L’accident du vol AH5017 est dû à des nuages

| 09.10.2014
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L’accident du vol AH5017 est dû à des nuages
© DR / Autre Presse
L’accident du vol AH5017 est dû à des nuages
Le 20 septembre 2014, les enquêteurs sur le crash du vol d'Air Algérie, ont présenté un premier rapport. Pour eux, il n'y a toujours pas de piste privilégiée. Mais Ousmane Traoré, premier pilote de ligne burkinabè à la retraite, a tenu à éclairer l'opinion, à travers cette interview. Pour celui qui fut pilote à Air Volta de 1977 à 1981, avant d'être recruté à Air Afrique, il n'y a pas d'autres causes. Ce sont les mauvaises conditions météorologiques qui sont à l'origine de cet accident d'avion.

Sidwaya (S.) : Selon vous, quelles sont les causes exactes du crash du vol AH5017 d'Air Algérie, le 24 juillet dernier ?

Ousmane Traoré (O. T.) : Pour moi, ce crash a dû être causé par un cumulonimbus, un phénomène nuageux, orageux très développé et très dangereux que l'avion à dû rencontrer sur sa trajectoire. C'est un phénomène qui arrive 7 jours pendant l'été dans cette zone, vu mon expérience de pilote entre Ouagadougou et Paris en passant par Alger, plus de 50 fois. Entre juin et septembre, nous croisons ce phénomène plusieurs fois, mais il faut le contourner. Il peut avoir une hauteur de 18 km et sa largeur peu atteindre une quarantaine de km. Plus on monte, plus il devient dangereux. Parce que sa base contient des pluies, des vents tourbillonnaires au milieu et plus haut, on a les grêles, c'est-à-dire les cristaux de glace qui ont une dimension de 10 cm de diamètre. Dans notre zone, c'est-à-dire en Afrique de l'Ouest, il se déplace de l'est à l'ouest. La réglementation aérienne nous interdit de traverser ce genre de phénomène. Vu l'impact de l'avion, je pense qu'il est rentré dans ce phénomène. Et en voulant l'éviter, les pilotes se sont trop rapprochés. Il faut savoir qu'il peut avoir deux nuages collés. On peut éviter un et il y a un autre devant qu'on ne peut plus éviter. C'est un cas possible. Ils ont peut-être minimisé son intensité. Il est dit que le contournement de ce genre de phénomène doit se faire lorsque l'avion est à une distance minimale de 15 km. Je l'ai déjà contourné en tant que copilote, en 1982.

S. : A votre avis, qu'est-ce que l'équipage devrait faire, pour éviter cet accident d'autant plus qu'il est censé avoir toutes les informations sur la météo, avant de décoller ?

O. T. : Effectivement, au sol déjà, nous avons l'information sur la situation météorologique des trajectoires et des zones que l'avion doit traverser. Nous appelons cela préparatifs prévol. Prenons l'exemple du trajet Ouaga- Alger. L'équipage sait très bien qu'il doit survoler la région de Gao jusqu'à Alger. Il y a un service météorologique à l'aéroport de Ouagadougou qui leur fourni, toutes les informations en photo satellite, sur les nuages qu'ils doivent traverser, la température en altitude, la position du Front intertropical qui provoque ce phénomène. Tout commandant de bord a toutes ces informations. En ce moment, il décide de partir ou de ne pas partir ou encore de retarder le vol. Si celui d' Air Algérie a décidé de partir, c'est qu'il avait une technique pour contourner le phénomène nuageux. Maintenant je ne sais pas pourquoi il s'est trop rapproché de ce phénomène

S. : Est-ce que l'inexpérience de l'équipage sur la ligne Ouaga- Alger ne peut pas être une raison ?

O. T. : Si. Les pilotes espagnols qui assuraient le vol sont commandants chez eux en Espagne et sur les lignes européennes, mais pas sur la ligne Ouagadougou- Alger. Je pense que dans ce cas, Air Algérie devait mettre à leurs cotés un pilote algérien qui a fait la ligne plusieurs fois dans le cockpit avec eux pour éviter ces genres de chose. Ils ont traversé des orages en Europe qui ne sont pas si violents que ceux de l'Afrique, surtout dans les zones tropicales. Les orages tropicaux ne sont pas pareils à ceux des zones tempérées. Nous n'avons pas la même gestion, surtout si le Front intertropical (FIT) est à 200 km à l'heure. Je pense qu'il y a cette cause de manque d'expérience sur la ligne. Ils se sont trop rapprochés de l'orage, si bien qu'ils se sont retrouvés dedans. Et le fait qu'ils étaient à plus de 10 000 m d'altitude, ils sont rentrés dans la zone de grêle. Conséquences, il y a eu certainement arrêt de moteur, perte de vitesse, pare-brises cassés. En ce moment, les pilotes sont presque inconscients. C'est comme s'il y avait plus de pilote dans l'avion. Et l'avion en perte de vitesse, chute et se retrouve carrément au sol fracassé. Voilà pourquoi, pour moi, il faut enlever l'idée d'attentat, de bombe. C'est quelque chose qui peut arriver à tout avion qui veut traverser ce type d'orage. Seulement comme c'est la première fois que cela arrive dans notre zone, les gens méconnaissant ce phénomène dangereux pour l'aéronautique, parlent de tout. Si c'était un attentat, l'avion allait exploser en vol. On allait retrouver des débris à environ 100 km de diamètre, mais là, on a trouvé tout l'avion au sol, fracassé en débris.

