Face à cette situation, le ministre de l'Aménagement du territoire et de la décentralisation, Toussaint Abel Coulibaly, a fait le déplacement de Kindi, le 20 septembre 2013, pour rencontrer les protagonistes. Une rencontre qui s'est déroulée en présence d'une population sortie nombreuse pour être témoin de l'issue de l'intervention du ministre Coulibaly. En tout cas, la scène de réconciliation, après les entrevues, laisse croire que la page de la crise est tournée.
Une délégation conduite par le ministre de l'Aménagement du territoire et de la décentralisation, Toussaint Abel Coulibaly, a séjourné à Kindi pour échanger avec les deux principaux protagonistes, à savoir le maire Thomas Baguemzanré et le chef du village, le 20 septembre 2013. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette journée restera gravée dans la mémoire des populations de Kindi. Aux environs de 9h déjà, une foule immense de tous les âges, venue de tous les villages de la commune, qui à pied, qui à vélo ou à moto, a pris d'assaut la mairie. Quant à la sécurité, elle a été simplement renforcée. On notait la présence de la délégation du Laalé Naaba. Tout ce monde nourrissait l'espoir que cette rencontre mettra fin à la crise qui perdure. A cet effet, un dispositif a été bien mis en place avec à sa tête, le chef du département de la décentralisation ainsi que les autorités de la région du Centre-Ouest dont le gouverneur, Pascal Komyaba Sawadogo. Les échanges qui se sont passés à huis clos avec les deux camps ont duré environ 3 heures. Toute chose qui en disait long sur la complexité du différend qui oppose les deux autorités de Kindi. C'est à l'issue des échanges que la population a eu droit aux conclusions. D'entrée de jeu, le ministre a déclaré ceci à l'endroit de la population : « Pour éviter les incompréhensions, je vais m'exprimer en mooré ». Et de poursuivre : « Si vous avez tenu à braver tout le temps qu'a duré notre entrevue, cela prouve que vous voulez la paix dans votre commune et cela pour aller de l'avant ».
Les deux leaders doivent s'entendre
Il a profité de l'occasion pour sensibiliser la population sur le processus de la décentralisation ainsi que les valeurs symboliques qu'incarne le drapeau de notre pays. « Peu importe la tension, personne n'a le droit de toucher au drapeau », a-t-il relevé. A l'en croire, cette réconciliation entre le maire et le chef n'est pas une réconciliation de façade et il revient à la population de travailler de sorte à mettre en œuvre les conclusions issues de la rencontre. Selon lui, ces deux leaders doivent s'entendre pour le développement de la commune. Pour prouver qu'ils ont fumé le calumet de la paix, les deux protagonistes se sont serré la main devant l'assemblée. « Vous les journalistes, vous allez revenir ici », a lâché un habitant qui a refusé notre interview et qui était visiblement remonté contre les journalistes qu'il accuse d'être contre le chef, à travers leurs écrits.
En rappel, c'est le 2 mars 2013 que Thomas Baguemzanré a été installé comme maire de la commune rurale de Kindi , en présence du chef. Située à environ 45 km de la commune urbaine de Koudougou dans la province du Boulkièmdé, Kindi a une superficie de 282 km² avec une population estimée à environ 36 784 habitants. A l'issue des élections couplées du 2 décembre 2012, la population de Kindi venait ainsi de lui renouveler sa confiance, en lui confiant sa destinée et ce, pour la deuxième fois consécutive. Ce jour-là, il avait laissé entendre que son mandat s'inscrivait dans la continuité des actions déjà entreprises au cours du mandat écoulé. Ainsi, il avait adressé aux fils et filles de Kindi un message de paix, de pardon et de cohésion sociale. Aux élus locaux, il leur avait demandé de dépasser leur appartenance politique afin qu'ensemble, ils puissent répondre aux attentes des populations. Comme si l'on pressentait le mal venir, l'ancien haut-commissaire du Boulkièmdé, Samuel P. Zoungrana, qui avait officié la cérémonie, avait, lui aussi, invité toute la population à faire fi de tous les clivages politiques qui pourraient porter atteinte à la cohésion pour ne songer qu'à l'intérêt général de leur collectivité.
Le ras-le-bol des conseillers
Quelques mois après cette cérémonie, au lieu du rendez-vous sur les grands chantiers de développement, la commune connaîtra des tensions opposant farouchement le maire au chef : incompréhension entre l'administration et les coutumiers sur certains sujets. Et la goutte qui a fait déborder le vase a été l'affaire du terrain de 12ha 42a 91ca taillé dans la forêt sacrée de Masré par le maire Thomas Baguemzanré au profit de son premier fils.
Les notables de Taons Naab Yiré, soutenus par les chefs des quartiers de Kindi, avaient, pour cela, initié une marche-meeting le 19 août 2013, qui s'était soldée par la remise du message de désapprobation au préfet du département de Kindi, Alexis Badoma. Yamba Zongo, l'un des notables, ne demandait que la libération du site coutumier qui est pour eux une référence et un trésor.
Un souhait qui a été exaucé puisque le fils du bourgmestre, nonobstant les documents lui conférant la propriété, a restitué ledit terrain. Malgré cela, les populations vont pousser le bouchon plus loin en allant fermer la mairie le lundi 16 septembre, une façon pour eux de rejeter définitivement leur maire qui avait pourtant tenté une médiation auprès des notables. Cette fermeture n'a pas été du goût d'une partie de la population. C'est ainsi qu'une délégation des différents villages de la commune de Kindi, avec à sa tête des conseillers municipaux, s'était rendue au haut-commissariat du Boulkièmdé pour manifester son ras-le-bol et exiger une réaction des autorités, en vue de mettre fin à la détérioration du climat social. En réaction, le SG du Boulkièmdé, Mohamed Da, avait rassuré les plaignants de la réouverture et de l'opérationnalisation de la mairie. C'est ainsi qu'il a procédé à l'ouverture de la mairie dans la même soirée du 17 septembre 2013. Mais aucun agent n'y est venu travailler le mercredi, à en croire le préfet de Kindi, Alexis Badoma. Au vu du climat délétère qui y régnait, il fallait y mettre un terme car la population était divisée en deux camps : les partisans du maire et ceux du chef.
C'est ainsi que le gouvernement burkinabè a décidé de prendre le problème à bras-le-corps afin de ramener la paix et la sérénité.
Thomas Baguemzanré, maire de Kindi
« J'aime les contradictions saines »
« Je suis satisfait de la rencontre car, sans passion, chacun a pu dire ce qu'il avait sur le cœur. Aussi, le ministre a écouté toutes les positions sans parti pris. J'aime les contradictions saines, donc il n'y a pas de raison que la réconciliation ne soit pas une réalité. Mon sentiment est que les esprits vont se calmer afin que chacun vaque à ses occupations. Il est temps que chacun laisse son ego, car nous avons tous le devoir de préserver la paix. »
Le Naaba de Kindi
« Je n'ai rien contre le maire »
« Je n'ai rien contre la personne du maire. Il est là, et vous pouvez le lui demander. En ce qui concerne les différents points de désaccord, c'est-à-dire le problème de l'usine, de la maternité et du terrain, nous avons tout réglé. Vous savez, les actions que j'entreprends dans ce village, c'est pour participer au développement de notre commune et non pour chercher de l'argent. »
Modeste BATIONO
(Correspondant)