Burkina Faso : Grèves perlées, mouvements sociaux, pagaille

| 01.04.2015
Réagir
Burkina Faso : Grèves perlées, mouvements sociaux, pagaille
© DR / Autre Presse
Burkina Faso : Grèves perlées, mouvements sociaux, pagaille
«Le pays des hommes intègres» va mal. Il ne s'est jamais senti aussi mal en point, au creux de la vague. C'est discutable, mais ce qui l'est moins encore, c'est que la cote des dirigeants de la transition est très basse sur le marché de la politique. Ces derniers donnent l'impression de ne rien faire pour changer le cours des évènements. Ce qu'ils savent faire et dans lequel ils prospèrent, ce sont les nominations.

Ils en font tellement dans la démesure, qu'ils ont eu le don de faire douter certains de leur bonne foi. On en vient à croire qu'ils préfèrent évoluer dans la démocratie de l'opacité. Et c'est ce qui expliquerait la cacophonie qui règne au sommet de l'appareil de l'Etat. Au début de la transition, à la stupéfaction générale, on a vu le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, prendre le contre-pied du président du Faso, Michel Kafando, au sujet du sort à réserver à Blaise Compaoré, l'ancien chef d'Etat. Quatre mois plus tard, c'est le conseiller spécial du chef du gouvernement, Abdoulaye Soma, qui est revenu à la charge. Il a remis en cause des nominations émanant du président Kafando au Conseil constitutionnel. C'est inédit ; jamais dans l'histoire de la quatrième République, les autorités se sont donnés en spectacle, aussi inédit.

Les jeunes «révolutionnaires», confrontés à l'insupportable brutalité de la réalité subie sur fond de délitement collectif, refusent de donner leur confiance à un gouvernement, qui tâtonne. Et le fait qu'il soit de la transition n'est pas une excuse. Et la contestation s'est tout à fait accélérée. Il ne se passe pas un seul jour, sans que l'écho de la voix surchauffée d'un groupe d'individus ne monte vers le ciel grisé du Burkina Faso. Tout a commencé avec la remise en cause des nominations de Adama Sagnon et Moumouni Djiguemdé à des postes ministériels. Dans la foulée, il s'en est suivi la création de structures comme le Mouvement soyons sérieux (M2S) et le Mouvement Plus rien ne sera comme avant (M/PRSCA), qui arguent que les organes exécutif et législatif de la transition s'écartent des exigences du peuple. L'objectif de la plupart de ces nouveau-nés, rectifier le tir, en menant des actions, en vue d'obtenir la dissolution et le redéploiement du RSP, l'autodissolution du Front républicain, l'abrogation de la loi d'amnistie pour les anciens chefs d'Etat du Burkina Faso, l'ouverture d'une enquête indépendante pour faire la lumière sur la mort des martyrs de l'insurrection populaire...

Parallèlement à ces mouvements spécifiques, la Coalition nationale contre la vie chère (CCVC) a organisé un sit-in, le 4 février dernier et une grève, les 17 et 18 du même mois, sur toute l'étendue du territoire pour exiger du gouvernement une "baisse substantielle" des prix des hydrocarbures. Emboitant le pas à la CCVC, qui a exigé et obtenu la baisse des prix des hydrocarbures, à deux reprises, d'autres structures sont rentrées dans la danse. La dernière organisation, en date, est celle des chauffeurs et des routiers. Ces transporteurs ont organisé une grève de 48 heures, les 30 et 31 mars, entraînant une paralysie générale du pays. De nombreux quartiers de la capitale économique ont été littéralement touchés. Il n'y avait pas moyen de solliciter les services d'une compagnie de transport pour effectuer un voyage, pas moyen de tirer la moindre goutte d'eau, pourtant vitale, du robinet, pas moyen de bénéficier de l'énergie. La SONABEL était en quasi manque de jus, déjà quand il y avait le DDO, l'énergie était rare, alors sans DDO... Des Petites et moyennes entreprises (PME), des unités industrielles, des bâtiments administratifs, des ateliers de soudure, des salons de coiffure, pour ne citer que ceux-là, sont restés inopérants, depuis lors. Le manque à gagner est inestimable. Il se chiffrerait à des dizaines de milliards. Le drame, c'est qu'aucune lueur d'espoir ne pointe à l'horizon. La fin des haricots, les autorités ne semblent pas rassurantes. On ne voudrait pas le croire que l'autorité de l'Etat qui était déjà à terre durant les derniers mois de Blaise, ne s'est pas encore relevée. Est-ce parce que les Burkinabè savent que les actuels dirigeants sont partants, d'ici à quelques mois ? Blaise doit rire un peu sous cape. Vivement la fin de la transition, et place à des dirigeants élus, qu'on doit déjà plaindre, car toutes ces patates chaudes leur seront refilées et c'est peu dire que ce ne sera pas une sinécure !

Christian N. BADO

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité