Il ne peut en être autrement, car mourir pour sa patrie ne laisse pas indifférent. C'est un sacrifice extrême digne d'éloges ! On comprend pourquoi les sept derniers martyrs ont été inhumés en grande pompe, la semaine écoulée, à l'initiative du gouvernement de transition. Et nombreux sont les Burkinabè, qui continuent donc de louer, de jour comme de nuit, la bravoure et le mérite de ces martyrs. Ces marques de considération se trouvent renforcées, avec l'initiative des autorités de la transition, qui ont décidé de la tenue d'une Journée nationale d'hommage aux martyrs. Cette commémoration, initialement prévue le 13 décembre 2014, jour-anniversaire de l'assassinat du journaliste Norbert Zongo, a été reportée à une date ultérieure, par les autorités, pour éviter la «confusion». Le gouvernement a également dédié aux martyrs, le Monument aux héros nationaux, qui subira quelques transformations, pour traduire cette volonté. On assiste manifestement à un concert d'hommage à la hauteur de l'esprit républicain des disparus. Aucun acte, et c'est défendable à tout point de vue, n'est de trop pour honorer la mémoire de ces combattants de la liberté. Qu'il en soit ainsi ! Seulement, après les hommages, il faudrait se pencher sérieusement sur les circonstances des décès enregistrés lors du soulèvement populaire. La nation honorerait mieux la mémoire des martyrs, en leur rendant justice. Ceux-ci n'ont pas trouvé fortuitement la mort. Si des témoignages indiquent que certains ont péri lors des pillages, sous le poids des sacs de riz entreposés dans des magasins par exemple, d'autres versions sont contées. Des témoins relatent l'usage d'armes à feu, qui ont occasionné des pertes de vies humaines. L'aveu de Bendi Parfait Gnoula, manifestant et ami d'un des martyrs (Ndlr : Fabrice Yempabou Woba), illustre bien cette réalité. «(...) Nous étions ensemble le 30 octobre, quand il (Fabrice) a trouvé la mort. Ce jour-là, nous sommes allés nous réfugier à Boinsyaaré. C'est au moment où nous revenions en ville, qu'un véhicule de l'armée nous a croisés et les occupants ont ouvert le feu sur nous. Après leur départ, je me suis levé et Fabrice était toujours couché. Il y avait le sang, qui coulait au niveau de sa tête», a-t-il confié à Sidwaya. Et de poursuivre : «Pour moi, c'était une simple blessure. Mais après, je me suis rendu compte qu'il a reçu une balle dans la tête. Moi je n'ai pas su à temps, que j'avais reçu deux balles au dos». Ce témoignage, parmi tant d'autres, peut servir à la manifestation de la vérité devant la justice, qui n'aura pas fort à faire pour avoir des dépositions dans le contexte actuel. Il est capital de situer les responsabilités dans la disparition des révolutionnaires, surtout ceux qui ont reçu des balles. La Justice doit œuvrer, avec célérité, à trouver les exécutants et les commanditaires de ces morts. Qui a tiré ? Qui a donné l'ordre de tirer ? Ce sont autant de questions, qui nécessitent des réponses claires. Le soutien des autorités de la transition, qui ont conscience de la situation, est attendu à ce niveau, pour faciliter la tâche aux juges. Rendre justice aux martyrs un impératif selon les organisations de défense des droits humains, ne fera que soulager la douleur des familles éplorées, à défaut de l'enrayer totalement. Et le plus tôt serait le mieux, car il ne serait pas intéressant, que ce dossier vient s'ajouter à la pile d'affaires non encore résolues (assassinat du journaliste Norbert Zongo et du juge Salifou Nébié, par exemple). Rendre justice aux martyrs ne fera que consolider l'espérance d'une société de justice et de vraie démocratie, qui a sous-tendu l'insurrection populaire. Ne perdons pas de vue, que l'une des causes de ce mouvement est le manque de confiance à la justice. Alors, tout doit être mis en œuvre, pour que l'on ne retombe pas dans les mêmes travers. Le Burkina nouveau doit se construire dès maintenant, et il en faut bien de sacrifices.
Kader Patrick KARANTAO
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