Accidents de la circulation à Gaoua : La lenteur dans les évacuations des blessés, un autre mal

| 26.11.2013
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Image utilisée juste a titre d`illustration
© DR / Autre Presse
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On assiste à une recrudescence des accidents de la circulation à Gaoua. L'augmentation du nombre des usagers de la route, les excès de vitesse, la méconnaissance et le non- respect des règles de la circulation, sont autant de causes qui expliquent cette recrudescence des accidents dans la cité du Bafuji. Dès qu'un accident est arrivé que les yeux sont rivés sur les deux unités de soins : l'hôpital et le centre médical, qui sont censés dépêcher une ambulance vers le lieu d'accident. Et pourtant, ils sont combien, qui se sont vu obligés de transporter des blessés dans des véhicules personnels vers l'hôpital, par manque d'ambulance ? Le responsable des logistiques et des ambulanciers du centre médical de Gaoua se prononcent ici sur les raisons des rendez-vous téléphoniques manqués entre ces postes de soins et les lieux d'accidents. L'hôpital reçoit les blessés, mais ne les évacue pas en ville. Voilà un paradoxe qui déroute généralement les accidentés et certains riverains qui cherchent à les sauver.

Un attroupement dans un des carrefours de Gaoua. C'était précisément le 8 octobre aux environs de 16h 18mn, au tout premier carrefour (lorsqu'on vient de Ouaga) marquant l'entrée au cœur de la ville et la 2e route menant à Kampti. Au milieu de la foule, un homme gît sur le goudron. Il a commencé à s'agiter dès qu'on a tenté de retirer la moto sur ses pieds. Le sieur, inconnu des badauds, a été victime d'un accident. Nous étions de passage et avons eu le même reflexe que les autres badauds : y jeter un coup d'œil afin de comprendre le but d'un tel rassemblement.

Constat : la victime présentait une blessure au front qui saignait. Une sorte d'émotion s'est emparée des personnes présentes. « Vite, il faut appeler le centre médical ou l'hôpital », a dit un des curieux sur le lieu du drame. Des témoins ont tenté en vain de joindre, par téléphone, les deux unités de soin. Ce jour-là, il semblerait que le réseau téléphonique était capricieux. Mais en réalité, lorsqu'il y a une urgence, en particulier les accidents de la circulation à l'intérieur de la commune, la lenteur dans les évacuations des blessés constitue un autre mal après l'accident lui-même. C'est la difficulté de joindre un agent par téléphone dans les deux services sanitaires de la cité qui est tout un problème. Le plus souvent, le téléphone sonne, mais il n'y a aucun répondant au bout du fil. Et le cas présent n'a pas connu un sort meilleur. Quelques minutes passées, aucune ambulance pour évacuer l'accidenté gravement blessé. « Il y a beaucoup de véhicules ici, ne peut-on pas le transporter avec l'un de ces véhicules », a lancé une femme visiblement meurtrie et lasse de voir le jeune homme s'agiter sur le sol ? Pendant ce temps, l'attroupement ne cessait de grandir. Sur ces entrefaites, un policier en civil, qui était dans les environs, demanda à la foule de reculer afin de permettre au malade de respirer. La réaction d'un jeune homme, l'air très contrarié, ne s'est pas fait attendre : « au lieu de demander ça, faites venir une ambulance ici », a-t-il répliqué. On ne peut pourtant pas dire qu'il ne partage pas l'idée de l'agent, puisque c'est dans une sorte de maestria que ce dernier ventilait le blessé à l'aide d'un vêtement. Grâce à des causeries dans un sous-groupe, nous avons pu connaître en partie l'identité de l'infortuné. Il s'agissait d'un infirmier en service au CSPS de Tonkar. Il était en mission selon M. Kindo, le responsable du laboratoire du centre médical de Gaoua. Le major de l'intéressé l'aurait appelé quelques moments auparavant pour lui signifier que le jeune infirmier était en route avec des suspects de tuberculose. Effectivement, à l'arrière de la moto qu'il conduisait, était attachée une petite glacière. Ironie du sort, l'agent de santé en mission perdait du sang pendant qu'on continuait de contacter, sans résultat, l'hôpital et le centre médical. Un véhicule de la direction régionale de la santé, la structure dont relève l'agent en question, était de passage et a embarqué le patient. Peu de temps après l'ambulance est arrivée.

