La rentrée judiciaire offre chaque année l’opportunité d’aborder un thème qui concerne les juges, les juridictions et l’actualité. Selon Abdourahmane Ouattara, cette année, il est apparu propice et adéquat d’aborder en même temps les questions relatives à la démocratie et à la bonne gouvernance, ainsi que leur lien avec les juridictions. « Ces questions constituent une forte attente, surtout dans ce contexte post insurrectionnel où le citoyen, les gouvernants et les partenaires de notre pays sont très attentifs sur le rôle de l’appareil judiciaire dans la sauvegarde des déterminants de la gestion transparente des affaires publiques », affirme-t-il. Pour lui, la doctrine de séparation des pouvoirs commande que chacune d’entre les trois fonctions soit exercée par des organes distincts, indépendants les uns des autres, tant par leur mode de désignation que par leur fonctionnement.
Pour avoir une portée réelle, le rapporteur pense que la démocratie suppose l’existence de juridictions compétentes et indépendantes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques, en appliquant à la fois le principe de légalité et celui d’égalité. A l’en croire, la Justice faisant partie de l’Etat, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit. Aussi, l’indépendance des juridictions est consacrée par les constitutions de tous les états démocratiques du monde, et à ce sujet, Abdourahmane Ouattara demande qu’on lui permette de citer l’article 16 de la déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui dit que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’à point de Constitution ».
Le citoyen a le droit de savoir
Dans le rapport, il est apparu que dans une démocratie, le citoyen a le droit de constater, par lui-même ou par ses représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. Il a également le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Il s’agit avant tout d’une démocratie financière.
La démocratie financière ou le système établi pour garantir une bonne gestion des deniers publics est bâtie autour de trois principes qui veulent qu’ aucune recette publique ou dépense publique ne peut être exécutée sans l’autorisation du parlement, qu’aucune recette publique ou dépense publique ne doit s’exécuter en dehors des procédures établies et, enfin, qu’aucune recette publique ou dépense publique ne doit être soustraite du contrôle d’un organe indépendant habilité qui en informe le citoyen. L’exercice de cette démocratie par le citoyen consiste, dans la pratique, à faire contrôler l’usage des fonds publics, à s’en faire rendre compte et à sanctionner éventuellement son mauvais usage.
Toutefois, le rapporteur a tenu à préciser qu’il y a lieu de dépasser les pesanteurs et habitudes acquises du fait de l’assimilation de la juridiction financière à une juridiction judiciaire, pour porter l’information au citoyen. Pour cela, Abdourahmane Ouattara se demande comment réaliser ce dessein, avec une population à plus de 50% d’analphabètes...
La publication des rapports par la Cour des comptes suffit-elle ? La Cour ne devrait-elle pas revoir son mode d’information, au besoin, par l’utilisation des langues locales et les débats relayés par les médias pour satisfaire le destinataire final de ses interventions, le citoyen ? Ce sont là autant de questions auxquelles il faudrait répondre, pour éclairer le citoyen lambda. « Ces réformes doivent être conduites dans une synergie commune emprunte de sérénité et sans passion aucune. C’est à ce prix que l’histoire nous revaudra d’avoir été prévoyants, c’est à ce sacrifice dont nous devrions par anticipation être fiers », conclut-il.
Armelle Tapsoba