Imprimer cette page

Ne banalisons pas la mort de Salifou Nébié

| 07.07.2014
Réagir
Ne banalisons pas la mort de Salifou Nébié
© DR / Autre Presse
Ne banalisons pas la mort de Salifou Nébié
Quand j'ai lu sur le net, pratiquement l'entièreté du rapport d'autopsie pratiquée sur le corps du juge constitutionnel Salifou Nébié, je me suis tout de suite posé la question suivante : qui a fait ça et pour quelles raisons ? En Afrique, en tout cas de ce que nous savons, il n'est pas permis d'évoquer aussi facilement la mort. N'en parlons pas des conditions, et pire des raisons qui expliquent cette mort. Le plus souvent, c'est une question fondamentalement familiale qui se gère de façon très confidentielle. Et la raison de cette confidentialité est souvent très simple. "Nul ne sait comment et où il finira ses jours". Respectons donc la mort de façon générale, mais surtout celle du juge Nébié Salifou. Car l'homme n'est pas n'importe qui ; il incarnait bien des valeurs.


À commencer par la discrétion, la retenue et surtout le discernement. Le métier qu'il exerçait, magistrat et de surcroît juge constitutionnel, exigeait de lui tout cela. En effet, tout a débuté juste après sa mort. Les déclarations ont fusé de partout. Chacun avec sa petite idée a prétendu expliquer pourquoi Salifou Nébié est mort.

Que ce soit dans les journaux, sur le net, dans les gargotes et autres causettes et grins, très friands des rumeurs et des ragots, les Burkinabé avaient vite trouvé et les raisons et celui qui a tué le juge Nébié. Surtout que dans une de ses déclarations, le procureur du Faso a indiqué qu'il s'agissait d'un homicide volontaire. Ce qui, si ce n'était pas déjà de trop, puisqu'une enquête véritable n'était pas encore ouverte, ressemblait tout de même à de «l'aller trop vite en besogne». Cela est d'autant plus vrai qu'une autopsie véritable n'était pas faite sur le corps du défunt. Alors, si c'est un homicide volontaire, ça ne pouvait être personne d'autre que le pouvoir. Des journaux ont même ajouté qu'il y avait autour de cette mort «une forte odeur d'assassinat». Et tout de suite, on a su que le juge n'était pas en honneur de sainteté avec les réviseurs de l'article 37; notamment avec le président (lequel?) sur certaines questions; qu'il réunissait chez lui des camarades avec lesquels ils échangeaient sur certaines questions nationales (lesquelles?). Dé Albert Millogo, président du Conseil constitutionnel et des collègues de l'institution partis à l'enterrement du défunt ont essuyé toutes sortes d'humiliations. Puisqu'on a trouvé «qu'ils n'ont rien fait pour le protéger». Du coup, ils en savent quelque chose.

Et puis, depuis, des mouvements sont nés pour revendiquer justice; des marches s'organisent sur le territoire pour exiger de connaître les circonstances exactes de sa mort. Sans doute contraint par cette pression populaire, le médecin légiste français, a balancé des éléments de son travail à notre confrère Jeune Afrique. On dit que c'est bon, mais ce n'est pas arrivé. «On veut savoir la vérité, rien que la vérité et toute la vérité», semble dire l'opinion. Voilà qu'aujourd'hui, le rapport d'autopsie est sur le net, sans doute qu'il est dans des journaux.

Malheureusement, il est contesté. On accuse même le médecin français, qui apparemment n'a rien à voir dans nos histoires politiques et politiciennes actuelles, d'avoir fait une autopsie commandée et commanditée par celui qui l'a demandée. C'est-à-dire le pouvoir. Finalement, on est tenté de dire que celui qui en sait davantage dise la vérité au juge d'instruction. Car, la mort du juge Nébié ne mérite pas d'être banalisée, encore moins récupérée à des fins inavouables comme l'a été celle de notre confrère Norbert Zongo. Il ne le mérite pas du tout.

Dabaoué Audrianne KANI

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité