« Y a tangelo, y a orange ! Les pommes, c'est cinq à mille francs. Vous allez prendre quoi tonton ? », me lance une dame dès que j'émets le désir de garer mon engin. Et quand, je freine à gauche de la voie, elles se précipitent sur moi, chacune avec son produit. Nous sommes au cœur de Wemtenga, non loin de la Caisse populaire Song-Taba. Là-bas sont assises en ligne plusieurs vendeuses de fruits et légumes. Sur des tables, sont exposées par tas, des oranges, des mandarines, des bananes, des pommes, de la salade, des tomates... et sur une charette, des jeunes ont exposé de l'ananas en vente. Dans ce brouhaha des mobylettes et voitures, un homme, à bord d'un véhicule de marque Mercedes gare. Lorsqu'il baisse la vitre, il est envahi par des mains présentant chacune quelque chose à prendre. Il ausculte un régime de bananes et dit : « Calmez-vous, je veux de la banane pour 1000 F CFA ». Aussitôt servi, le moteur vrombit et le voilà parti. Comme ces vendeurs, sur pratiquement tout le long des routes, à Ouagadougou, des produits alimentaires y sont exposés. D'autres exposent à proximité des points d'eau à l'exemple des vendeuses sur le pont de Tampouy et de Tanghin. Nul besoin de demander si oui ou non, ces personnes prennent le soin d'intégrer un minimum d'hygiène. Car, les fruits ne sont pas couverts ni lavés à l'eau propre. Ils sont livrés à la poussière, aux gaz d'échappement et aux rayons du soleil tous les jours. Et certains clients, par ignorance ou pas, achètent et consomment ces fruits impropres. Dans un contexte marqué par la Maladie à virus Ebola (MVE), la méningite et surtout la fièvre typhoïde, l'hygiène alimentaire devrait être de rigueur chez les populations. Mais que dire si certaines appréhensions prennent toujours le pas sur la raison ? Sur son vélo, Mady Ouédéraogo, un jeune homme d'environ la vingtaine, achète de l'ananas à côté du centre médical Saint Camille, qu'il fait éplucher par le vendeur. Triste scénario ! Avec un canif sale, il manipule le fruit avec des mains visiblement pas propres.
« Microbes ne tuent pas africain »
Lorsqu'il finit ses palpations, Mady prend son ananas et se met à consommer sans se soucier de se laver les mains. A la question de comprendre pourquoi il ne désinfecte pas l'ananas et ses mains, voilà sa réponse : « Laisse, microbes ne tuent pas africain ». Responsable financier dans une société de gardiennage de la place, Armel Zoungrana, vient juste de stationner chez les vendeuses, assises en face de l'hôpital Saint Camille. « J'achète très régulièrement des fruits pour mes enfants. Parce que c'est très important pour leur croissance. Exposés comme ça aux abords de la voix, c'est très délicat parce qu'il y a la poussière, la fumée et spécialement, pour ces femmes qui sont assises derrière un centre médical, c'est un gros risque », reconnaît-il. « Moi particulièrement, ma femme est très regardante sur l'hygiène. Quand j'arrive avec les aliments, c'est directement à la cuisine pour les laver », se justifie le client. Rasmata Kologo vend au bord du goudron à Tanghin, depuis plus de cinq ans. Elle se dit consciente des risques liés à la poussière sur ses marchandises, mais ignore les précautions à prendre. « Nous savons qu'il y a trop de poussière, et que la poussière peut donner des maladies, mais on va faire comment ? Il faut subvenir aux besoins de la famille », confie-t-elle, tout sourire. Richard Domboué vient de se procurer de la banane pour 1500 F CFA. Il confie que quand il achète des produits alimentaires comme la banane, compte tenu de son enveloppe, il ne les lave pas. « Mais quand il s'agit des oranges, je fais laver avant de consommer. Je sais qu'il y a des risques de contracter des maladies. Surtout en cette période marquée par Ebola, je trouve qu'il faut manger sain », soutient M. Domboué. En cette période de vent et de chaleur, la prolifération des micro-organismes est très rapide. C'est du moins, exercant de l'infirmier Emmanuel Belemkoabga, travaillant au Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) du secteur 51 (communément appelé CMA du 30). Il explique que le soleil détruit les valeurs nutritives des aliments. C'est pourquoi, il recommande plusieurs précautions allant de la propreté des vendeuses à celle des aliments. « Les fruits doivent être lavés à l'eau savonneuse ou dans de l'eau de javel 10 à 15 minutes. Ils doivent être mis dans des récipients plastiques non déchirés et les personnes qui les vendent doivent être propres aussi », conseille l'agent de santé. Pour celles qui vendent la nourriture fraîche, M. Belemkoabga conseille de la mettre dans une vitre propre et de toujours se désinfecter les mains avant de servir chaque client. Pour les personnes qui commercent devant les centres médicaux, il soutient que la surveillance doit être plus accrue. Car dans ces lieux, poursuit-il, « les germes circulent rapidement». A l'endroit des clients, il préconise de toujours désinfecter les agrumes qu'ils achètent quand bien même ils sont lavés par les vendeuses. En plus des comportements à avoir pour éviter le virus Ebola, à propos d'autres pathologies que certaines personnes peuvent contracter en consommant ces drupes, Emmanuel Belemkoabga a cité la méningite, la fièvre typhoïde, la diarrhée sanguinolente, etc.
Gaspard BAYALA
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