Idrissa Kaboré, chercheur à l'ISSP :
Ce sont des mesures qui m'ont amené à me poser des questions surtout, sur leur durabilité. Nous savons que l'économie du Burkina Faso est dépendante de plusieurs facteurs. Prendre des mesures de ce genre qui demandent plus de 100 milliards de F CFA de ressources, c'est énorme. Comment est-ce que le gouvernement va maintenir cela dans la durabilité ? Si ces mesures ont été prises tout simplement pour calmer les esprits, parce qu'il y a une tension actuellement, je serais inquiet pour l'avenir. Parce que l'Etat va habituer les différents bénéficiaires à composer avec ces nouvelles mesures, et si jamais, il n'arrive plus à les honorer, c'est un autre problème qui va survenir. Donc, la préoccupation que j'ai, ce n'est pas ce qu'on gagne dans l'immédiat. Mais, c'est ce qui peut arriver plus tard.
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Jamila Latifatou Idani, étudiante en droit 4e année option droit des affaires :
Je suis boursière et concernant l'augmentation de la bourse, je crois que c'est une bonne initiative. Car, cela va nous aider surtout que nous sommes en droit, les documents coûtent très cher et l'augmentation va encore nous permettre de mieux nous documenter, avoir de l'argent pour notre carburant. Augmenter le quota de la bourse pour les filles, cela va encore motiver les filles à se donner dans les études afin de continuer à avoir de bons résultats. Donc, je peux dire que je suis satisfaite de ces mesures.
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Traoré Mohamed Aziz Issaka, étudiant en droit, 4e année :
En ce qui concerne les relèvements, c'est avantageux. Cela va nous aider bien que ça ne vaut pas ce qu'on avait demandé. Il ne faut pas augmenter la bourse tout simplement, mais il faut aussi rehausser considérablement le FONER. Nous sommes contents, car, cela participe de l'amélioration de nos conditions d'études au campus. Ce n'était pas vraiment facile, même si ce qu'ils ont ajouté, est insuffisant, nous les remercions. Mais nous continuons de mener la lutte espérant qu'on aura encore une certaine augmentation pour nous permettre vraiment d'aller de l'avant dans nos recherches.
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Dr Mahamadou Diarra, enseignant-chercheur à l'UFR/SEG de l'Université de Koudougou :
Ces mesures ne sont pas extraordinaires puisqu'elles s'inscrivent dans le cadre de la valorisation de la rémunération des agents de la fonction publique d'une part, et d'autre part, à l'amélioration des conditions de vie des étudiants. En réalité, lorsque vous regardez, surtout du côté des étudiants, les allocations ont été gelées sur presque 10 ans au moins, si l'on tient compte de la dernière revalorisation du FONER et autres. Donc, revaloriser les allocations de 20%, c'est une bonne chose. Mais, lorsqu'on les gèle durant une longue période, les revaloriser de 20%, je ne sais pas si cela signifie grand-chose. Quant aux nouvelles indemnités : indemnités d'astreinte, de technicité et autres, ce sont des éléments qui viennent s'ajouter aux revenus des agents de la fonction publique. Mais lorsque vous regardez pour la majeure partie des agents, ce qu'on a ajouté tourne autour de 25 000 à 30 000 FCFA au maximum. C'est un plus certes, car cela permet de valoriser le revenu courant. Mais, comme ce n'est pas le salaire de base lui-même qui a augmenté, ces mesures laissent encore à désirer.
