Des assaillants ont attaqué des endroits très fréquentés de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Cette attaque terroriste sans précédent dans la capitale de ce pays d’Afrique de l’Ouest est une première dans son histoire. C’est aux environs de 19 heures 30 minutes que tout est parti sur l’avenue Kwamé N’Krumah, très fréquentée surtout à la tombée du soleil, une attaque à main armée et une prise d’otage. Situé au beau milieu de l’avenue, très animé de Ouagadougou, le café-restaurant le Caputchino et l’hôtel Splendid, deux établissements très fréquentés par des expatriés sont pris par des hommes armés. Ils mettent en feu les véhicules devant l’hôtel, tirant à bout portant sur les gens au niveau du restaurant avant de prendre en otage ceux qui sont à l’intérieur du bâtiment de 4 étages. Il est 19 heures 30 minutes quand deux véhicules d’immatriculation étrangères sont stationnés devant l’hôtel Splendid. Un témoin oculaire explique : " Les tirs ont attiré mon attention. J’ai vu une fille plus un jeune garçon rasta-man (portant des dreds). C’est la fille qui a tiré sur le café restaurant à plusieurs reprises et ensuite sur les vitres de l’hôtel Splendid. Avant de rentrer dans l’hôtel, ils ont incendié tous les véhicules se trouvant devant l’hôtel. Je suivais la scène à distance ". Quelques temps après, les forces de défense et de sécurité bouclaient la zone pour tenter de libérer les otages. Des habitants très remontés de la ville assistent à la scène. Tristesse et désolation se lisent sur tous les visages. La prise d’otage va durer toute la nuit. Le ministre de la Sécurité intérieure, Simon Compaoré, Sherif Sy, ancien président du Conseil national de la transition, le chef d’Etat-major général des armées, l’ambassadeur de France et bien d’autres personnalités viennent aux nouvelles sur les lieux. Autour de 1 heure 30 minutes, les forces de sécurité et de défense françaises, américaines et burkinabè lancent l’assaut. Peu après les premiers otages sont exfiltrés. Vers 4 heures 45 minutes, des tirs sporadiques sur une longue durée, des otages dont le ministre de la Fonction publique, Clément Sawadogo sont libérés. Mais l’assaut suit son cours et les échanges de tirs continuent jusqu’au petit matin. Les blessés sont évacués dans les hôpitaux.
Des enquêtes sont ouvertes
Il y a très peu d’information sur l’avancée des enquêtes. Le samedi, toute la journée, autour de la zone des attaques dans la capitale, on aperçoit des enquêteurs à pied d’œuvre. Beaucoup de zones d’ombre qui persistent toujours ne serait-ce que le nombre des assaillants. Des 29 personnes décédées, on peut compter 18 nationalités. Le mode opératoire ressemble très fortement à l’attaque de Bamako au Mali, à la fin de l’année dernière. Le couvre-feu déjà en vigueur est ramené de 23 heures à 6 heures du matin sur toute l’entendue du territoire national. Un deuil national de 72 heures, du dimanche 17 au mardi 19 janvier prochain est observé sur toute l’étendue du territoire national à la mémoire des victimes des attaques du 15 janvier dernier.
Conseil des ministres extraordinaire
Le lendemain samedi 16 janvier 2016, après avoir visité les lieux des attaques, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré a par ailleurs convoqué un conseil des ministres extraordinaire. Tous les ministres, le président de l’Assemblée nationale et le chef d’Etat-major général des armées ont prit part. Le conseil a condamné avec la dernière énergie ces attaques. Plusieurs décisions et mesures fortes ont été prises au cours de ce conseil. 156 otages ont été exfiltrés par les forces de défense et de sécurité burkinabè appuyées par les militaires français et américains.
Le conseil a salué leur dévouement et engagement et le courage du personnel soignant. Le président du Faso a dépêché une délégation ministérielle dans les hôpitaux pour aller s’enquérir de l’état de santé des blessés et manifester la solidarité de la nation vis-à-vis des personnes qui ont été meurtries dans leur chair par ces attaques. Il a par ailleurs lancé un appel à la résistance, au combat, à la détermination du peuple, à la solidarité nationale.
La solidarité des amis du Burkina
Plusieurs chefs d’Etats dans le monde ont condamné cette attaque par des appels téléphoniques ou par courrier à leur homologue du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré.
Tous se disent solidaires à la lutte contre le terrorisme. Des présidents d’institutions internationales également. Au plan national, des partis politiques ont aussi condamné ces actes terroristes.
