Au Burkina Faso, nous espérons que les autorités sanitaires feront de même, si ce n'est déjà fait, pur prévenir l'épidémie. Depuis, les propos sont rassurants du côté gouvernemental. Comme cette communication orale du ministre de la Santé lors du conseil des ministres du mercredi 9 avril dernier annonçant qu'"à ce jour, aucun cas suspect n'a été notifié dans notre pays". Et c'est sans doute dans ce cadre que s'inscrit la descente des services compétents et de la ligue des consommateurs le vendredi 18 avril 2014 chez Blandine Bouda, restauratrice spécialisée dans la vente de viande sauvage au quartier Patte-d'oie, arrondissement 6 de Ouagadougou.
On ne peut que saluer cette initiative visant à prévenir plutôt qu'à guérir. Mais comme l'enfer est pavé de bonnes intentions, on ne peut que s'interroger sur le modus operandi de la traque aux agoutis de Blandine. Un certain nombre de questions se posent en effet.
D'abord au niveau de la base légale. Y a-t-il un décret ou une circulaire permettant à l'administration compétente de procéder à des saisies de gibier "ébautiques"?
S'il est vrai, comme le pensent certains, qu'un tel document n'existe pas, il faut reconnaître que cela pose quand même problème même s'il s'agit d'une affaire de santé publique.
Ensuite, c'est vrai qu'il faut un début à tout, mais pourquoi cibler juste une personne en particulier alors qu'à travers la ville de Ouaga, pour ne pas dire tout le Burkina, il y a tant et tant de gens qui vendent des agoutis et qui en élèvent en quantité industrielle?
Qu'on se comprenne bien : il ne s'agit pas de défendre Dame Bouda. Mais le fait qu'elle fût la seule à recevoir la visite musclée de traqueurs de rongueurs suspects nourrit toutes les interprétations, comme l'acharnement. Et pourquoi pas, comme elle le soutient, elle n'aurait pas été victime d'une dénonciation calomnieuse? Les services de l'Etat et les militants de la Ligue des consommateurs n'ignorent quand même pas l'existence d'autres restaurants où l'on sert de la viande susceptible de transmettre les germes d'Ebola. Une action beaucoup plus élargie ne serait-elle pas plus judicieuse que ce qui s'apparente à un coup de communication suspect?
Enfin, l'impréparation manifeste de la descente laisse encore pantois. Concernant un rongeur qui est censé transmettre un virus aussi dangereux que celui d'Ebola, on se serait attendu à ce que les initiateurs de cette opération arrivent avec tout leur attirail. Or, c'est une fois sur place qu'ils cherchaient des gants et des sachets pour enlever les agoutis comme s'ils avaient été surpris par la sortie, allant même jusqu'à demander à la restauratrice et à son personnel le nécessaire pour faire leur boulot.
Au vu de ce qui s'est passé, on est fondé à se poser des questions sur les motivations de cette sortie. Prévention pour prévention, cela peut décrédibiliser les actions futures de ce genre. Il ne faut donc pas ajouter de la panique à la panique par des actes inconsidérés.
Adama Ouédraogo Damiss