Assemblée nationale. Il est 9 heures. Un agent de la sécurité entre, en criant : «Evacuer les députés et les journalistes». Les journalistes et les députés déjà installés et les journalistes se précipitent vers les sorties. Trop tard, les insurgés ont déjà franchi l'impressionnant dispositif sécuritaire pour se retrouver sous le hall de l'hémicycle. Très remontés, ils «annoncent que le peuple est venu prendre son pouvoir».
Les héros du jour sont «le groupe» d'un leader de Le balai citoyen, l'avocat Guy Hervé Kam. Ils ont bravé les gaz, et même les tirs nourris pour faire tomber les dernières barrières et un certain mythe. Ils sont rejoints par les groupes du chat noir du Nayala et celui de l'artiste engagé Smokey. En quelques secondes, la jonction est faite.
Dans le sauve-qui-peut général, personne n'a le temps de s'occuper de l'autre. Certains membres des forces de l'ordre ont vite fait d'enfiler des tenues civiles pour, soit exfiltrer discrètement les députés, soit pour se planquer eux-mêmes.
Le député Mélégué Traoré qui ne se doutait de rien, s'est retrouvé nez à nez, avec des jeunes révoltés, alors qu'il entendait rejoindre tranquillement ses camarades. Il est pris à parti par les nervis qui lui demandent s'il votera non, d'autres demandent tout simplement sa mise à mort. Tétanisé par ce qui lui arrive, Traoré Mélégué est secouru par des journalistes (qui ont été traités avec bienveillance par les manifestants) et des gendarmes en civil.
Beaucoup d'élus ont ainsi pu être exfiltrés en franchissant difficilement le mur de l'hémicycle mitoyen à l'Hôtel Azalaï Indépendance. En ce moment, un groupe de jeunes, munis d'allume-gaz ont commencé à mettre le feu au bâtiment. Juste à côté d'eux, certains font la ronde pour briser, caillasser tous le parc automobile de la représentation. D'autres encore se sont payé le luxe de prendre les V8 stationnés dans l'enceinte pour faire le tour avec des dizaines de manifestants juchés.
C'est aussi par le mur-arrière que l'équipe de reportage d'Aujourd'hui au Faso a quitté l'hémicycle. Dehors, une atmosphère de chaos règne autour de l'Assemblée. Les gaz lacrymogènes n'ont fait qu'exacerber la détermination des insurgés. Apres avoir mis le feu à l'hémicycle, une groupe de manifestants s'est dirigé vers le palais présidentiel de Ouaga 2000. Du côté de l'Université de Ouagadougou, un autre groupe tente de prendre d'assaut la résidence de François Compaoré, frère cadet du chef de l'Etat.
Un adolescent est tombé, autour de 10 heures sous les balles de la garde prétorienne de François Compaoré. Touché à la tête, il s'est vidé de son sang devant les autres manifestants qui n'en démordent pas pour autant et appellent au rassemblement pour repartir à l'assaut de la citadelle de François Compaoré. Ils ne sont pas parvenus à atteindre la forteresse, selon nos informations.
Karim TAGNAN