Obsèques de Jacqueline Ki-Zerbo : Hommage à une intrépide combattante

| 21.12.2015
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Obsèques de Jacqueline Ki-Zerbo : Hommage à une intrépide combattante
© DR / Autre Presse
Obsèques de Jacqueline Ki-Zerbo : Hommage à une intrépide combattante
Décédée le mardi 15 décembre dernier, Jacqueline Marie Thérèse Ki-Zerbo a été inhumée, le samedi 19 décembre 2015, à Toma. Prières, témoignages...ont précédé l’inhumation.


Le long voyage de Jacqueline Ki-Zerbo pour sa dernière demeure commence, le vendredi 18 décembre 2015. Il est 13 heures. Parents, anciennes élèves, amis, connaissances se mobilisent pour la levée du corps, à son domicile sis au quartier Koulouba. Après les honneurs militaires, la foule conduit la défunte à la cathédrale de l’Immaculée conception de Ouagadougou. La cloche sonne à maintes reprises. Les fidèles font leur entrée dans l’édifice religieux. Les visages sont graves. Personne ne pipe mot. La musique mortuaire captive toute l’assistance. La défunte « entre sous bonne escorte ». C’est l’abbé Justin Bandé qui officie la messe. Il prie pour le repos de l’âme de la disparue tout en rappelant que la mort est le départ vers la vie éternelle. Après deux heures d’horloge, c’est la fin de la prière. Une colonne de véhicules est vite dressée. Il est 15h20. Jacqueline quitte la cathédrale. Et, à jamais Ouagadougou où le 3 janvier 1966, à la tête d’une cohorte de femmes, elle a contribué à la chute du premier président de la Haute-Volta indépendante, Maurice Yaméogo. Direction, Toma. La nuit tombe. Les minutes s’égrainent. Jacqueline Ki-Zerbo se rapproche de sa dernière demeure. 20h31, des coups de fusils attirent l’attention. Le cortège marque un arrêt. Nous sommes à l’entrée de la province du Nayala. Chants, danses, sons de flutes accompagnent le cortège funèbre. La nuit glaciale n’entame pas la détermination des populations à lui rendre hommage. Au rond-point de l’éminent Pr Joseph Ki-Zerbo où il est inscrit : « chaque génération a sa pyramide à bâtir », nous marquons un arrêt. Aux coups de feu et sons des instruments de musique traditionnelle se mêlent des pas de danse. Le mercure monte comme pour dire merci, à celle que tout le Burkina Faso pleure pour la pyramide qu’elle a bâtie. Après des minutes d’escale, le cortège reprend son chemin. Au domicile familial, une foule immense est déjà présente. La nuit est longue et glaciale. Venu de diverses localités, chacun veut rendre un vibrant hommage à l’illustre disparue. Les témoignages se succèdent. Certains fondent en larmes. Tous sont unanimes que Jacqueline a servi avec amour toute la nation burkinabè. Plus qu’une mère, elle a été une éducatrice hors pair, disent-ils. Le jour se lève sur Toma. Tous s’affairent pour le dernier hommage. La foule grossit de minute en minute. Il est 10h. A pied, la foule avec à sa tête des petits-fils de la défunte converge à l’église Sacré cœur de Toma, située à un jet de pierres du domicile familial. Des couronnes de fleurs en mains, on peut lire : « grand-mère, nous t’aimons très fort. Tu nous manqueras », « profondes compassions », « à toi notre mère, paix à son âme ».

« Confions-la à la miséricorde de Dieu »

Aux filles et fils de la famille Ki-Zerbo, le curé, l’abbé Martin Zerbo, les invite à rendre grâce à Dieu pour ce que la vie terrestre de la disparue a été. Car, avec son époux, ils ont soutenu de nombreuses œuvres socio-caritatives. « Elle a été humble et engagée pour le développement endogène et pour la promotion de la femme africaine », reconnaît M. Zerbo. Il ajoute : « plus que de pleurer et de se lamenter, confions-la à la miséricorde de Dieu. Puisse-t-elle reposer dans la paix auprès de son Seigneur qu’elle a aimé en servant ses frères et sœurs ». A l’entendre, au-delà de sa vie humaine qui leur a tous marqué, d’une manière ou d’une autre, c’est l’image de Dieu qu’elle nous a donnée sur terre. « Elle s’est abreuvée à la source de l’eau vive qui est Jésus. Elle l’a reçu depuis le jour de son baptême. Elle a donné aussi cette eau à tout son entourage », affirme le curé. Pour lui, ce rassemblement autour d’elle est la célébration de sa naissance au ciel. « Elle nous invite à ne pas voir le vide qu’elle laisse. Mais à nous réjouir de sa présence désormais devant Dieu le père, où elle intercède pour nous. Elle a terminé sa vie en paix avec Dieu et les hommes », rassure l’abbé Martin Zerbo. Après l’absoute, Jacqueline Ki-Zerbo a été inhumée dans le caveau familial, où repose Alfred Diban Ki-Zerbo(père de son époux et premier chrétien du Burkina Faso ), Thérèse Folo Ki (sa belle-mère) et son époux Joseph Ki-Zerbo.

