C'est vers 11h 25mn que quelques habitants de la cité du Paysan noir, en l'occurrence les plus avertis, se sont rendus à l'évidence que les prévisions des scientifiques allaient se réaliser. Sinon, peu avant, précisément vers 10h et demi, quelques septiques continuaient à deviser sur l'évènement. Pour certains, il n'y a pas de doute, une nuit noire allait survenir d'un moment à l'autre, comme l'imaginaient les habitants de Banfora ; et il fallait accélérer les courses et regagner le domicile avant que ce moment « maléfique » ne les trouve en ville. Mais pour d'autres, il ne fallait pas compter avec ces « Blancs qui tendent toujours à défier le Seigneur Tout-Puissant ». Quelques secondes après, dans les cieux, la bordure sud du soleil commençait à se noircir. On y voyait un point noir dont le commun des mortels avait du mal à donner la nature. Ce qui finissait de convaincre du même coup ceux qui étaient restés septiques. Il était 11h 25mn. Quelques minutes plus tard, précisément à 11h 36mn, un correspondant, joint au téléphone à Bobo-Dioulasso, indique que cette localité, distante de quelque 85 kilomètres n'était toujours pas touchée par l'éclipse. Même son de cloche à Orodara, la province voisine située à seulement 55 kilomètres de là. Pourtant, dans la cité du Paysan noir, le temps ressemblait fort à celui d'un ciel pluvieux orageux. Pour certains, il était 19h à Banfora alors qu'il n'était que midi en réalité. Toutes les rues étaient désertes. Seuls quelques motocyclistes ou automobilistes passaient et repassaient. Le grand marché de Banfora, qui a l'habitude de rassembler du monde les dimanches, jours de marché de Banfora, n'était que l'ombre de lui-même. Seuls quelques commerçants avaient ouvert leurs hangars. Même les grandes boutiques avaient fermé leurs portes. Des témoignages recueillis sur place attestent que c'est vers 8h que quelques consommateurs sont venus faire leurs provisions. Mais vers 10h et demi, tous ont regagné leur domicile. Entre midi et treize heures, l'éclipse était, on ne peut plus claire. Le soleil n'avait plus l'air que d'un croissant de lune ; bien doré, faut-il le dire. Et comme si le message des autorités avait été entendu, la population était « terrée » chez elle. Selon le gouverneur Issa Compaoré que nous avons rencontré à son bureau, les consignes étaient claires. Il faut éviter de lever la tête vers le soleil. Lui-même a d'ailleurs reporté de quelques heures un déplacement sur Ouagadougou. Vers 13h 45mn, les plus avisés sentaient un retournement de la situation. Un phénomène qui s'est poursuivi jusqu'à 14h 34mn, heure à laquelle plusieurs personnes étaient unanimes à reconnaître que le soleil était enfin libéré.
« Ton système de protection n'est pas plus performant que le mien »
Un habitant de la cité du Paysan noir, sur la base de quelques informations, a fabriqué ses lunettes d'observation de l'éclipse. Il s'est servi de film d'examen radiologie monté sur un cadre de lunette ordinaire. Sa trouvaille, faut-il cependant le reconnaître, a fait parler d'elle. Les gens la trouvaient plus protectrice puisque plus large que les lunettes vendues en pharmacie.
Les lunettes d'observation vendues à 500 F CFA
A quelques minutes de la survenue de l'éclipse, certaines lunettes d'observation ont été vendues à 500 F CFA à Banfora par des particuliers aux abords du marché. Les multiples interrogations de la population sont restées sans réponses. Où ce vendeur s'est-il approvisionné et à quel prix pour les revendre à 500 F CFA ? Se demandaient les uns et les autres. En tout cas, ils étaient nombreux à en acheter.
Mamoudou TRAORE