S. : Vous semblez très certain des causes liées à la météo, mais vous ne pensez pas tout de même que des individus à bord de l'avion, c'est-à-dire des pirates de l'air, aient pu forcer l'équipage à rentrer dans le phénomène nuageux évoqué plus haut ?

O. T. : Non. Mais cela dépend de la vigilance du commandant de bord. Dans ce genre de situation, si je suis à la place du commandant de bord, je dirais aux pirates (qu'ils s'y connaissent en matière d'avion ou pas) que je suis d'accord pour traverser le phénomène nuageux. en tous les cas, je donnerai à mon avion un changement de cap à partir de telles ou telles données. En ce moment, l'avion bascule tout seul. Et s'ils demandent ce qui se passe, je répondrais tout simplement que c'est l'effet du vent. Et même s'ils essaient de redresser l'avion, il faudra d'abord enlever le pilote automatique. Mais pour le cas du crash de l'avion, je ne pense pas qu'un acte de piratage soit à l'origine. Je suis sûr et certain qu'ils sont rentrés dans l'orage.

S. : Comment expliquez-vous le fait qu'au lieu du crash, il n'y a que des débris, aucune trace de corps ?

O. T. : Parce l'impact a été très violent. L'avion venait tout juste de quitter Ouagadougou où il avait pris du carburant (kérosène). Il n'avait même pas encore consommé le 1/5e de son carburant.

Et les réservoirs étaient toujours pleins. Pour un vol de 4h, il a fait à peine 30 ou 40 mn de vol. S'il chute et les réservoirs prennent feu, il se désintègre et puis l'avion n'a pas un seul réservoir. Donc imaginez l'explosion avec l'impact de ces réservoirs.

Chaque réservoir explose ; donc les débris sont énormes. L'avion a un réservoir qu'on appelle collecteur. Tous les autres réservoirs y déversent leur contenu. C'est ce réservoir central qui nourrit les moteurs.

S. : Les enquêteurs disent n'écarter aucune piste. A vous entendre, seule la piste des mauvaises conditions météo est à prendre en compte.

O. T. : L'enquête doit effectivement se focaliser sur l'orage, que l'avion a dû traverser. Mais on attend. La boîte qui a enregistré les paramètres de vol dira peut-être qu'il y a eu un choc pendant le vol, puis l'avion a plongé. La boîte qui enregistre les conversations à bord de l'avion quant à elle, a reçu la violence de l'impact en l'air et le second impact plus violent au sol, donc cette boîte a eu deux chocs. C'est pour cela qu'elle est fortement endommagée. Normalement, cette boîte devrait révéler les conversations des deux pilotes avant l'accident. La première boite qui se trouve à la queue de l'avion, l'enregistreur des paramètres de vol devrait dire l'attitude de l'avion au moment de l'accident. Il a tout enregistré, depuis le départ à Ouagadougou jusqu'à l'instant T, quand l'accident s'est produit.

S. : Quel est le message que vous avez pour les familles des victimes ?

O. T. : Je présente mes condoléance les plus attristées aux parents, aux familles et connaissances des victimes. Et je profite pour tirer mon chapeau au général Gilbert Diendiéré qui en moins de quelques heures, avec l'armée de l'air, a pu retrouver l'impact. Ils ont réussi cette prouesse avec le peu de moyens qu'a notre armée. Cela veut dire qu'ils maîtrisent le terrain et qu'ils ont reçu de bonnes formations. Ils méritent les félicitations de tout le peuple burkinabè. Je demande au public de ne pas trop polémiquer sur ce crash. C'est quelque chose qui arrive à l'aéronautique et c'est la première fois que ca arrive dans notre sous-région. Mais cela ne remet nullement en cause, le fait que l'avion soit le moyen le plus sûr de transport au monde. Imaginez-vous que par jour, il y a plus de 7000 vols de compagnies aériennes par jour et les accidents se comptent au bout des doigts.

Interview réalisée par
Gabriel SAMA

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