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Me Bénéwendé Stanislas Sankara, President de l'UNIR/PS :
L'Union pour la renaissance /Parti sankariste (UNIR /PS) est un parti politique dont le combat n'est ni personnel ni partisan. Son combat est pour le peuple, celui du peuple. Dans ce sens, toute mesure à caractère social qui vise à améliorer les conditions de vie des populations, l'UNIR/PS ne peut que s'en féliciter. Toutefois, cela m'amène à poser un certain nombre de questions par rapport à ces mesures de 110 milliards de F CFA alors même qu'on vient de voter le budget de l'Etat pour 2014. Comment le gouvernement va-t-il réguler, comme il est dit dans le rapport du conseil des ministres extraordinaire ? Les fonds vont-ils provenir de quelles recettes, de quelles ressources ? Tout cela constitue des non-dits. Mais, je pense qu'il s'agit de reconduire des mesures que le gouvernement était obligé de prendre à un moment donné de la crise. Cette crise est structurelle. Est-ce que ces mesures répondent de façon efficace à l'inflation et au coût réel de la vie des Burkinabè ? Il appartient aux bénéficiaires de ces mesures de pouvoir apprécier. Et nous allons attendre certainement la réaction des syndicats. Il y a également des couches défavorisées qui vont bénéficier de ces mesures que nous ne condamnons pas, mais que nous trouvons en deçà de la situation de l'extrême pauvreté que les Burkinabè vivent de jour en jour. Face à cela, la position de l'UNIR/PS est de dire que nous avons l'impression que le gouvernement fait plutôt de l'improvisation au lieu d'avoir une vision fondée sur une politique, un programme qui règle les questions sociales des Burkinabè. Est-ce que ces mesures ne sont pas sous-tendues par des non-dits, des zones d'ombres puisqu'on s'approche de 2015 ? Dans le même rapport, il est également fait allusion à l'élection présidentielle de 2015 pour laquelle le gouvernement va délier les cordons de la bourse. Ces mesures viennent également à un moment donné où il y a une effervescence politique. Est-ce que ces coïncidences ne sont pas troublantes ? Ce sont des questions que je me pose, en attendant que le peuple burkinabè qui est bénéficiaire de ces mesures apprécie. 110 milliards de F CFA sont insuffisants. Néanmoins, c'est un plus qu'il faut, quand même, saluer. Il n'y a pas eu seulement l'augmentation des bourses des étudiants. Il y a même des infrastructures qui seront créées. Il y également la grille indemnitaire qui sera revisitée à hauteur de 54 milliards de F CFA. Tout cela, ce sont des mesures qui vont jouer sur le panier de la ménagère. J'ai écouté le ministre de l'Economie et des Finances qui dit que l'impact va de 6 000 à 70 000 F CFA pour chaque bénéficiaire. La question politique qui mérite d'être posée, est-ce que cet impact dans le salaire ou les revenus du citoyen peut être source de satisfaction, au regard de l'inflation qui se creuse de plus en plus et de la cherté de notre situation économique et sociale. Ce n'est pas le fait d'apporter ces innovations que nous condamnons. Bien au contraire, nous les saluons. Nous disons que c'est dérisoire quand on sait bien la catégorie de personnes qui seront touchées, ce n'est pas l'ensemble des Burkinabè. En ce qui concerne par exemple le secteur informel, on parle d'activité à Haute intensité de main-d'œuvre(HIMO). Aujourd'hui, les volontaires sont dans l'angoisse. Est-ce qu'on ne donne pas d'une main et retirer de l'autre. Voilà pourquoi, je dis que le gouvernement navigue à vue dans le cadre de sa politique sociale. Pour un gouvernement, on aurait dû avoir une politique mieux structurée qui s'attaque à l'extrême pauvreté des Burkinabè.
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Mamadou Barro, secrétaire général de la Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l'éducation et de la recherche :
Les mesures prises sont une bonne chose, car, ce sont des réponses apportées à un certain nombre de préoccupations soulevées par les citoyens. L'impact sur le salaire est sensible, même si ce sont des indemnités qui ne sont pas perçues à la retraite. Cependant, l'Etat doit pouvoir continuer les contrôles afin que les produits de grande consommation ne subissent pas une hausse. Sur les mesures prises à l'endroit des couches vulnérables, je dirai que c'est une forme de charité. Si l'on fait des œuvres de charité ponctuelles, je me demande ce que cela peut donner dans la continuité. Est-ce que c'est de cela qu'elles ont besoin ? Ce dont elles ont besoin, c'est une organisation de la vie sociale qui leur permette de mener une vie descente. Je dirai plutôt qu'il faut également une organisation de la vie économique. Par exemple, faire en sorte que les productions agricoles atteignent les zones d'absorption que sont les centres urbains. Des interrogations ou inquiétudes demeurent. Concernant les mesures de création d'emplois, j'ai l'impression qu'elles ont été prises pour occuper les gens. L'emploi ne doit pas être créé pour occuper les gens, mais pour avoir une signification économique. On fait cela, pour supporter les gens au chômage, mais est-ce que les problèmes de fond du chômage sont attaqués ? L'augmentation du nombre de bourses d'études de 1000 à 2000 annuellement, est comme une goutte d'eau dans la mer. Il y a environ 60 000 étudiants et la plupart d'entre eux sont issus de milieu pauvre ou modeste. Il reste beaucoup à faire. Dans l'ensemble, les mesures sont intéressantes parce qu'elles apportent quelque chose dans la vie économique et sociale. Il y a une tentative de redistribution de la richesse nationale d'une certaine façon. Mais, j'ai un certain nombre d'inquiétudes par rapport aux orientations qui sont données à ces mesures et qui, du coup, en fixent des limites. On devrait envisager des mesures qui aident les populations de façon générale : faire en sorte que les parents ne dépensent pas énormément pour la santé, l'école, pour les produits de grande consommation. Si l'on s'orientait dans une telle direction, je crois qu'on pourrait toucher le maximum de personnes. Cela aurait un effet économique plus significatif. Pour les salariés, ce sont de nombreuses années de lutte, de patience, de compromis sur les questions abordées avec le gouvernement, qui aboutissent aujourd'hui. Le fait que le gouvernement ait laissé accumuler les préoccupations, les demandes sont très fortes et les attendes restent énormes. Comme, il reste les discussions sur la grille salariale, nous espérons que quelque chose va être fait pour permettre aux travailleurs d'avoir une vie descente que la situation de misère généralisée d'aujourd'hui.
