La rentrée solennelle des avocats burkinabè avait donc les allures d'un conclave international d'avocats. Surtout que le thème de cette activité(«Gouvernance juridique et judiciaire des investissements en Afrique : quel rôle pour l'avocat ?») prenait en compte les préoccupations du métier de l'avocat au-delà des frontières du Burkina Faso.
A la cérémonie d'ouverture des travaux, le Président du Faso, Michel Kafando, dans le rôle de maître de cérémonie et de modérateur des allocutions, a donné la parole, à tour de rôle aux 5 personnalités ayant prononcé leurs allocutions à la tribune officielle. Pour sa part, Me Mamadou Traoré, bâtonnier de l'Ordre des avocats du Burkina, a mis l'accent sur les principaux problèmes qui assaillent le Barreau burkinabè. Il s'agit d'abord de la quasi-absence de formation continue des avocats. Il s'est même indigné du fait que le Burkina Faso ne soit pas doté de centre de formation des avocats au profit d'un Barreau vieux de 25 ans. Me Traoré, sous sa mandature, met un point d'honneur à la formation des avocats et à la création du centre de formation des avocats lui tient à cœur car, dira-t-il, « un avocat sans formation est un marchand ambulant et un corrupteur en puissance".
La deuxième «maladie terrible» diagnostiquée par le bâtonnier burkinabè est la corruption en milieu judiciaire. «C'est inadmissible,excellence Monsieur le Président!» a-t-il déclaré sans sourciller et s'adressant en particulier au Chef de l'Etat. Me Mamadou Traoré refuse et rejette les généralités du genre: «La justice est à l'image de la société. Si la société est corrompue, la justice l'est nécessairement».Car pour lui, quand les autres secteurs de la société sont corrompus, il faut une justice forte, crédible et impartiale pour juger et trancher. Pourtant, le constat, d'après Me Mamadou Traoré, est que certains magistrats se réfugient derrière le principe de l'indépendance pour s'adonner à la corruption. Tirant à boulets rouges sur ceux qui doivent rendre les jugements, le bâtonnier fait le constat suivant sur la justice burkinabè: «Les Jugements se monnaient. Les arrêts se monnaient. Les emprisonnements se monnaient. Les mises en liberté se monnaient dans notre système judiciaire, hélas!». Me Mamadou Traoré rappelle aussi la récente grève générale des magistrats burkinabè suite à l'agression d'un des leurs au tribunal de grande instance de Ouagadougou et fait remarquer que même les syndicats de magistrats ont fini par reconnaitre que le problème n'est pas à l'extérieur du palais de justice, mais bien à l'intérieur et dans un marchandage. Il évoque aussi les différents rapports du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) qui indiquent que plusieurs acteurs de la justice ont été pris dans des affaires de corruption, les mains dans le sac, sans qu'il n'y ait eu des sanctions.
A la conclusion de son réquisitoire, Me Mamadou Traoré a fini par implorer le Président Michel Kafando et le ministre de la Justice, à prendre des sanctions fermes à l'encontre des auteurs d'actes de corruption. «Si des cas sont sanctionnés; quelques cas seulement, Madame le ministre, je vous assure que les états généraux de la justice auront un succès éclatant», a dit le bâtonnier de l'Ordre des avocats du Burkina.
Les états généraux de la justice s'ouvrent en effet dans seulement 4 jours (le 24 mars 2015) et le Président Michel Kafando qui a d'ailleurs bouclé la boucle des interventions lors de la rentrée solennelle des avocats, dit fonder beaucoup d'espoirs sur la réussite de ces assises. Et les avocats, par la voix de Me Traoré, ont déjà promis de contribuer aux succès des états généraux de la justice.
Le programme d'activités de cette rentrée solennelle du Barreau burkinabè prévoit une série de conférences et de communications jusqu'au 21 mars prochain.
Par D. Justin SOME