On peut bien circuler et payer de sa vie la mauvaise circulation des autres

L'ambulance venue en retard n'a pu transporter que celui-là même qui a été à la base de l'accident et était pratiquement saint et sauf. Au sujet de la scène de l'accident, un riverain, qui a requis l'anonymat, raconte : « le propriétaire de la moto Yamaha a marqué un arrêt au niveau du stop, lorsque celui de la moto crypton est venu par derrière, en vitesse, le percuter. Ce dernier allait sur la route de Kampti et celui de la Yamaha entrait en ville ». Visiblement, c'est celui-là même qui a circulé comme il se doit qui a failli y laisser sa vie. Pire, il a failli être victime du deuxième mal : la lenteur de l'ambulance.
Cette lenteur dans les évacuations en ville irrite plus d'un Gaoualais. Et certains responsables sanitaires le savent. « Je dois reconnaître que c'est un constat qui nous revient, puisque nous vivons dans la société et nous entendons des plaintes par-ci, par-là », a dit Siaka Traoré, responsable de l'administration des finances du district sanitaire de Gaoua que nous avons rencontré plus tard. C'est, en effet, son bureau qui s'occupe de la logistique. Sur la question, Guy Palé, un des ambulanciers du district sanitaire de Gaoua, pointe du doigt l'état de santé de l'ambulance. « Là où il y a lenteur, il y a le problème de véhicule. On n'a pas de bons véhicules », a laissé entendre cet ambulancier qui est souvent au four et au moulin. Et au jeune homme de poursuivre. « Selon moi, c'est le problème de véhicule, parce qu'il n'y a pas de suivi correct des ambulances. Parfois, pour un problème de pneumatique, le véhicule est garé ; même pour les vidanges, il faut faire des courbettes. Franchement, de ce côté, moi je n'arrive pas à comprendre », nous a confié Guy Palé. Visiblement agacé par cette situation d'évacuation, cet ambulancier n'a guère eu la langue de bois. L'ambulance de l'hôpital n'évacue pas en ville. Il nous a signifié que la deuxième ambulance est allée en réparation à Bobo, et elle y a fait deux mois avant de revenir, toujours dans un état inutilisable. Selon lui, le tableau de bord ne s'allumait même pas. Il nous a relaté comment il a été contraint d'évacuer une femme en travail au mois de septembre, avec une 4X4. Kam Bihineté, un autre chauffeur du district, évoque le débordement auquel ils sont confrontés. « Lorsque les gens appellent et qu'on ne vient pas c'est qu'on est déjà sorti en évacuation. La fois passée j'ai été à Helintira, je suis arrivé vers 19h, et le docteur m'a appelé pour amener un malade à Bobo. Arrivé à Diébougou, il m'a contacté pour m'informer qu'il y a une femme enceinte à Malba. Je lui ai demandé ce qu'il fallait faire, puisque j'étais toujours en route pour Bobo », a-t-il poursuivi avant de pousser quelques éclats de rires. Selon ses dires, il leur est interdit d'évacuer les malades à partir des maisons.
Le responsable de la logistique du centre médical Siaka Traoré, indique pour sa part, qu' au moment des accidents, les riverains passent généralement leur temps à appeler l'hôpital alors qu'en matière d'évacuation, cette structure est chargée principalement des cas de référence des patients à Bobo ou à Ouagadougou. Il a signifié que c'était le district sanitaire qui était chargé des évacuations dans la ville de Gaoua et aussi sur les axes. 75 27 88 71 est numéro de contact du centre médical. A ce titre, chaque ambulancier de garde détient toujours ce numéro sur lequel on peut le joindre. Le deuxième numéro qu'il faut composer au cas où le premier ne répondrait pas est le 20 90 03 45. Toutefois, il laisse entendre que l'hôpital leur vient souvent à la rescousse lorsqu'ils sont débordés et vice-versa. M. Traoré explique également qu'avec la seule ambulance, il peut arriver qu'au moment de l'appel, l'ambulancier soit déjà en évacuation dans un des 38 CSPS du district. Cela peut expliquer le fait que le téléphone est parfois hors de couverture de réseau téléphonique. « A supposer que l'ambulance aille à Hélintira, un CSPS qui est à 120 km de Gaoua, et qu'un appel est fait en ce moment, c'est compliqué », a-t-il souligné. S'agissant de l'ambulance qui tombe en panne, il dit que cela n'est plus d'actualité depuis 2012, année à laquelle la nouvelle ambulance a été acquise. Concernant les problèmes évoqués, (ils sont à prendre au sérieux), on se demande si la solution ne se trouve pas dans l'installation d'une équipe des soldats du feu à Gaoua, une ville où le trafic routier est en pleine croissance au même titre que les accidents. Mais la meilleure façon de minimiser ces problèmes d'évacuation, commande que chacun travaille à éviter les accidents en se comportant bien sur nos routes. Car on peut, en cas d'accident, être promptement évacué et perdre malgré tout la vie. Si on prévient l'accident, c'est encore mieux. Fort heureusement, l'infirmier blessé a retrouvé la santé après quelques jours d'hospitalisation, à la grande joie de ses collègues qui avaient eu de véritables sueurs froides.

Hompko Sylvestre KAMBOU

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