Bilan : 29 morts, des corps calcinés et des soins gratuits pour les blessés
Le vendredi 13 janvier 2016, a été très ensanglanté sur l’avenue Kwamé N’krumah de Ouagadougou. Un attentat terroriste perpétré par un groupe djihadiste avec prise d’otages a fait officiellement 29 morts dont 4 terroristes.
L’attaque terroriste contre l’hôtel Splendid et le café restaurant Cappuccino a fait plusieurs victimes et de nombreux blessés. Dans l’après-midi du samedi, le Directeur général de l’hôpital Yalgado Ouédraogo, Robert Sangaré annonce officiellement 31 blessés parmi lesquels, une femme enceinte. Cette dernière se trouve à la maternité et deux autres blessés aux urgences. Concernant les blessés, au moins 7 personnes vont subir des opérations et pour autres dont la situation ne nécessite pas d’intervention, ce sera des traitements ambulatoires. Et le Directeur général de l’hôpital Yalgado donnera quelques précisions sur les victimes. Il affirme que " les autorités sécuritaires lui ont demandé des housses mortuaires pour enlever les corps. On a demandé 29 parce qu’il y a 29 corps parmi lesquels les 4 terroristes. Ce qui veut dire qu’il y a 25 morts dont 23 tués à Cappuccino ".
L’élan de solidarité de la première dame du Faso
Parmi les autorités qui ont fait très tôt le déplacement de l’hôpital Yalgado pour soutenir les blessés figure en première ligne, madame Sika Kaboré épouse du président du Faso. La première dame est venue apporter du réconfort aux blessés sans exception. Avec les autorités hospitalières, elle s’est rendue au chevet de plusieurs blessés, hommes comme femmes dans la section traumatologie avant de se rendre auprès des victimes prises en charge psychologiquement. S’exprimant, elle dira " j’avoue que je suis encore sous le choc. Et je ne peux pas rester insensible à un tel évènement. Et je suis venue rencontrer les blessés et leur apporter un peu de réconfort, m’entretenir avec le personnel hospitalier et voir ce qui est possible que je fasse outre le réconfort moral à l’endroit de nos frères et sœurs qui sont pris dans cette catastrophe. Je voudrais aussi féliciter le personnel de l’hôpital Yalgado pour la justesse et le dynamisme avec lequel ils s’occupent des blessés et des rescapés de ce terrible évènement ".
Le samedi 14h-15h sur l’avenue Kwamé N’krumah
Aux alentours de 14 heures, après l’hôpital Yalgado, un détour sur le lieu de l’attentat s’imposait. Sur place, les forces de sécurit ont quadrillés le terrain, et toute personne qui voudrait avoir accès devrait décliner son identité. Excepté la cellule de crise mise en place au sein du ministère de la fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, le reste de la zone n’est accessible par personne sauf les forces de sécurité, les médecins légistes, les ambulanciers. Certains étrangers ont profité de l’accalmie pour venir récupérer leurs bagages à l’hôtel. Pendant ce temps, les véhicules des pompes se positionnent pour l’enlèvement des corps. Sur place, quatre véhicules des pompes funèbres se sont succédés et l’un des conducteurs confirme avoir dénombré 29 corps. Avant de quitter les lieux, c’est le ministre de la fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, Clément Sawadogo qui arrive. Ce dernier était en réunion pour la mise en place d’un réseau à but humanitaire le jour de l’attentat à l’hôtel Splendid. Ex-otage, il a profité s’exprimer par rapport à cette situation infernale qu’ils ont vécu.
Centre de service-conseils pour jeunes et médico-scolaires du secteur 52
Au centre de service-conseils pour jeunes et médico-scolaires du secteur 52 du district sanitaire de Bogodogo où nous sommes de passage de 13h 30 à 14h30 et où des victimes de l’attentat pouvaient y recevoir une assistance médico-psychologique, tout était pourtant calme. A l’entrée, aucune disposition particulière, voire sécuritaire. Juste un vigile qui, du reste était reconnaissable seulement par sa tenue. Il ne possédait aucun matériel de défense. A l’intérieur, une équipe relevant de la cellule d’urgence médico-psychologique dirigée par le professeur Arouna Ouédraogo est en place. Cette équipe était composée de deux hommes et d’une femme à notre passage. Selon Félicité Ouédraogo, leur mission consiste en la prise en charge des traumatismes psychiques des victimes de l’attentat terroriste qui s’est perpétré. A la question de savoir combien de cas ont été enregistrés à cet endroit, l’un des membres soutient que jusque-là (il était 14h), ils n’avaient pas encore reçu de victime, la plupart ayant été convoyés à l’hôpital Yalgado ou à l’hôpital Blaise Compaoré. Il explique également cette situation par le fait que beaucoup de personnes pourraient ne pas être pour le moment au courant qu’une équipe avait été mise en place au secteur 52, quartier Patte-d’oie pour la prise en charge des traumatismes psychiques. On retient que la durée de la présence de l’équipe sur ces lieux dépend de l’évolution de la situation dramatique que vit notre pays, particulièrement Ouagadougou. En rappel, la cellule d’urgence médico-psychologique regroupe des psychologues, des psychiatres nationaux et même non nationaux.
