Imprimer cette page

Mam'Sank : Cahier d'un second retour au pays natal

| 29.05.2015
Réagir
Ouagadougou 13 mai 2015 - La veuve du feu président burkinabè, Thomas Sankara (1983-1987), Mariam Sankara, est arrivée, jeudi après-midi à Ouagadougou où elle a bénéficié d'un accueil triomphal. Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
© © Photo : DR / Autre Presse
Ouagadougou 13 mai 2015 - La veuve du feu président burkinabè, Thomas Sankara (1983-1987), Mariam Sankara, est arrivée, jeudi après-midi à Ouagadougou où elle a bénéficié d'un accueil triomphal. Photo d'archives, utilisée à titre d'illustration
Ils étaient tous là, à l'aéroport international de Ouagadougou, au salon présidentiel, les sankaristes de tout bord, ce 14 mai 2015. Sans oublier la société civile, les autres partis politiques et simples citoyens, personne ne voulait se laisser conter un événement tel que celui du second retour à la maison de Mariam Sankara, l'épouse du père de la Révolution burkinabè, Thomas Sankara, après celui de 2007.


Ainsi Mariam Sankara est rentrée à la maison. La fin tragique de la Révolution l'avait poussée dehors, sur la pointe des pieds. Finalement, et plus de deux décennies plus tard, l'insurrection populaire l'a ramenée chez elle, auprès des siens.

En 27 ans, c'est donc la deuxième fois que Mariam Sankara foulait la terre de ses aïeux, après 2007, lors de la commémoration des 20 ans de l'assassinat de son époux. C'est grâce à l'insurrection des 30 et 31 octobre 2014, qui a fait prendre la poudre d'escampette à Blaise Compaoré et à son régime vieux de 27 ans, qu'elle a pu refaire le déplacement dans les conditions que l'on sait.

De fait, et comme il fallait s'y attendre, le come-back de l'ex-première dame a été meublé avec toute la charge émotionnelle qui sied en pareille circonstance. Parrainage de la convention du renouveau sankariste, audition par le juge militaire dans le dossier judiciaire de son mari, audiences, interviews, etc. Bref, un vrai programme de VIP.

Mais comme on le sait, le gros dossier de ce retour triomphal -au propre comme au figuré- est le dossier judiciaire de Thomas Sankara, dont il faut élucider les circonstances de la mort. Est-il mort de «mort naturelle», comme l'a signifié le médecin Alidou Diébré sur l'acte de décès, ou quelqu'un en a-t-il été à l'origine? Préméditée ou accidentelle? Qui en a été l'auteur ou qui a appuyé sur la gâchette? Pour quelles raisons? Pourquoi en voulait-on à son mari et accessoirement à ses compagnons d'infortune?

Comme elle l'a elle-même laissé entendre face aux médias, Mariam Sankara espère désormais avoir la réponse à ces questions à l'occasion de ce retour et de l'actualisation du dossier par les autorités de la Transition.

C'est en cela que son retour, au-delà de tout, aura véritablement un sens. Sinon, elle aurait tout simplement réveillé quelque peu la fibre sankariste de certains. Le processus étant enclenché, et la famille Sankara, ses ayants droit et tous les sankaristes croisent désormais les doigts pour que ce feuilleton judiciaire puisse connaître une issue et livrer des réponses à moult questions.

Mam'Sank, qui n'en démord pas, a d'ailleurs renouvelé son intention de connaître la vérité, toute la vérité de la tombe. Après avoir été auditionnée pendant d'interminables heures par le juge militaire, elle qui avait porté plainte contre X en 1997 a dit avoir maintenu sa plainte. C'est donc peu de dire qu'elle est déterminée à aller jusqu'au bout. Quid de l'expertise de la tombe? Cette tombe, restée muette et mythique à Dagnöen pendant bientôt 28 ans jusqu'à la date du 25 mai 2015, va-t-elle enfin livrer son verdict? Il le faut.

Il faudra que cette tombe parle, que les restes disent un mot sans rien en cacher, afin que la veuve et les orphelins puissent enfin se situer. Mais également le Burkina tout entier, dont un pan de l'histoire reste lié à cette affaire.

Nul doute alors que l'exhumation est une étape capitale dans la recherche et la manifestation de la vérité, même si la presse a été soigneusement tenue à l'écart, au grand dam des badauds pour qui les médias auraient pu leur apporter déjà un début de lumière tant espérée.

Mais là aussi, il demeure des interrogations. En effet, l'ancien président repose-t-il sous cette motte de terre où ses fans s'inclinaient et continuent de se recueillir chaque 15 octobre? Au regard des attentes en direction de Dagnoën, tout porte à croire que les résultats devront être convaincants au moins.

En effet, imagine-t-on un instant que les expertises aboutiront au redouté fait que Sankara n'ait jamais été dans cette tombe? Ce serait une nouvelle bombe sociopolitique dont la déflagration risque d'avoir beaucoup de conséquences dans le pays.

L'enjeu de cette exhumation est donc de taille, et c'est aussi tout un peuple qui est suspendu aux lèvres des experts. Le mystère de Dagnoën va-t-il enfin être dévoilé? De toutes les façons les lignes doivent bouger, parce que de nombreux acteurs de 1987 sont toujours en vie et seront certainement auditionnés.

Thomas Sankara, devenu icône d'une jeunesse panafricaine, doit enfin reposer en paix et selon les honneurs dus à son rang. On l'a d'ailleurs remarqué à la télévision nationale où Mariam a fait un passage remarqué au journal de 20 heures pour y expliquer les raisons de sa présence au Faso, en attendant, dit-elle, que ses enfants ne fassent à leur tour le voyage.

Une perspective des plus inimaginables il y a encore quelques mois de cela. Pour ce faire, il aura été nécessaire que l'homo ziniarius prenne à son tour le chemin de l'exil chez son filleul Ouattara. Il faut croire alors que la roue de l'histoire est en train de tourner. Au moins sur ce point plus rien n'est/ne sera comme avant...

A. Traoré

Publicité Publicité

Commentaires

Publicité Publicité