute les polices municipales afin de pouvoir accompagner les maires dans la gestion des polices municipales mais pas de gérer les celles-ci à la place des maires parce les polices municipales sont rattachées aux communes. Nous ne pouvons donc nous substituer aux autorités municipales. Nous ne pouvons que les accompagner afin d'aider les maires à faire en sorte que les polices municipales soient des polices citoyennes.
A ce titre justement, qu'est-ce que vous avez fait en tant que coordonnateur des polices municipales du Burkina Faso ?
Nous avons travaillé à vulgariser les textes sur les polices municipales auprès de tous les maires du Burkina Faso. Nous avons travaillé avec toutes les communes du Burkina même celles qui n'ont pas de police municipale parce qu'il y a des maires qui veulent créer des polices municipales au niveau de leur commune. Ces derniers ont besoin donc d'être sensibilisé sur les tenants et les aboutissants d'une police municipale. Nul ne sert de mettre en place une police municipale dans sa commune quand on n'est pas en mesure d'en assurer les charges. Si votre budget n'est pas conséquent pour supporter une police municipale, il ne faut pas s'aventurer à mettre en place une police municipale. Nous avons aussi pu apporter notre appui à la résolution de certains problèmes au niveau de certaines communes. Gérer une police municipale n'est pas chose aisée. Il y a parfois des problèmes entre des maires et des responsables de polices municipales et nous travaillons à faire en sorte que les deux entités aient une même façon de voir. Il y a certains maires qui ne connaissent pas leur pouvoir de police en tant que maire et ils ne sont pas sensibilisés par rapport à leur pouvoir de police. Il faut travailler à leur faire comprendre leur pouvoir de police, leur rôle dans la gestion de la cité pour leur permettre de mieux utiliser leur police municipale parce que les polices municipales sont là pour accompagner le maire dans sa politique de sécurité qu'il a élaboré pour sa commune. Si le maire ne sait pas qu'il doit élaborer une politique de sécurité pour sa commune cela pose problème. Nous nous sommes là pour accompagner le maire par rapport à toutes ces difficultés. Au moment où on nous remettait les charges au niveau de l'Etat il faut dire que nous n'avons pas eu beaucoup de chance parce que les budgets étaient déjà bouclés. Notre programme d'activité n'a donc pas eu un financement. Nous planchons beaucoup pour l'année 2015 et il faut que les policiers municipaux puissent bénéficier de formation continue. Les maires ont des budgets limités et n'arrivent pas à organiser des formations continues au profit des policiers municipaux. Nous pensons donc que l'Etat doit apporter un appui aux maires pour assurer des formations continues pour éviter la routine parce qu'un policier qui reste dans la routine devient un policier médiocre. A propos des méthodes de travail, nous devrions faire en sorte que toutes les polices municipales soient des polices citoyennes qui travaillent avec les populations et pour les populations. L'autre aspect est que les budgets des communes ne sont pas des budgets suffisamment étoffés pour pouvoir faire en sorte que les polices municipales aient des capacités opérationnelles élevées. Au niveau de l'Etat, l'objectif c'est de travailler pour acquérir des équipements à mettre à la disposition des maires pour les polices municipales parce que les budgets communaux sont limités. Si les polices municipales sont efficaces dans leurs localités mieux nos sociétés vont se porter. Cela va réduire le travail des services de sécurité de l'Etat à savoir la police nationale et de la gendarmerie parce que si la police municipale fait correctement son travail sur tout ce qui est salubrité, nuisance sonore, circulation routière. Cela permet aux autres forces de s'occuper d'autres choses pour les populations parce que nous travaillons tous pour les mêmes populations.
Qu'est-ce que cela fait de commander un corps qui est perçu par les Burkinabè comme étant le service le plus corrompu ?