Le mot du porte-parole du gouvernent à l’hôpital Yalgado
Laure Zongo/Hien, ministre de la Solidarité nationale et de la Famille : " Comme mesure immédiate, le gouvernement compte prendre en charge les soins "
Le gouvernement, après avoir pris connaissance de cet acte ignoble qui s’est produit, le Premier ministre et le président du Faso sont déjà allés rencontrer les différentes personnes concernées, à savoir les blessés pour les encourager et féliciter également les acteurs. Et lors du conseil extraordinaire, nous avons été mandatés pour venir témoigner de la compassion du gouvernement à ces blessés et à toutes ces personnes qui sont éprouvées dans leur chair et leur dire que nous sommes de cœur avec eux. Et comme mesure immédiate, le gouvernement compte prendre en charge les soins. Ces blessés seront pris en charge sur le plan médical pour qu’ils recouvrent leur santé.
Des ex-otages racontent
Fanta Gnakambary , UBA, ex-otage : "On ne pensait pas pouvoir s’en sortir réellement"
On se disait que c’était fini pour nous parce que personne n’allait se rendre compte qu’il y avait des gens dans la salle forte. L’espace est infime et nous étions nombreux, pas d’aération. Et avant d’aller se cacher là-bas, nous avons vu que Cappuccino prenait feu. Et à force de communiquer, nous avons compris que ce n’était pas évident que nous sortions indemnes. On nous disait qu’à Splendid hôtel, il y avait plein de morts et il y avait le feu, donc on se demandait ce qui allait nous arriver. On ne pensait pas pouvoir s’en sortir réellement. A force de communiquer avec l’extérieur, on nous a dit que c’était des djihadistes parce qu’on les avait entrevus en fait.
Le ministre Clément Sawadogo, ex-otage : "Ils n’ont pas parlé devant nous, ils se sont contentés de nous canarder"
C’est vers 19h 30 que nous avons entendu les premières détonations. Ce n’était pas des tirs comme des kalachnikov, mais bel et bien des tirs d’armes lourdes et ça détonait fort et de plus en plus fort. Tout se passait comme si tout le centre-ville était bouclé avec les tirs lointains. Nous nous sommes enfermés dans la salle de réunion au 4ème étage de l’hôtel Splendid. Ils sont montés, et ont défoncé la porte et ont tiré dans la salle. Ils ont blessé certains d’entre nous, Dieu merci, dans le groupe, il n’y a pas eu de mort. Mais il y a eu trois personnes qui ont pris des balles, qui au pied, qui à la jambe, qui au bras. Ce que nous avons vu, quand ils sont venus, ils étaient deux, l’un était enturbanné dans la formule touarègue à cent pour cent et l’autre était un peu plus noir. Et lui opérait à visage découvert. Ils n’ont pas parlé devant nous, ils se sont contentés de nous canarder. Naturellement, en ce moment, nous avons compris que c’était une attaque terroriste, du même style que ce qui est arrivé à l’hôtel de Bamako. Dans l’esprit de chacun de nous, c’était fini parce que ces gens ne lâche pas les otages. Après cette visite ou ils ont blessé trois personnes, ils ne se sont plus présentés jusqu’à ce que les forces de sécurité viennent nous récupérer. Nous étions couchés sous les tables. Ça duré de 19h 30 jusqu’à 2 heures du matin. La riposte a été organisée de manière combinée avec une répartition des rôles entre les différentes forces. Mais ceux qui sont venus à nous en défonçant l’une des portes pour nous exfiltrer, c’était des Français et des Américains.
Jules TIENDREBEOGO
Firmin OUATTARA
Jérôme KABORE