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Aly Salouka, agent à l'Université Ouaga II :
L'adoption de ces mesures par le gouvernement est salutaire. C'est une très bonne chose si toutefois, on venait à mettre en application ces mesures sociales. Cela va permettre, un tant soit peu, de soulager les fonctionnaires. Elles peuvent s'appliquer dans la durée s'il y a une bonne volonté politique. Avec le boum minier dans notre pays et une bonne volonté politique, je pense que le gouvernement aura la capacité d'honorer ses engagements.
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Moussa Zamtako, étudiant en 5e année de médecine :
Pour moi, c'est une belle initiative de nos autorités d'avoir un œil sur notre situation. Sincèrement, pour moi, les différentes prestations au niveau de l'Etat pour améliorer la situation sociale des étudiants est une bonne chose. Nous souhaitons seulement que ces initiatives adoptées soient effectives pour que l'ensemble des étudiants en bénéficient.
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Ali Nikiéma, étudiant en 1ère année de droit :
Parlant de ces mesures sociales adoptées par le gouvernement, on ne comprend pas beaucoup de choses. Souvent, ils nous font croire qu'ils investissent, mais sur le terrain c'est bizarre. C'est le contraire de ce qui se décide dans les bureaux. On ne peut qu'attendre de voir si réellement ces dernières mesures qu'ils viennent de prendre, vont effectivement être mises en application. Sinon, pour le moment l'on ne peut pas d'ores et déjà connaître l'impact de ces décisions sur le quotidien des étudiants. Parce qu'au vu de certaines promesses précédentes, l'on ne peut encore être optimiste. Nous attendons qu'il y ait des infrastructures pour vraiment booster le volet éducatif.
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Bertine Komi, étudiante en 4e année d'anglais :
Je pense que c'est une bonne initiative bien qu'on n'a pas encore vu la concrétisation. Parce qu'il ne faut pas prendre des engagements et sur le terrain rien n'est visible. Il faudra plus investir au-delà des 7 milliards de F CFA dans nos universités pour améliorer les conditions d'études, notamment les salles, les horaires et le restaurant. Les bourses sont les bienvenues, mais je pense que nos décideurs doivent miser sur la sensibilisation et nous montrer concrètement l'utilité des bourses si nos universités ne sont pas en paix.
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Jocelyne Vokouma, secrétaire adjointe chargée de la communication du CDP :
C'est une très bonne chose. Je crois que le gouvernement n'a fait que combler des attentes des populations, notamment l'amélioration de leurs conditions de vie par le travail, la création de richesses et de ressources. Je pense que le gouvernement est totalement en adéquation avec non seulement le combat syndical, mais aussi les attentes des populations. Voilà ce qu'on peut dire d'essentiel. Cela mérite qu'on le félicite pour cet effort qui a été fait au bon moment. En ce qui concerne l'indemnité de technicité, c'est un rappel dont les gens vont bénéficier de janvier à maintenant. Quelque part, les gens s'attendaient à voir leurs revenus améliorer pour mieux affronter la problématique de la vie chère qui est au cœur de tout et qui est mondiale. Il ne faut pas qu'on le perde de vue. Le gouvernement a toujours fait l'effort de rappeler que ces questions étaient en étude. Pour moi, c'est l'aboutissement d'un dialogue fructueux que toutes les parties saluent.
Propos recueillis par : Somborigna Djélika DRABO
Bakary SON
Gaspard BAYALA
Anselme KAMBIRE
Abibata WARA