«Vous venez pour quoi ? Il y a deux groupes : le secrétaire exécutif et les travailleurs. Vous voulez voir lequel ?»
- «Les deux !»
- «Nous sommes devant et je suis venu pour vous y amener»
- «On vous suit».
A peine immobilisé devant le siège de Eau et Assainissement pour l'Afrique (EAA) à Wayalgin dans l'arrondissement 5 de Ouagadougou que l'envoyé des travailleurs fait comprendre à l'équipe de reportage qu'il faut avancer quelques centaines de mètres pour les retrouver.
Sur leur lieu de travail par contre, un véhicule de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) est bien en évidence et ses occupants règne en maître. Un détour au milieu des habitations et on débouche sur « La causette de Wayalgin », un espace vert devenu un maquis. Là, une vingtaine de personnes sont à l'ombre d'un Karité.
Il faut attendre la fin de cette concertation pour avoir un interlocuteur. Le pied de grue dure une trentaine de minutes. Avec leur porte-parole, Mamadou Ouattara, on apprendra que tout est parti le 18 juin dernier d'une lettre anonyme adressée à l'ensemble des travailleurs qui décrit la mauvaise gestion de EAA depuis l'arrivée du secrétaire exécutif, Idrissa Doucouré, en 2011.
L'Agence intergouvernementale panafricaine qui regroupe au moins 36 pays et qui appuie les Etats membres dans la résolution de la problématique de l'accès des populations à l'eau et à l'assainissement vit une crise sans précédent sous sa direction.
La lettre anonyme fait mention du licenciement abusif de certains travailleurs, de l'humiliation d'autres, de la démission de cadres et surtout des dettes de la structure qui remontent à plus de six milliards de F CFA.
Le personnel demande alors à être désormais associé à la gestion de la boîte à travers la présence de son représentant dans la sphère de décision.
Chose que le secrétaire exécutif refusa. Les travailleurs déposent un préavis d'arrêt de travail pour la journée du mardi 24 juin 2014.
L'absence de réaction les amène à mettre leur menace à exécution pour 24 heures. Le mercredi 26 juin, le travail devrait, en principe, donc reprendre.
Mais en regagnant leurs postes respectifs, ils ont constaté la présence des agents de la CRS à l'entrée du service. Cette cohabitation inhabituelle et soudaine a détérioré davantage le climat. Les positions se radicalisent.
Les travailleurs exigent maintenant le paiement de tous les arriérés de salaires, un audit externe et le départ du secrétaire exécutif, Idrissa Doucouré.
«EAA est un milieu multiculturel avec au moins six nationalités. La présence de la police peut perturber psychologiquement certains d'entre nous.
Sagement, nous avons demandé à tout le monde de se retirer et nous nous sommes retrouvés ici pour une concertation. Si demain la situation reste la même, nous n'allons pas travailler non plus», a indiqué Mamadou Ouattara.
Mais que dit le principal accusé (le secrétaire exécutif de l'EAA) ? Mystère et boule de gomme puisque toutes nos tentatives de joindre l'intéressé sont, pour ainsi dire,... tombées à l'eau.
Moumouni Simporé