Comme celles qui, depuis quelque temps, mettent à rude épreuve certaines unités industrielles.
Citons-en pêle-mêle :
- La Brakina : confrontée au début à des revendications salariales, la direction de la première brasserie du Burkina est aujourd'hui en proie à un bras de fer avec les travailleurs qui ont fini par outrepasser le droit syndical : en exigeant par exemple le départ pur et simple du DG de la boîte ;
- La FILSAH (Filature du Sahel) : à peine née, cette usine implantée à Bobo-Dioulasso a subi plusieurs jours d'arrêt de fonctionnement suite à un mouvement des salariés qui réclament, eux aussi, la tête de leur patron ;
- La SAP (société africaine de pneumatique) : la « vieille Dame », déjà croulante sous l'effet conjugué de la concurrence et de la contrebande, est engagée dans un véritable dialogue de sourds avec son personnel. Alors que la direction générale s'alarme de la situation financière particulièrement dramatique ces dernières années, les travailleurs réclament ici et maintenant la satisfaction de leurs doléances comme le paiement de 14 mois d'indemnité de logement et de taux d'échelon ;
- Bissa Gold : Le 1er novembre 2014, l'une des plus importantes mine d'or du pays a été saccagée puis incendiée par les populations riveraines. Bilan de cet autodafé : gros engins, pompe à eau et dépôt d'explosifs sabotés, bâtiments endommagés, matériels de bureau vandalisés, futs de produits chimiques emportés.
Et la liste n'est pas exhaustive.
Dernière manifestation en date de cette insurrection permanente qui souffle sur notre fragile tissu industriel : l'affaire True Gold du nom de cette société minière qui a maille à partir avec les populations de Namissiguima (Yatenga), sa zone d'implantation.
Le 14 janvier dernier, une véritable marée humaine a fondu sur le site en construction, laissant derrière elle un paysage apocalyptique. De Ouahigouya, située à une dizaine de kilomètres de là, on apercevait les volutes de fumée monter dans le ciel.
A l'origine de cette fronde, la rumeur selon laquelle les travaux d'ouverture de voies affecteraient l'école primaire et la mosquée du village. Allégation démentie par la société.
Alors qu'on s'attendait à un retour à la sérénité avec les différentes négociations entre les parties prenantes (True Gold, populations locales et gouvernement), voilà que la situation se dégrade.
En effet, lors d'une conférence de presse tenue le 30 janvier, la confrérie tidjania de Ramatoulaye et des représentants des villages de Namissiguima ont exigé le départ pur et simple de la société minière. « Le départ de True Gold ou la mort », ont –ils éructé. Et cela, nonobstant la suspension des travaux de construction d'accord partie entre la compagnie incriminée et le gouvernement dans l'esprit de privilégier une solution négociée à la crise.
Passe encore que ce soit des anonymes qui manifestent contre l'implantation de la mine dans leur patelin. Mais quand le Cheick en personne, par la voix de son oncle de porte-parole, descend dans la mêlée en lançant une telle fatwa contre True Gold, sans épargner les journalistes, qui en auront pour leur grade, il est temps que la puissance publique se penche davantage sur cette affaire, qui pourrait glisser, si on n'y prend garde, sur le terrain, ô combien sensible, de la religion. Et partant mobiliser l'ensemble de ces mouvements qui contribuent à dégrader le climat des affaires au moment où les perspectives économiques sont des plus sombres.
En effet, dans un rapport rendu public samedi dernier, l'institut Free Afrik a tiré la sonnette d'alarme en annonçant que les indicateurs sont au rouge et l'économie nationale se porte très mal suite à l'insurrection populaire qui a engendré d'importantes destructions de biens publics et privés.
Avant le bureau d'études dirigé par le docteur Ra-Sablaga Seydou Ouédraogo, le ministère en charge de l'Economie et des Finances puis tout récemment le GPI (groupement professionnel des industriels) furent les premiers à sonner le tocsin.
Ecoutez plutôt le cri du cœur de ces professionnels de notre tissu industriel lors de leur assemblée générale extraordinaire du 22 janvier : « ... C'est ainsi que nous assistons, depuis le mois de novembre 2014, à des débrayages sur fond de revendications et de contestations de tous ordres ; pires à des blocages d'unités industrielles par des travailleurs. Ces pratiques, qui se développent en dehors de tout cadre légal, sont utilisées par des groupes de travailleurs avec l'appui des centrales syndicales, entraînant la perturbation des activités de production... ».
Que l'on s'entende bien : loin de nous l'idée de remettre en cause le droit des travailleurs d'exiger de meilleures conditions de vie et de travail. Bien au contraire.
Mais pour légitimes qu'elles soient, ces revendications ne doivent pas déboucher sur des actions qui compromettent la survie des unités de production.
Cela dit, revenons à l'affaire True Gold pour reconnaître qu'au au regard du statut particulier de Ramatoulaye, lieu de pèlerinage islamique, on peut comprendre que cette fronde cache quelques non-dits. Notamment la crainte qu'avec la logique de consommation et le flux de personnes et ses effets induits sur les mœurs, la mine, si elle venait à s'installer effectivement, ne soit une porte ouverte au « haram ».
Mais ces appréhensions, si elles s'avéraient, ne sauraient justifier outre mesure ce refus frontal de l'ouverture d'une exploitation minière dans une localité soit-elle sainte.
Avec l'effondrement des cours du métal précieux, premier produit d'exportation du Burkina, ne contribuons pas nous-mêmes à tuer la poule aux œufs d'or.
Ce n'est pas en tous cas avec un tel climat d'insécurité dans l'environnement des affaires que les investisseurs étrangers, dont nous avons tant besoin, vont se bousculer au portillon de notre pays.
Alain Saint Robespierre