Jacqueline Marie Thérèse Ki-Zerbo est née en 1933 à Ségou, au Mali. Syndicaliste de renom appartenant au bureau politique du Rassemblement démocratique africain (RDA), elle a fait ses études secondaires au Sénégal où elle a obtenu son Baccalauréat série philosophie. En 1956, elle obtint sa licence en anglais à la Sorbone et en 1958, elle épouse à Paris Joseph Ki-Zerbo. Elle débute sa vie active comme professeur d’anglais au cours complémentaire de Dakar. En 1961, elle est recrutée comme professeur d’anglais au lycée Philippe-Zinda-Kaboré à Ouagadougou. Très engagée socialement, Mme Ki-Zerbo fut membre fondateur de l’entraide féminine voltaïque, au sein de laquelle, elle a beaucoup milité en faveur de l’émancipation de la gent féminine. Pour souvenir, elle prit la tête de la poignée de femmes qui marcha sur la présidence aux côtés des élèves normaliennes et des lycéens, lors du soulèvement populaire de 1966 en Haute-Volta, pour demander le départ du président Maurice Yaméogo. En 2015, elle est distinguée commandeur de l’Ordre national. Depuis janvier 2010, elle était administratrice générale de la Fondation Joseph Ki-Zerbo pour l’histoire et le développement endogène.

Abdel Aziz NABALOUM
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Tous regrettent son départ

Boubacar Baba Diarra, Général de l’armée malienne, cousin de la défunte: « c’est une énorme perte pour notre famille, au égard du rôle qu’elle jouait dans la famille. Toute sa vie, elle a travaillé à assurer la cohésion de la famille. L’homme n’a pas un don d’ubiquité, mais nous les Maliens, nous pouvons dire qu’elle en avait. Parce qu’elle a toujours été présente, lors des évènements heureux et malheureux qui ont touché la famille à Bamako. Elle n’a jamais économisé les distances pour se rendre à Bamako. Elle est toujours arrivée à régler nos conflits intra-familiaux. A chaque fois qu’on avait de grandes querelles au sein de la famille, c’est elle qu’on appelait. Et, elle arrivait à les régler ».

Alima déborah Traoré, ancienne élève de la défunte : « c’est une mère pour nous. Elle nous a accompagnées, comme elle a pu le faire avec ses propres enfants. Elle nous a donné beaucoup d’enseignements de la vie à travers la volonté que chacune de nous, puisse réussir à l’école. Avec elle, nous avons beaucoup appris sur le plan de la morale, l’engagement à réussir et à être des personnes responsables.C’est pourquoi, dans le panthéon de nos cœurs, nous l’avons inscrite. Et elle demeurera une référence pour nous ».

Jean-Baptiste Ki-Zerbo, beau-frère de la regrettée : « je regrette beaucoup son départ. C’était une belle-sœur qui aidait toute la famille sur tous les plans ».

Françoise Ki-Zerbo, fille aînée de la défunte : « Son départ n’est pas un vide pour nous. C’était une chrétienne accomplie. Aujourd’hui, n’est pas un jour de tristesse pour nous. Nous devons en sortir avec une grande espérance et le cœur plein de grâce. Nous sommes bien entourés, par des personnes qui lui ont exprimé leur affection durant sa vie et continuent de le faire. Nous allons poursuivre le chemin avec eux. Dieu est fidèle dans ses promesses. Il va la recevoir dans sa paix éternelle. Nous ferons tout pour que l’œuvre de Dieu dans sa vie ne soit pas vaine ».

Propos récueillis par : AAN

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