Cette défiance lui avait coûté un peu bonbon, mais sans le savoir, David Thoreau venait de donner naissance à un mouvement : la désobéissance civile, qu'il théorisa d'ailleurs dans un livre éponyme en 1849. Selon son auteur, la désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, un organe, ou un pouvoir jugé inique, par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat non-violent. Elle est aux antipodes de la révolte, qui flirte souvent avec la violence, alors que la désobéissance civile est en principe... pacifique.
En ce jour 28 octobre, baigné par un temps un peu frisquet, début de notre «hiver tropical», les Burkinabè qui, habituellement, sont à labour dans les activités du système D, question de faire face toujours aux dépenses incompressibles de la rentrée scolaire et même celles des fêtes de fin d'année, ont pourtant l'esprit angoissé et les nerfs à fleur de peau, surtout dans les grandes agglomérations telles Ouagadougou, Bobo-Dioulasso ou Koudougou, où les écoles ont été fermées, et d'où on sent monter le mercure social et politique.
Tant que c'était les habituelles piques lors des raoûts politiques, il n'y avait rien à redire, passe encore qu'on s'invective sans gravité, au détour d'un point de presse. Mais quand les menaces sont réelles, lorsque l'escalade est omniprésente, l'embrasement n'est pas loin.
Deux Burkina s'affrontent verbalement de nos jours, et peut-être demain physiquement, au sujet d'un article de la Constitution, à savoir l'article 37.
A 48 heures de l'examen d'une nouvelle mouture de cet article à l'Assemblée nationale, laquelle mouture ouvre une présidence à vie, à l'actuel permanencier du palais de Kosyam, une couche anxiogère enveloppe le pays des hommes intègres : Ainsi par exemple, une horde de jeunes est allée chez certains députés du CDP, le parti majoritaire, menaçant de revenir brûler leurs domiciles, si jamais le 30 octobre prochain, l'article 37 recevait leur onction. Pour ne rien arranger, le patron de ce parti n'a rien trouver à répliquer que de marteler : «s'ils brûlent vos maisons, brûlez les leurs».
Cette saillie enflammée d'Assimi Kouanda vient en rajouter à une chienlit qui slalome déjà dans les villes du pays.
Alors aujourd'hui sera-t-elle une journée calme ou mouvementée ? Est-ce un mardi mou ou agité ?
En se référant à la marche des femmes hier, on a un aperçu de ce que sera ce 28 octobre. En effet, les femmes de la capitale burkinabè, malgré l'interdiction du bourgmestre, qui il est vrai était dans son rôle (les femmes n'ayant pas déposé et obtenu une demande de manifester en bonne et due forme dans les délais impartis de 7 h), ces amazones donc de la capitale ont donné le «la» de ce que sera cette désobéissance civile d'aujourd'hui, en passant outre cet oukaze du maire, brûlant lignes et zones rouges pour se retrouver au rond-point des Nations unies pour leur jamborée politique.
Côté pouvoir, de nombreuses dispositions ont été prises pour que les forces de sécurité ne cèdent à aucune provocation, se contentant d'assurer le service minimum. D'ailleurs le voudraient-elles, qu'elles réfléchiraient par deux fois avant de brandir la matraque, lâcher les lacy, ou arroser les manifs d'eau chaude. Mais attention tout de même à cette posture quasi-pavlovienne de l'opposition qui consiste à brandir la perspective de la politique de la terre brûlée, car sur ce terrain-là, nul ne peut dire qui sera le perdant.
En tout cas, du côté du pouvoir, comme de celui de l'opposition, on prône le calme, la sérénité et le respect du bien public et privé lors de cette journée.
Cependant, que l'on se trouve de part et d'autre de cette ligne ondoyante de front et de fracture politique, et même historique, chacun est conscient que ce qui se passera ce mardi, confine à une répétition générale pour le 30 octobre prochain et la suite de cette bataille. Et que même si l'on joue à se faire peur, les anti et pro-révision de l'article 37 savent qu'il suffit d'un rien pour que le pire advienne.
L'effet papillon est universel, c'est connu, ne connaît pas les frontières.