J'avoue que c'est une image qui fait mal qui fait extrêmement mal dans la mesure où on ne peut pas dire qu'il y a une police municipale au Burkina mais il y a des polices municipales. Les efforts ne sont pas fournis de la même façon partout. Au niveau de la ville de Ouagadougou, nous avons mis en place des mécanismes pour bien suivre nos agents. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de corruption dans les rangs mais nous avons mis en place les mécanismes pour suivre les agents à travers la mise en place des lignes qui permettent aux citoyens de nous saisir à travers des communications, avec les émissions interactives et ça nous permet de nous corriger. Dans les autres villes ces mécanismes n'existent pas. Nous nous avons des conseils de discipline au niveau de la police municipale et chaque trimestre il y a des dossiers qui sont traités. Il y a des policiers qui sont tout temps sanctionnés et nous avons des cellules pour enfermer des policiers. Nous avons donc tout un mécanisme ici que les autres polices municipales ne disposent pas. Par conséquent quand on publie un rapport dans lequel la police municipale est placée parmi les services les plus corrompus ça fait mal parce qu'il n'y a pas la police municipale, il y a les polices municipales. Il n'y a pas un service comme chez les autres corps qui coiffe tout. Chaque police municipale est rattachée à son maire. La direction de la coordination des polices municipales est chargée d'accompagner les maires. Nous ne nous mettons pas à la place des maires pour gérer. S'il y a un problème dans une police municipale nous passons par le maire. Nous ne pouvons pas donner des instructions. C'est ce qui fait la particularité au niveau des polices municipales. Voilà pourquoi je dis que ce rapport fait mal parce qu'il n'ya pas la police municipale il y a les polices municipales et les efforts en matière de lutte contre la corruption ne sont pas soutenus de la même manière partout. Nous pensons qu'il faut faire en sorte que les efforts soient les mêmes dans toutes les polices municipales afin que cette image du policier municipal corrompu soit gommé au niveau de la population. Nous apprécions le travail du Réseau national de lutte anticorruption (REN LAC) mais ce travail a des insuffisances parce que le problème n'est pas seulement d'indexer les services publics par rapport à la corruption mais il y a également la population qu'il faut indexer. Même si vous êtes un travailleur intègre et meilleur si on vous met dans un milieu corrompu il faut savoir qu'à la longue vous serez corrompu.
Souvent comme cause explicative de la corruption, l'on avance le faible niveau de vie des policiers, est ce que le problème ne se trouve pas à ce niveau ?
Non ce n'est pas une raison ! Le niveau de motivation au niveau du service ne peut pas expliquer la corruption. Si vous n'avez pas une moralité conséquente vous aller rester dans la corruption. Nous avons nos braves paysans au village qui n'ont pas de niveau de vie élevé mais qui ne versent pas dans la corruption. Tout est question de moralité et d'éducation. Mieux, depuis le 1er janvier 2014, le niveau de motivation de tous les policiers du Burkina a complètement changé. Aujourd'hui un policier municipal ne peut pas dire qu'il est mal payé. Les policiers municipaux doivent être considéré comme faisant partie des fonctionnaires les mieux payé au Burkina. Je dis au Burkina car je pèse bien mes mots. Je ne dis pas que nous sommes les premiers mais nous faisons partie des premiers parce qu'un agent de police qui est recruté avec le certificat d'études primaires (CEP) à sa sortie de l'école de formation perçoit un salaire de 120 000 francs CFA. Quand je commençais après l'école nationale de la police avec ma maitrise et deux ans de formation je n'avais pas 100 000 francs CFA. Aujourd'hui, la situation a changé. L'agent de police perçoit mieux qu'un policier municipal officier qui sortait avec sa maitrise. C'est pratiquement du simple au double. On ne peut donc pas justifier la corruption par le niveau de vie. Si ça perdure c'est un problème de moralité.
Vos rapports de collaborations sont-ils toujours parfois houleux et marqués par des couacs avec les autres forces paramilitaires et militaires dans vos missions de réglementation de la circulation routière ?
Nous n'avons jamais eu de couacs. On peut avoir un problème entre un policier municipal et un individu qu'il soit un civil ou un homme de tenue. Mais ce n'est pas parce qu'il appartient à ce corps qu'il se comporte ainsi. C'est sa personne qui est comme cela, ce n'est pas le corps. C'est différent et sur ce point, il y a longtemps qu'on a vécu ces situations malgré qu'on initie beaucoup de contrôles. En tout cas depuis 2010, je n'ai jamais entendu qu'il y a eu des couacs entre un homme de tenue et un policier municipal. Par contre avec les autres citoyens, il y en a toujours. Lorsque vous avez un engin à deux roues et que vous circulez sur la chaussée alors que vous n'avez pas un moteur de 125cm3 c'est-à-dire que vous n'avez pas une grosse moto quand on vous interpelle vous voulez donner des coups de poings et ce ne sont plus les garçons seulement même les femmes. Aujourd'hui par rapport aux autres corps habillés, nous avons des cadres qui permettent aux gens de communier ensemble. Du reste, tous les corps se retrouvent à Bobo ce 18 octobre pour les activités commémoratives des 54 ans des forces armées nationales. On a des rencontres de ce genre au moins trois fois dans l'année ce qui fait qu'il n'y a plus de complexe de supériorité ou de complexe d'infériorité. Au niveau de l'Etat, chacun sait ce qu'il doit faire. Je suis un policier municipal, fier d'être un policier municipal, je sais que je ne dois pas faire de la police judiciaire et je suis fier de ne pas faire de la police judiciaire. Les autres font les deux c'est-à-dire la police administrative et judiciaire et ils sont fiers de le faire. D'autres font la défense nationale. C'est la répartition des tâches. Chacun doit être fier là où il est.
Henri Boly